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"La médiocrité du bilan économique et social du président-candidat Nicolas Sarkozy ne saurait malheureusement se limiter aux résultats désastreux en termes de hausse du chômage, de stagnation du pouvoir d’achat, d’augmentation de la dette publique, d’accélération de la désindustrialisation et de la détérioration du déficit de la balance commerciale, observées sur la période 2007-2011. Il nous faut aussi faire état de l’aggravation sensible des inégalités de revenus en France durant ce quinquennat de la décadence économique et sociale, de surcroît, une aggravation beaucoup plus marquée par rapport à celle constatée au niveau de l’ensemble de l’Europe. Comme quoi, et particulièrement dans un contexte de crise économique mondiale où la fragilisation des plus démunis appelle un renforcement de la redistribution, les choix gouvernementaux en matière de politique économique et sociale sont déterminants.
Grâce à l’enquête annuelle sur les revenus et les conditions de vie que réalise Eurostat (EU-SILC) [2], nous pouvons faire une comparaison internationale, pour les pays de l’ensemble de l’Union européenne, sur le front de l’évolution des inégalités en matière de répartition des revenus. On retiendra l’indicateur calculé par Eurostat, à savoir le ratio entre la part du revenu total perçu par les 20 % de la population ayant le revenu le plus élevé (quintile supérieur) et la part du revenu total perçu par les 20 % les plus pauvres (quintile inférieur).
Ne disposant pas encore des résultats pour l’année 2011, nous ferons le bilan comparatif sur la période 2007-2010.
Comme l'indique le graphique ci-dessous, le ratio entre les plus riches et les plus pauvres connaît une progression conséquente en France, avec une hausse de 15,4 % entre 2007 et 2010, nettement plus forte que celle enregistrée pour l'ensemble de la zone euro ou l'Union européenne (+ 2,0%). Cette évolution positionne la France parmi les pays européens où l'aggravation des inégalités a été la plus forte. Seuls l'Espagne (+30,2 %), la Lituanie (+ 23,7 %) et le Danemark (+ 18,9 %) ont fait pire. On constate, en revanche, à l'extrémité, une réduction des inégalités sensible sur la période étudiée pour la Roumanie (baisse de 23,1 % du ratio), la Bulgarie (-15,7 %) et le Portugal (-13,8 %).
Les mauvais résultats de la France en matière d’évolution des inégalités de revenus ne sont guère étonnants, eu égard à la politique fiscale mise en œuvre depuis 2007, une politique n’ayant eu de cesse d’être la plus fidèle servante de l’injustice fiscale, avant et pendant la crise économique et financière. Avant, avec les cadeaux fiscaux accordés essentiellement aux hauts et très hauts revenus dans le cadre de la loi Tepa mise en œuvre dès l’été 2007 ; et enfin, pendant la crise, en faisant supporter principalement sur les classes laborieuses et moyennes les efforts demandés dans le cadre de la politique d’austérité, décidée au nom de la crise de la dette publique. Au final, les choix gouvernementaux en matière de prélèvements obligatoires sous la présidence de Nicolas Sarkozy ont consisté à renforcer, et de façon « royale », la régressivité de notre système fiscal qui profite scandaleusement à la fraction la plus riche de notre société.
Comme le montrent les travaux de l’économiste Thomas Piketty maintenant bien connus dans ce domaine de la fiscalité, et résumés par le graphique ci-dessous caractérisant notre système fiscal actuel, après une progressivité quasi-inexistante entre les 50 % et les 95 % les plus riches en termes de revenus, le chemin de la régressivité heureuse s’ouvre de façon scandaleuse et généreusement à nos 5 % les plus nantis [3].
Ainsi, sur un revenu mensuel brut de 63.000 euros, le taux global d’imposition effectif est plus faible de 8 points par rapport à celui que supporte un revenu brut de 1700 euros par mois !"

Il semblerait que Nicolas Sarkozy ait oublié, dans sa lettre aux Français, d’aborder cette question pourtant cruciale du creusement des inégalités de revenus durant son quinquennat. Probablement, par simple inadvertance...
Le graphique présente le taux global d’imposition (incluant tous les prélèvements obligatoires) en fonction des groupes de revenus, avec en abscisses les percentiles de 0 à 100 %. Ainsi, P0-10 désigne les 10 premiers percentiles, c’est-à-dire les 10 % des personnes avec les revenus les plus faibles (autrement dit le premier décile) ; P10-P20 regroupe les 10 % suivants pour donner le quintile inférieur, etc. On remarque que les taux d’imposition n’augmentent que légèrement jusqu’au 95ième percentiles (d‘où le premier constat d‘une faible progressivité de notre système fiscal), pour ensuite baisser pour les 5 % les riches (d’où le second constat d’une régressivité injuste et indécente socialement) en raison de la multiplication des « niches fiscales » et de la « surtaxation » des revenus du travail par rapport aux revenus du capital.