Social Le revenu de solidarité active, défendu par Martin Hirsch, pourrait voir le jour fin 2008
Travailler tout court pour gagner plus
C'est ce qui s'appelle un système pervers. Actuellement, un RMiste qui reprend un tra¬vail ne gagne pas forcément plus d'argent. Car le nouvel emploi crée souvent de nou-veaux frais – de transport ou de garde pour les enfants –et, surtout, l'intéressé va se voir supprimer des aides automatiquement attribuées via son statut : l'exonération de la taxe d'habitation, l'ac¬cès à la CMU complémen¬taire... Pas de quoi inciter à retourner au turbin.
C'est cette logique contre contre productive que veut casser Martin Hirsch, ancien prési¬dent d'Emmaüs et nouveau haut-commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, en créant le revenu de solidarité active (RSA).
L'objectif du RSA qui pour¬rait voir le jour fin 2008 est de permettre aux bénéficiai¬res de minima sociaux de retourner vers l'emploi sans baisse de revenu. Depuis le 1" juin, l'Eure teste le dispo¬sitif pendant trois ans, auprès d'un public de RMistes très ciblés : ceux qui reprennent un emploi, augmentent leur nombre d'heures travaillées, ou débutent une formation rémunérée (lire ci-dessous).
Dix-sept autres départe-ments sont intéressés. Selon Martin Hirsch, contacté par 20 Minutes, le RSA « ne se limite pas aux allocataires du RMI ». Il pourrait, à terme, être étendu aux bénéficiaires d'autres minima sociaux (al-location spéciale de solida¬rité, de parent isolé...), ainsi qu'aux travailleurs pauvres, ces hommes et femmes dont le travail ne permet pas de passer le seuil de pauvreté (788 € pour une personne seule).
Alexandra ne veut plus
bosser pour la gloire ».
Il y a encore deux ans, elle travaillait
dans le restaurant de son père. Dépôt de bilan, licen¬ciement économique, la jeune femme de 32 ans se retrouve au chômage avec un enfant à charge. Depuis décembre, elle touche le RMI, 630 € par mois, alloca¬tion enfant et pension ali¬mentaire comprises.
Récemment, elle a fait une semaine d'intérim. « Ça m'a rapporté 80 € de plus, mais avec l'essence à payer et la nourrice pour mon fils, je n'en ai pas vu la couleur... ça ne pousse pas à travailler », explique-t-elle.
Du coup, elle n'a pas hésité quand on lui a proposé d'intégrer le groupe témoin monté en début d'an-née par l'Agence nouvelle des solidarités actives (Ansa) et l'Unité territoriale d'ac¬tion sociale (Utas) de Louviers, pour encadrer l'ex¬périmentation du RSA sur le département de l'Eure. « J'ai voulu parler des petits frais qui bouffent la vie quand on cherche du travail : les tic¬kets de bus, les timbres pour envoyer des CV... »
Mardi matin, Alexandra est venue présenter, avec des membres de l'Ansa et del 'Utas, le revenu de solida-rité active à quelques RMistes de Pont-de-l'Arche, un des huit cantons de l'Eure qui l'expérimente depuis le lei juin.
Dans la salle, douze femmes et cinq hommes les écoutent. « Le RSA ne vous donne pas un travail, mais vous aide quand vous en avez trouvé un », explique Sophie Guillet, chargée de mission de l'Ansa. Comment ? « Avec un sou¬tien financier mensuel, un accompagnement avant et pendant l'emploi, et des so¬lutions adaptées à la vie pri¬vée. » Comme payer l'es¬sence le premier mois, ou la crèche du petit dernier : autant de coups de pouce pour « amorcer la pompe du retour à l'emploi ».
Sylvie, RMiste depuis six ans, se dit « plus intéressée par le soutien personnel que par l'aspect financier » de la me¬sure. A 43 ans, cette com¬merçante qui vend des pizzas dans un camion ambulant, confie vivre « sous le seuil de
pauvreté ». « J'ai les mêmes chaussures depuis quatre ans, mon sac à main m'a coûté 2 €, et j'ai troqué mon jean contre une pizza gra-tuite », explique-t-elle. « Nous accompagner, c'est primordial. Quand tu es au RMI depuis trop longtemps, tu te dévalorises, et tu finis par avoir peur de travailler ou de faire des démarches. Le premier frein est souvent psychologique. »
Envoyé spécial à Pont-de-l'Arche, Bastien Bonnefous
Source : " 20 minutes" du jeudi 7 juin.