Conscience publique et pauvreté

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victorine83

Conscience publique et pauvreté

Message par victorine83 »

Voici un exposé fort instructif sur le déni de la pauvreté... exposé fort révélateur de la politique actuelle de nos dirigeants.


Entre autres, cette méthode qui correspond particulièrement à la propagande sarkoziste :
[...]

Troisième méthode, liée à la précédente, pour se laver les mains du sort des pauvres : affirmer que les aides publiques ont un effet négatif sur l’incitation à travailler. Elles opèrent un transfert de revenus des actifs vers les oisifs et autres bons à rien, et, de ce fait, découragent les efforts de ces actifs et encouragent le désœuvrement des paresseux. L’économie dite de l’offre est la manifestation moderne de cette thèse. Elle soutient que, aux Etats-Unis, les riches ne travaillent pas parce que l’impôt prélève une trop grande part de leurs revenus. Donc, en prenant l’argent des pauvres et en le donnant aux riches, nous stimulons l’effort et, partant, l’économie. Mais qui peut croire que la grande masse des pauvres préfère l’assistance publique à un bon emploi ? Ou que les cadres dirigeants des grandes entreprises - personnages emblématiques de notre époque - passent leur temps à se tourner les pouces au motif qu’ils ne sont pas assez payés ? Voilà une accusation scandaleuse contre le dirigeant d’entreprise américain, qui, de notoriété publique, travaille dur.

[...]
Dernière modification par victorine83 le 07 oct. 2006, modifié 1 fois.
victorine83

Message par victorine83 »

Pour corroborer la méthode précitée, un extrait d'une interview d'Alain Mergier :
« La société était promesse, elle est devenue menace », Alain Mergier, sociologue

Quelque chose s’est cassé. Dans les têtes d’abord. C’est ce que nous rapporte le livre d’Alain Mergier et Philippe Guibert, Le descenseur social.

Dans les milieux populaires, la représentation de la société, comme celle de l’avenir est singulièrement pessimiste.

L’ascenseur social fonctionnerait toujours… mais dans le sens exclusif de la descente !

L’Etat, hier garant de la promesse républicaine, serait devenu une « menace ».

Les dispositifs de protection sociale contribueraient même à déposséder les individus « de toute capacité à se retrouver sujet de sa propre vie ».

La société vécue par les milieux populaires est violente, la menace y est permanente et « toute relation devient potentiellement agressive ».

Là encore, l’Etat aurait failli en « renonçant, de fait, à son monopole de la violence ».

Enfin, troisième pilier de la société vécue par les milieux populaires, les politiques d’intégration seraient un échec.

Vous venez de publier un ouvrage remarqué Le descenseur social. Enquête sur les milieux populaires. Que représentent-ils encore aujourd’hui ? Qui sont-ils ?

D’abord, ils représentent un « impensé » de la politique qui vit encore trop souvent sur le mythe de la grande classe moyenne. Ce mouvement de convergence a une réalité jusqu’à la fin des années 70. Nous vivons, aujourd’hui, dans l’éclatement de cette grande classe moyenne, sans en avoir pris la mesure de cette reconfiguration sociologique et de ses conséquences politiques. On ne sait plus bien comment cette partie de la population raisonne, on se contente d’enregistrer et de subir les aléas de leurs attitudes, de leurs opinions et finalement de leur vote.

Les milieux populaires représentent presque 15 millions de salariés en France. Le nombre d’ouvriers a diminué depuis 30 ans mais ils sont « encore » 7 millions dans ce pays, à comparer aux 4 millions de cadres et professions intellectuelles.

Quant aux employés, c’est la catégorie de salariés qui a le plus augmenté depuis 20 ans, et la plus importante aujourd’hui, avec environ 8 millions de personnes.

Les milieux populaires représentent plus de la moitié de la population active et 60% des salariés.

En termes électoraux, c’est un électeur sur trois !

Faut il préciser que sortir de cet « impensé » est un enjeu central pour 2007.

...

Source
tristesir

Message par tristesir »

Les dispositifs de protection sociale contribueraient même à déposséder les individus « de toute capacité à se retrouver sujet de sa propre vie ».
Parce qu'avoir un emploi permet toujours d'être <<acteur de sa propre vie>> ?
Sachant que le travail signifie souffrance psychologique pour beaucoup de salariés.
victorine83

Message par victorine83 »

C'est bien parce que certains politiques veulent supprimer les dispositifs de protection sociale qu'ils tiennent ce discours.

Mais dans la vie, c'est effectivement tout le contraire, c'est quand on ne travaille pas que l'on redevient acteur de sa vie.

Manque juste le pognon.... c'est tout !!! :D
Florence

Message par Florence »

Bonsoir,

Oui Tristesir, les dispositifs de protection sociale dépossèdent les individus "de {la possiblité} de se retrouver sujets de leur propre vie".

Pour la simple raison qu'ils sont assortis d'un système de contrôle dont la coercition annoncée et exercée n'est que le masque d'une culpabilisation malhonnête intellectuellement et d'une "objectivation" systémique et systématique (= transformer en objet au lieu de considérer comme un sujet).

Malheureusement la logique d'objectivation ne se limite pas aux citoyens en recherche d'emploi ni aux pauvres. L'enjeu de cette tendance n'a pas pour unique objectif la suppression des dispositifs sociaux.

Les auteurs des textes cités sont malheureusement lucides : quels que soient les "exécuteurs des basses oeuvres", politiques ou autres acteurs économiques, l'avidité inhérente au capitalisme sauvage agit et agira jusqu'à épuisement de ses dernières forces en tous domaines pour nier la primauté de la valeur humaine sur la possession. Il serait illusoire d'espérer qu'un vampire se mette au régime végétarien.

La question qui se pose serait peut-être : que construire de différent, malgré tout, pour prendre le relais quand le château de cartes financier sur lequel repose actuellement ce système s'effondrera sur lui-même, piégé par sa virtualité?
tristesir

Message par tristesir »

Oui Tristesir, les dispositifs de protection sociale dépossèdent les individus "de {la possiblité} de se retrouver sujets de leur propre vie".
Sans doute, mais j'avais l'impression que cette analyse était ,une fois de plus, encore une façon d'opposer chomeurs et salariés.

Une analyse que je comprends comme un n-ième avatar de: "le travail rend libre".

Alors je repose ma question:

Parce qu'avoir un emploi permet toujours d'être <<acteur de sa propre vie>> ?
victorine83

Message par victorine83 »

Moi, je t'ai répondu Tristesir et l'unique but de la suppression des minima sociaux est de rendre les privés d'emploi dépendants des sous-emplois pour être au service de l'économie et non acteur de leur vie puisqu'ils resteront dans l'impossibilité de vivre de leur travail.

Le travail, dans ces conditions, n'est autre que l'esclavagisme que les ultra-libéralistes veulent étendre aux peuples des pays riches de la même manière que le vivent ceux des pays pauvres.

Et pour atteindre ce but, il faut casser toutes les protections sociales, y compris celles du Code du Travail.
ledesa

Message par ledesa »


Alors je repose ma question:

Parce qu'avoir un emploi permet toujours d'être <<acteur de sa propre vie>> ?
OUI et NON, avec ou sans emploi tu es forcèment acteur de ta vie, mais de quelle vie ? d' une vie de CHIEN!!!!!!!!:twisted:
Monolecte

Message par Monolecte »

Tout dépend de ce que tu attends de la vie...
tristesir

Message par tristesir »

Qui sème la misère récolte...l'abbé Pierre.

Il semble que cela soit ce vers quoi, nous glissons tout doucement, à l'américaine. :evil:
superuser
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Message par superuser »

ledesa a écrit :OUI et NON, avec ou sans emploi tu es forcèment acteur de ta vie, mais de quelle vie ? d' une vie de CHIEN!!!!!!!!
Quand tu bosses, tu crois être "acteur de ta vie" mais en fait tu es acteur d'une norme. Le sentiment d'appartenance à une norme maintient l'illusion de la norme : même si tu mènes aussi une vie de chien au boulot et que tu n'arrives pas à boucler les fins de mois, tu es dans la norme et tu n'as pas à te poser la question de la différence...

Quand tu es privé d'emploi, tu n'es plus acteur d'une norme, tout vole en éclats et la société te renvoie une image dissonante, schizophrénique : pour ne pas devenir dingue, tu es obligé de bien te regarder dans la glace pour découvrir qui tu es réellement. C'est ça, redevenir acteur de sa vie : être seul face à soi-même, et se réapproprier son individualité ainsi que l'observation de la société dans laquelle on est (chose que l'on a du mal à faire quand on porte les œillères de la norme).
C'est aussi une vie de chien, disons plutôt que c'est une épreuve qui, si elle appauvrit financièrement, enrichit intellectuellement.

La pauvreté n'empêche pas d'être digne. L'emploi n'est pas non plus forcément un vecteur de dignité. Il faut avant tout être acteur de sa dignité.

No regrets, no tears, et comme chante Alain Bashung : Devant l'obstacle, on se révèle...
NYVES

Message par NYVES »

Pour rester dans la métaphore cinématographique.

Acteur de sa vie ? Pour ma part je préférais en être le scénariste. Le seul « HIC » c’est que le producteur, celui qui possède les moyens financiers, donc le pouvoir, donc la communication, donc les moyens de coercition, à toujours le dernier mot.

Quelle différence entre un Smicard, un privé d’emploi, infime. Tous deux sont acteurs de leur vie, Le smicard est dans le film, mais un réalisateur (le pouvoir) veille à ce qu’ils ne sortent pas du scénario, le privé d’emploi va de casting en casting, espérant entrer dans le scénario. Ce qui rend docile les acteurs (peuvent être remplacés à tout moment, pour moins cher)
Mais le scénariste et le réalisateur n’ont que les moyens que lui octroie le producteur (Le capital).
victorine83

Message par victorine83 »

Pour moi, on est acteur de sa propre vie si celle-ci correspond à ses propres choix.

Lorsque je travaillais à plein temps en élevant seule mes deux enfants, rares étaient les moments où je redevenais acteur de ma propre vie, c'est-à-dire où je faisais réellement ce que j'avais envie de faire.

J'étais prise dans une spirale où l'accumulation de tâches me dépossédait de mes aspirations personnelles, y compris celle de mère. Pas le temps de ci, pas le temps de ça... c'était manger, dormir, travailler, faire le ménage, le linge, la cuisine, les courses, l'école, les devoirs des enfants, les activités sportives des enfants, les tracasseries administratives (toujours quelque chose)... plus un instant.

Enfin bref, un rythme d'enfer où seul un état de stress permanent permet de pouvoir tout réaliser.

Et cet état de stress permanent ne correspond pas à ma nature et c'est pour ça que je dis qu'à ces moments-là, je ne suis plus acteur de ma vie.

D'ailleurs, je me rendais compte que je quittais cet état de stress à chaque fois que j'étais en congé car une immense fatigue s'emparait de moi.

Inutile de dire que j'ai énormément apprécié mes périodes de chômage qui me permettaient de reprendre un rythme de vie plus naturel.

Ces rythmes de vie effrénés sont imposés par des diktats sociétaux qui dépossèdent les individus d'un temps précieux pendant lequel ils pourraient s'épanouir en redevenant acteur de leur propre vie par des choix qui leur sont propres (famille, activités, culture...) et il faut trouver le moyen de tout cumuler, ce qui n'est pas toujours possible suivant les situations.

Alors, travailler plus, je ne suis pas d'accord... c'est contre-nature et que Sarkozy aille se faire voir ailleurs !
Florence

Message par Florence »

Bonjour,

J'ai le même vécu que Victorine et je souscrit totalement à la description de l'enfer(mement) quotidien.
Après pas mal d'années du tryptique "travail, famille, vaisselle", on fatigue...

Pour ce qui est du temps libre, juste un souvenir. Au moment où Martine Aubry a annoncé la mise en place des 35 heures, de nombreuses études ont été menées auprès de salariés.
Dans l'une d'entre elles, on a demandé à des cadres leur perception sur le bénéfice attendu de cette mesure et leur éventuelle utilisation du temps libre ainsi dégagé.

Les résultats étaient confondants.

Une grande majorité pensait qu'ils n'arriveraient pas à bénéficier pleinement de cette réduction du temps de travail, et cela s'est avéré vrai, puisque le temps de travail des cadres n'a pas réellement diminué en cumul annuel.

Ensuite, on a pu constater que le clivage homme/femme fonctionnait à plein sur la question de l'utilisation du temps. Les femmes ont répondu qu'elles pourraient passer plus de temps avec leur famille et éventuellement s'il restait encore un peu d'espace-temps s'occuper d'elles (sport, culture, etc).

En revanche, à une écrasante majorité, les hommes envisageaient de rester au bureau ou d'aller faire du sport.

D'autres études plus récentes confirment que ces réponses sont devenues des faits.

Comme quoi l'évolution des rapports entre les hommes, les femmes, le travail et l'épanouissement personnel reste un chantier d'avenir.

Et un même "espace de liberté" n'est pas exploité par tous à l'identique.
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