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Notre Président a un besoin impérieux de se raccrocher à des «modèles»... et une capacité déconcertante à passer de l'un à l'autre ! Exit le modèle britannique, vive le modèle allemand.
Un modèle très malléable, ce modèle allemand, puisqu'il a servi à l'instauration du bouclier fiscal et qu'il sert désormais à justifier sa suppression ! Désormais, il faudrait aligner notre fiscalité sur l'Allemagne pour assurer notre compétitivité et éviter les délocalisations. Comme si les entreprises françaises délocalisaient en Allemagne !
Mais à y regarder d'un peu plus près, on peut se demander si l'Allemagne est un «modèle» ou… un franc-tireur.
En effet, l'Allemagne s'est lancée depuis 2002 dans une politique de baisse des coûts salariaux, notamment via les fameux accords Hartz sur le marché du travail. En 2007, l'Allemagne augmentait son taux de TVA de 3 points et réduisait dans le même temps ses cotisations sociales. Cette politique, qui s'apparente à une dévaluation compétitive, s'est traduite par une chute moyenne de 3,6% des coûts salariaux unitaires dans l'industrie entre 2003 et 2007. Sur la même période, ces coûts restaient stables en France.
L'Allemagne a également engagé un véritable dumping fiscal en initiant la baisse des taux d'impôts sur les sociétés, qui a gagné l'Europe entière. Au final, cette stratégie s'est avérée payante puisque l'Allemagne a gagné des parts de marché au sein de la zone euro, au détriment de ses «partenaires». Mais cela c'est traduit par une explosion de la précarité, de la pauvreté laborieuse en Allemagne.
Conjuguant un positionnement concurrentiel favorable et une baisse des coûts salariaux, les entreprises allemandes ont pu tailler des croupières à leurs homologues françaises.
Mais la stratégie allemande n'est payante que dans la mesure où elle est la seule à la mettre en œuvre. Si tous les pays font de même, cela annulera l'avantage compétitif et il faudra trouver d'autres moyens, c'est-à-dire d'autres baisses d'impôts, d'autres baisses de salaires, entraînant l'Europe vers un marasme encore plus profond… qui justifiera d'autres coupes dans les dépenses publiques.
Plutôt que d'essayer de copier un soi-disant «modèle», il serait préférable de s'appuyer sur les atouts de notre pays. La France est toujours la deuxième destination mondiale des investissements directs étrangers (IDE), derrière les Etats-Unis. Que recherchent les entreprises ? Pas uniquement des faibles salaires et des impôts bas, sinon elles iraient toutes s'installer en Afrique subsaharienne. Elles recherchent en priorité des infrastructures de qualité (routes, réseaux d'énergie et de communication), des institutions stables (stabilité politique, sécurité, droit de la propriété), une main d'œuvre qualifiée voire un système de subventions publiques, bref tout ce qui fait (encore) les forces de notre pays.
C'est là-dessus qu'il faudrait s'appuyer et aussi s'efforcer de peser dans le débat européen pour pénaliser autant ceux qui, comme l'Allemagne, mènent une stratégie de passager clandestin, que ceux qui ne respectent pas les critères de Maastricht !
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