Le Smic va redevenir unique à compter du 1er juillet après son éclatement lié à la réforme des 35 heures et augmenter pour la troisième année consécutive, tout en faisant l'objet d'une évaluation qui inquiète les syndicats sur sa pérennité.
Le ministre délégué aux Relations du travail, Gérard Larcher, a annoncé officiellement lundi que le Smic horaire augmenterait de 5,51% au 1er juillet, à 8,03 euros soit 1.217,87 euros brut mensuel, devant les partenaires sociaux réunis au sein de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC). "La loi de janvier 2003 avait prévu, pendant trois ans, une harmonisation progressive permettant de passer des 7 Smic résultant de la mise en place des 35 heures, à un Smic unique le 1er juillet", a rappelé le ministre, tout en se félicitant du fait que "le pouvoir d'achat sur le Smic horaire a crû de 11,7% en trois ans". Le ministre a salué un "effort de rattrapage, déconnecté de la croissance économique, en direction des salariés les plus modestes", mais ses propos n'ont pas atténué l'amertume des syndicats.
"Nous sommes inquiets et en colère", a déclaré Michèle Biaggi (FO), car cette hausse "ne répond pas à l'urgence sociale". Quant à Maryse Dumas (CGT), elle estime que "5,5% d'augmentation pour le Smic horaire c'est 40 centimes : rien qui va permettre de faire évoluer réellement le pouvoir d'achat". Pour Rémi Jouan, secrétaire national de la CFDT, cette hausse n'est qu'une "incitation aux entreprises et aux branches à donner le complément". Enfin Michel Coquillion (CFTC), a fait état d'une "exaspération qui gagne dans le monde du travail et celui du chômage".
De son côté, le représentant du Medef (patronat) Denis Gautier-Sauvagnac a affirmé qu'une "hausse générale des grilles de salaires se traduirait par une augmentation du chômage".
Petit frère du Smig créé en 1950, le Smic a vu le jour en 1970. Son harmonisation au 1er juillet met fin à un régime dérogatoire concernant la hausse du salaire minimum qui aura duré trois ans. Ensuite, "naturellement c'est la loi antérieure qui s'applique à nouveau à partir du 2 juillet", a précisé M. Larcher. Cette loi précise que l'augmentation du Smic ne peut être inférieure à la moitié de l'augmentation du pouvoir d'achat des salaires moyens, et que si l'inflation est d'au moins 2%, le Smic doit augmenter dans les mêmes proportions.
Mais, a averti le ministre, "cela n'interdit pas qu'il y ait une réflexion globale et collective avec l'ensemble des partenaires sociaux autour du Smic, qui est un taquet mais n'est pas l'alpha et l'oméga de la politique salariale". Pour lancer la réflexion, il a donc demandé au directeur des relations du travail (DRT), Jean-Denis Combrexelle, un "bilan" sur le Smic pour la fin de l'année.
Une annonce qui inquiète dans les rangs syndicaux. "Nous n'avons aucune assurance, même pas sur un retour aux règles initiales d'augmentation du Smic", s'est alarmée Mme Biaggi. Pour Maryse Dumas, "la question se pose maintenant : est-ce qu'on revient aux règles d'indexation antérieures ou pas ?". Les salariés, selon elle, ont "intérêt à se mobiliser fortement pour empêcher que le Medef fasse entendre ses revendications par le gouvernement et que l'existence même du Smic soit menacée dès l'année prochaine".
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Le "bilan" de M. Combrexelle (samedi 7 Janvier 2006)
Selon un pré-rapport du directeur des relations du travail Jean-Denis Combrexelle, commandé en juin dernier par le ministre délégué à l'Emploi Gérard Larcher et transmis hier aux partenaires sociaux, la revalorisation du Smic, qui est décidée chaque année par le gouvernement, aurait un impact négatif sur l'emploi, et en particulier sur l'emploi peu qualifié. Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, a aussitôt jugé ce diagnostic "tout à fait contestable".
M. Combrexelle dresse son état des lieux de l'évolution du Smic et de ses effets, notamment sur les salaires et sur l'emploi. Pour lui, l'impact d'une hausse du Smic sur la croissance est "ambigü, car deux effets opposés se conjuguent" : la hausse des salaires entraîne une hausse du pouvoir d'achat des ménages qui favorise la consommation, mais également une hausse des coûts de production qui pénalise les investissements des entreprises et l'emploi. Exemple : une hausse de 1% du Smic entraînerait ainsi sur cinq ans entre 4.000 et 20.000 suppressions d'emplois, en particulier peu qualifiés, ainsi qu'une hausse du salaire moyen de 0,1%.
M. Combrexelle estime également que la revalorisation annuelle du Smic "conduit à la réduction de l'éventail des salaires du fait de la diffusion limitée des hausses" : une hausse de 1% du Smic entraînerait une progression de 0,14% du taux de salaire horaire des ouvriers et de 0,11% de celui des employés, alors qu'il n'aurait pas d'impact sur celui des cadres.
Les syndicats doivent se prononcer sur ce pré-rapport, destiné à servir de base à des négociations avec les partenaires sociaux autour du Smic, d'ici fin février.
Maryse Dumas est montée au créneau, estimant que "si l'évolution du Smic était aussi catastrophique que le dit le rapport, on ne comprendrait pas pourquoi on a autant de mal à ce que les minima de branches soient mis à son niveau". "Quand on compare l'évolution du Smic, qui serait supérieure à l'évolution des salaires, on compare ce qui n'est pas comparable, c'est-à-dire le Smic horaire avec l'évolution mensuelle des salaires. Ce n'est pas acceptable". "Le Smic a en fait peu d'impact sur la réalité des salaires en France", conclut-elle, s'appuyant notamment sur "des observations internationales comme celles de l'OCDE, sur la faiblesse de l'impact des salaires minimum sur l'évolution des salaires". Quant au lien de l'évolution du Smic avec l'emploi évoqué par le rapport, pour Maryse Dumas, il "fait plus appel à l'idéologie qu'à la réalité".
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