Nos amies les puces
Ce sont deux bergers, Mathieu, la trentaine, 150 brebis, et Paul, la cinquantaine, 200 bêtes. Ils parlent longuement (1). C'est rare qu'on entende des bergers, aujourd'hui. De quoi peuvent-ils bien parler ? Des puces. Du fait qu'on les oblige à bientôt (avant le 31 décembre prochain) mettre des puces électroniques sur leur brebis. Sinon, fini les primes de la PAC ! Or, sans primes, ils ne peuvent survivre… Aujourd'hui, on le sait, tous les chevaux, ânes, chats, chiens sont ainsi marqués. L'implantation des puces électroniques sous la peau a été présentée comme la méthode miracle pour enrayer le trafic d'animaux volés. Petit hic, comme l'explique le professeur Gilbert Mouthon, chef de service à l'école vétérinaire d'Alfort, les trafiquants ont vite trouvé la parade : pour détruire la puce sous-cutanée, il suffit de provoquer une variation brutale du champ magnétique, par exemple avec un appareil photo jetable avec flash. N'empêche : le puçage électronique, même inefficace, c'est tellement moderne qu'il a été décidé de l'étendre partout. Pour les brebis, le prétexte est la fameuse traçabilité censée assurer la sécurité alimentaire. Mais, remarque Paul, "la traçabilité permet de savoir d'où vient la viande, sans aucune garantie sur sa qualité, contrairement à ce qu'on croit". Pour lui, le puçage n'est qu'une nouvelle façon de déposséder l'éleveur de la maîtrise de son métier. "Les chèvres, c'est comme au lycée, au début on est perdu, mais au bout d'un mois on connaît tout le monde" : avec les puces, fini tout ça ! L'éleveur passe à une "gestion administrative" de son troupeau. "Le monde te serine que tout doit marcher au doigt et à l'œil, que c'est le règne du zéro défaut, que tout doit être uniforme, etc." Et les contrôles de se multiplier. "Tout est fossilisé, arrêté, contrôlé, et la seule déviance, c'est le côté humain. Tu es forcément fautif. (…) D'ailleurs, il y a très très peu de contrôles, quels qu'ils soient, qui ne finissent pas par un petit redressement, même symbolique. Tu as forcément fait une connerie. C'est pareil pour le chômage, les Assedic, le RMI. C'est la même politique."
Curieux, non ? À peine a-t-on parlé de ce qu'on fait aux animaux qu'on en vient à évoquer ce qu'on fait aux humains. Le puçage électronique les concerne : déjà, avec les puces des cartes bancaires, des passes Navigo, des téléphones portables, nous n'y échappons pas. Déjà, en Angleterre, il est question de pucer les délinquants pour les suivre par satellite. Suivront ensuite les malades, c'est-à-dire nous tous : avoir son dossier médical numérisé sous la peau, voilà qui serait pratique, non ? Et pourquoi pas obligatoire ? Même un observateur aussi mesuré qu'Alex Türk, président de la Cnil, finit par s'inquiéter publiquement des futures puces à l'échelle nano (un millionième de millimètre) (Les Échos, 7/4) : "Dans une dizaine d'années, on disposera de systèmes d'information si petits qu'ils ne seront même plus visibles, même avec un microscope classique. Le risque, c'est que nous n'aurons jamais plus la garantie d'être seul. L'intimité, ce sera terminé."
Mais les moutons seront bien gardés.
Jean-Luc Porquet
(1) "Revue Z", n° 1, 180 p., 10 euros – c/o La Parole Errante (9, rue François-Debergue, 93100 Montreuil)
Le Canard enchaîné, 6 mai 2009
Bêêêê !…
Re: Bêêêê !…
La majorité c'est vous ....
et votre "puce" c'est HADOPI.
http://www.pcinpact.com/actu/news/50750 ... payant.htm
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