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Mais monsieur, vous n'entrez dans aucune case !

Publié : 19 mars 2014
par jean-marc
Bonjour à vous tous & toutes, il y a bien longtemps que je ne suis plus venu ici. La petite histoire que je vais vous compter me concerne. L'aveu émis, à la fois par mon assistante sociale (percevant le RSA) et la conseillère pôle-emploi (étant inscrit à pe) ne m'a jamais autant donné le sourire. En sortant de cet entretien, je suis allé dans un parc, m'asseoir sur un banc, en face d'un arbre en fleur et j'ai ri au moins pendant 5 bonnes minutes en observant les premières abeilles, je crois, sur fond de ciel bleu...

Remontons un peu le temps. L'histoire commence avec une discussion entre ami-e-s, sur mes choix, mon parcours professionnel, etc. L'idée apparaît de tenter de faire un bilan de compétences. Je me lance dans l'aventure auprès de pôle-emploi. L'hôtesse d'accueil d'abord souriante change son regard quand elle s'aperçoit que je ne suis pas rémunéré par pôle-emploi, percevant le rsa. Elle m'explique avec un sourire légèrement embarrassé, cette fois-ci, qu'il n'existe pas de financement pour les personnes dans mon cas. Elle me demande de contacter ma référente insertion afin de voir si le conseil général n'aurait pas un financement pour ce genre de prestations.

Je prends contact avec ma référente insertion qui se trouve embarrassée, à son tour, face à ma demande. Elle sait qu'il n'y a pas de financement par le conseil général. Elle m'invite, toutefois, à faire le point avec une conseillère pôle-emploi.

Le rendez-vous se déroule tranquillement. Chacun donne ses arguments, chacun régule la conversation en fonction de sa perception de la réalité ; chacun joue son rôle. Jusqu'ici rien d'anormal jusqu'à cet aveu incroyable ; l'une comme l'autre connaissent mon parcours professionnel, mes compétences, savent ce qu'elles peuvent me proposer en terme d'accompagnement, et, il y a moi avec ma demande de bilan de compétences. Comme aucun financement n'est possible, elles se retrouvent dans une impasse puisque les autres dispositifs qu'elles ont sous la main ne correspondent pas à mes besoins et elles le savent. C'est à ce moment qu'elles reconnaissent que je suis une "énigme" pour elles. Je n'entre dans aucune de leur case. Elles ne savent pas quoi faire. Elles sont désemparées.

Une solution à l'amiable a été trouvée, histoire que chacun entre dans la case prévue à cet effet. Il faut bien revenir à la norme... La solution trouvée ne correspond à rien et est, de très loin, ce que je désirai mais, après tout, je suis au rsa, loin de l'emploi, blablabla. Toutefois ce moment de vérité a été précieux. En les quittant, je leur ai dit que j'allais travailler sur l'énigme que je suis. Elles ont éclaté de rire toutes les deux ; j'avais oublié, sur le moment, que j'étais à pôle-emploi. Les personnes de la file d'attente ne s'attendaient pas à ce que des personnes rient dans ce lieu... Elles m'ont dévisagé comme si j'avais exprimé quelque chose d'anormal.

Cette situation totalement absurde vaut bien un bon rire. Un banc, un parc, un matin, un arbre en fleurs, quelques abeilles qui butinent et moi riant face à cela. Il y a des fois où un chômeur est heureux... Tout cela pour un bilan de compétences. :roll: 8)

Re: Mais monsieur, vous n'entrez dans aucune case.

Publié : 19 mars 2014
par Yves
OK mais tu ne nous dis pas comment ça se finit ! :wink: Qu'est-ce qu'elles t'ont proposé ?

Par ailleurs, tu n'as rien d'une énigme ! Tu es parfaitement dans la norme qui concerne des centaines de milliers de personnes… suivies par un centre d'insertion du Conseil général et par Pôle emploi : Deux organismes d'accompagnement et de CONTRÔLE de tes recherches et de ta volonté de t'en sortir.

Comme quoi, si tu ne bosses pas, au moins tu fais bosser les autres ! :wink:

C'est ça le plus rigolo (ou triste)… 

Re: Mais monsieur, vous n'entrez dans aucune case !

Publié : 19 mars 2014
par paulactu
Je vois une 2è énigme :D Sont-elles réellement conseillères à POLE EMPLOI :shock: et si oui, depuis combien de temps

RSA, ASS, ARE ou non indemnisé on s'occupe de tout le monde, il n'y a pas des prestations réservées à l'une catégorie ou l'autre et je trouve assez choquant qu'elle vous ait renvoyé vers l'espace insertion :?

Si le BCA en tant que tel n'existe plus comme prestation PE il existe une prestation très approchante, le CAP Projet Professionnel (90 jours, 6 entretiens individuels et 5 de regroupement) et je ne comprends même pas qu'aucune des 2 n'ait percuté :shock: Pour compléter, si vous avez des heures DIF il est aussi possible de demander un co-financement dans le cadre d'une AIF DIF (étude sur dossier)
AIF "+ DIF", qui permet de compléter le financement d’une formation ou d’un bilan de compétences pour laquelle/lequel le demandeur d’emploi a souhaité mobiliser son DIF portable. Cette aide est plafonnée à 1 500€.
Tout comme Yves je suis curieuse de connaître la "solution à l'amiable" que vous évoquez :)

Re: Mais monsieur, vous n'entrez dans aucune case !

Publié : 20 mars 2014
par libellule
en 2010, j'étais au rsa et c'était pole emploi qui me gérait comme rsa sur délégation du département je crois (1 heure d'entretien obligatoire par mois et contrôle renforcé) et j'ai fait un BCA imposé (et inutile mais c'est une autre histoire).

Re: Mais monsieur, vous n'entrez dans aucune case !

Publié : 20 mars 2014
par jean-marc
Salut,

merci pour vos réponses. Je vois qu'il y a des choses qui ont été comprises d'autres pas alors je vais approfondir un peu mon propos.


Ce qu'il ressort, selon moi, de cette aventure est le cloisonnement des prestations selon les cas. Une prestation à visée professionnelle n'est pas accessible ici, par contre une prestation blabla financée par l'état, oui. (@yves, tu as la fin :wink:). Si je n'entre pas dans une case spécifique et qu'il faut bien en trouver une... est une illustration parfaite de l'utilitarisme à la Bentham où les "énergies" (sic!) humaines peuvent être rentabilisées en les employant de manière efficiente (productive re-sic!) en terme d'employabilité (re-re-sic!).

Être une "énigme" veut tout simplement dire que ma demande ne correspond pas à l'utilité, réelle ou supposée, d'une personne étant au rsa par rapport aux grilles imposées par les directives de leurs organismes respectifs lesquelles évaluent, quantifient, hiérarchisent, classent selon des quantifications positives et/ou négatives l'employabilité probable de tel ou tel individu dans le sens où le savoir possédé et/ou acquis par l'expérience doit correspondre à un métier, doit s'incarner dans un métier directement utilisable et rentable or l'une comme l'autre savent que mon savoir, mes expériences ne sont pas directement employables dans un métier.

Je suis repérable (étant au sein d'un dispositif de suivi social) mais imparfaitement utilisable selon leur grille, et, il faut bien trouver une solution face à cette imperfection. Avec cette demande, j'ai créé une sorte d'impossibilité : est-il possible de trouver un emploi pour un savoir qui est inemployable ?

Puisqu'elles sont désemparées devant cette demande (à laquelle aucune offre ne correspond) montre bien qu'elles ont conscience de cette "impossibilité absurde" imposée par une grille arbitraire où tout est prévu à l'avance, autrement dit quantifiable, évaluable, vérifiable, etc en terme d'accès direct à l'emploi. Dans ces grilles, il n'y a ni égalité ni liberté ni de place pour un savoir inemployable ; autrement dit il n'y a pas de l'humain dedans. Elles ne peuvent pas le dire explicitement lors d'un entretien officiel d'où leur étonnement qui s'exprime un peu comme un lapsus. Elles-mêmes sont coincées dans ce dispositif qui leur demande de vérifier si j'ai un savoir utilisable, vérifiable donc certifié et certifiable en terme d'employabilité.

Lorsque, à la fin de l'entretien, j'exprime : "je vais travailler sur l'énigme que je suis" provoque un rire aux éclats montre qu'il y a de la place pour l'humain en-dehors de ces dispositifs. Intéressant, non ?

Re: Mais monsieur, vous n'entrez dans aucune case !

Publié : 20 mars 2014
par Paulina
Qu'on ne puisse pas trouver un emploi de nos jours, c'est tout à fait plausible en raison du fort taux de chômage, donc d'une concurrence importante.
est-il possible de trouver un emploi pour un savoir qui est inemployable ?
Je pense que tout savoir peut être utile pour un emploi. Il existe le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. Vous avez bien parmi ces savoirs qqch d'utile pour un emploi. Pour le savoir, il faudrait faire un bilan de compétences.

Re: Mais monsieur, vous n'entrez dans aucune case !

Publié : 20 mars 2014
par Statovore
Paulina a écrit : Je pense que tout savoir peut être utile pour un emploi. Il existe le savoir, le savoir-faire et le savoir-être.
Tu oublies le faire-savoir. :lol:

Le véritable problème n'est pas la répartition des tâches entre plusieurs organismes, c'est plutôt les critères de découpage peu explicite et le nombre de dispositif qui font que plus personne ne sait qui fait quoi.

Pour s'y retrouver, il faudrait peut-être faire comme en programmation informatique : http://fr.wikipedia.org/wiki/Organigram ... grammation

Si tel truc, tu dépend de pole emploi, si tel autre truc, tu dépend de la conseil général ... Ca n’empêche pas les dispositifs mixte mais ca mettrait une plus grande clarté.

Re: Mais monsieur, vous n'entrez dans aucune case !

Publié : 20 mars 2014
par Paulina
Tu oublies le faire-savoir.
Oui tout à fait Statovore, mais avant d'arriver là, il faut connaître les autres savoir pour pouvoir les faire savoir.

Re: Mais monsieur, vous n'entrez dans aucune case !

Publié : 20 mars 2014
par Invité
Il suffit de réfléchir un peu pour trouver soi-même ce qu'on a comme compétences.
Je n'ai pas fait de bilan de compètes à proprement parler, mais un machin approchant, dans lequel j'ai dû retourner toutes les poches de mon cerveau afin d'y retrouver la moindre parcelle de compétences transférables. Bilan : la machine à décortiquer m'a conseillé de faire horloger, conducteur de train, et je ne sais plus quoi encore.

Si on veut vous faire rentrer dans des cases c'est parce que les agents du Pôle sont formés pour suivre des procédures longues, lourdes, efficaces peut-être pour des gens qui ont une carrière typique, par exemple une secrétaire qui a débuté avec le bac, qui a appris sur le tas, a toujours travaillé dans le même genre de poste, qui a eu quelques formations internes, et qui fait le point : je sais faire ci et ça, mais il faut que j'apprenne Powerpoint.

On a peut-être besoin de rentrer dans une case du Pôle pour jouer le jeu du Pôle, mais on n'a pas besoin de rentrer dans une case pour travailler. A moins d'avoir un souk dans les boyaux de la tête, et un gros poil dans la main, tant qu'on a une santé correcte on peut travailler.
Le seul problème c'est qu'il n'y a pas de boulot pour tout le monde, et qu'il y aurait plein de boulot si notre pays mettait l'argent où il faut..
Par exemple trouvez-vous qu'il y a assez de profs et d'instits ? Est-ce normal de faire cours à 35 élèves d'un coup ?
Est-ce normal que les aides-soignantes aient tellement de lits à gérer qu'elles n'ont pas le temps de s'occuper vraiment des malades ?
Est-ce normal que les assistantes sociales n'aient pas le temps de faire le boulot et fassent attendre les enfants, la justice etc...?
Est-ce normal que l'Etat subventionne des boîtes qui gagnent déjà beaucoup d'argent et qui en profitent pour automatiser encore plus, et virer les gens, ou délocaliser ?
Est-ce normal que les maraîchers bio, ou éleveurs bio aient un mal fou à trouver un peu de terre ?
Est-ce normal qu'on détruise le paysage pour favoriser l'agriculture polluante, alors que d'autres projets (touristiques, ostréicoles...) ne pourront du coup pas se réaliser ?

Re: Mais monsieur, vous n'entrez dans aucune case !

Publié : 20 mars 2014
par cestpasvrai
Non, ce n'est pas normal, et on peut rallonger en une longue liste.

Le mot case m'inspire, tous aux abris : :lol:
On est tous des pions sur les cases d'un jeu politico-financier,
Formatés pour être réinsérés, à la va-vite recasés,
Tout ça pour finir dans un casier, à la casse,
Ou repêchés par le C.C.A.S.
Être à vie le travailleur d'occase.
Leur manque-t-il une case ?

Il y a aussi le mot compètes qui m'inspire, mais il vaut mieux que je m'arrête là. :lol:

Re: Mais monsieur, vous n'entrez dans aucune case !

Publié : 22 mars 2014
par faribole
Jean-Marc, dès ta première intervention, j'ai vu de quoi tu parlais... pour l'avoir déjà vécu
merci pour ce récit
Quand l'absurdité de la situation laisse la place au rire, parce que celui qui vit ça a trouvé assez de sagesse et de philosophie, qu'il se contente d'un frigo peu rempli, qu'il parvient à faire une percée dans le mur de certitudes et d'obligations professionnelles d'en face, quand on peut montrer à demi-mot qu'on sait bien que tout cela n'est que FOUTAISES...
Longue vie à toi, avec ou sans bilan de compétences ! :wink: