Alors que les Bourses jouent encore au yoyo, la crise financière devient chaque jour un peu plus concrète pour les Français. Le ralentissement de l’activité des entreprises, débuté avant la crise, risque bien de se renforcer à cause d’une confiance ébranlée. Premières victimes: les intérimaires. Ces employés les plus précaires trinquent souvent avant les autres.
Pour octobre, le Prisme, syndicat des professionnels de l'intérim, table sur une baisse de l’activité de 10 à 11%, correspondant à une perte de 60 000 emplois par rapport à l’an dernier. «L’intérim est le reflet de la santé de l’économie avec un temps d’avance. C’est sûr que le chômage va augmenter ce mois-ci», souligne François Roux, délégué général de l’organisation. La baisse est la plus lourde pour l’Auvergne (-20%), la Champagne-Ardennes (-18%) et la Picardie (-16%). Globalement, la province (-11,4%) est plus touchée que l’Ile-de-France (-8,4%).
Sur le terrain, les agences d’intérim confirment. «Ça a commencé dès le mois de juin. Mais depuis septembre, ça s’amplifie, avec ici une baisse d’activité de 15 à 20%, selon Maria, responsable d’une agence de Carcassonne. On est là pour compenser les surcroîts d’activité, donc s’il y a quelqu’un à arrêter, ce sont d’abord les intérimaires. Dans la région, c’est d’abord le bâtiment, gros consommateur d’intérimaires, qui est touché».
Autre ville, même constat. A Nantes, une agence souligne qu’«il n’y a quasiment pas d’activité par rapport à d’habitude dans le bâtiment. Les entreprises font très peu appel à nous depuis trois semaines, même pour de très bons profils. Elles nous disent qu’elles ont déjà du mal à faire travailler leur propre personnel…»
«Regardez les grues, il n’y a plus personnes en-dessous !», s’inquiète Olivier Albran, gérant de deux agences à Dijon, devant l’arrêt de chantiers, faute d’acquéreurs pour les appartements. Frédérique Pouffet, d’une agence d’Angoulême, remarque que «les entrepreneurs sont un peu pessimistes. Avant, ils avaient des carnets de commande pleins sous 12 à 18 mois. Maintenant, ce n’est pas plus que de 3 à 6 mois».
Conséquence, la durée des missions se réduit comme peau de chagrin. Souvent pas plus d’une à deux semaines. «On a même des missions pour une journée, voire une demi-journée», glisse Frédérique Pouffet.
Tous les secteurs ne sont cependant pas touchés. Si le bâtiment, l’automobile ou les transports sont en première ligne, «l’équipement, l’aéronautique, l’industrie lourde, ou le tertiaire, avec par exemple le médical et l’aide à la personne, tiennent bon», souligne François Roux.
Certaines agences affirment d’ailleurs ne pas connaître la crise. «J’ai placé 20 nouveaux intérimaires la semaine dernière, et 30 cette semaine. Je suis content, mais je dois être le seul !», lance Michael, de Saint-Quentin, dans l’Aisne. Tout juste reconnaît-il une multiplication des contrats courte durée: «Ça devient difficile à gérer. On jongle entre les motifs (accroissement temporaire d’activité, remplacement pour cause d’arrêt maladie), tout en restant dans les limites de la loi.»
«On est les premiers à baisser, mais aussi les premiers à remonter»
Selon François Roux, «la situation n’est pas catastrophique», même s’il s’agit «de la plus importante baisse depuis 1993»… Il ne veut pas encore la mettre sur le compte de la crise financière, «mais plutôt sur le ralentissement économique global». Il l’observe depuis avril, avec une timide baisse de l’intérim de 1%, vite passé à 6% en mai, 7% en août et 10% en septembre. Mais il reconnaît que les premiers effets de la crise financière peuvent se sentir à la «température du terrain».
Faute de mission, les agences proposent pour le moment des stages de formation à leurs intérimaires. En attendant des jours meilleurs. Le responsable du Prisme rappelle d’ailleurs que «dans l’intérim, on est les premiers à baisser, mais aussi les premiers à remonter». Reste à savoir quand
source