Représentation des chômeurs

[nanard]

En quinze ans de militantisme, c’est la première fois que je vois ce sujet abordé dans un média national. Cela a le mérite d’être souligné. C’est dans Alternatives économiques de ce mois ci.

Représenter les chômeurs, une exigence démocratique

Gilles de Labarre, président de Solidarités nouvelles face au chômage
Alternatives Economiques n° 318 - novembre 2012

Dans notre société où le travail occupe une place centrale, le chômage apparaît comme un manque, un vide dans la construction de l'identité, tant individuelle que collective. Ce vide s'accompagne souvent de solitude et de silence. Comme si l'absence de travail privait de fait les personnes de leur droit à la parole et leur interdisait toute expression collective.
Il est vrai que lorsqu'une personne est confrontée à l'épreuve sociale et psychologique du chômage, elle a tendance à se réduire d'elle-même au silence. La mobilisation personnelle et la prise de parole collective sont alors plus difficiles. Cependant, c'est au niveau politique que cette question du silence des chercheurs d'emploi doit être posée. L'absence de représentation des chômeurs est aujourd'hui criante.
La loi de lutte contre l'exclusion de 1998 a marqué un réel progrès, mais elle ne fait pas référence à la représentation des demandeurs d'emploi, hormis l'article relatif aux comités de liaison de Pôle emploi. En dépit des effets positifs de la relance de ces comités en 2010, les chômeurs ont bien du mal à trouver leur place dans cette instance, qui a plus un rôle d'information que de dialogue social. Là n'est pas le plus grave. Le véritable déni de démocratie vient du fait que les demandeurs d'emploi sont absents des instances de régulation, où l'on discute de leur sort. On peut citer le Conseil national des politiques de lutte contre l'exclusion (CNLE), le Conseil économique, social et environnemental (Cese), le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE)… Comment admettre, enfin, qu'en étant aujourd'hui près de 5 millions, les demandeurs d'emploi ne soient pas représentés au sein du conseil d'administration de Pôle emploi ?
Avec le contexte économique actuel, la citoyenneté des chômeurs est une question qui concerne tous les actifs et la société dans son ensemble. La parole sur le chômage fait partie de cette "thérapie collective" dont la société a besoin, comme l'évoquait déjà Jean-Baptiste de Foucauld en 1992.
Constituer des instances représentatives de chômeurs n'est pas aisé, car les personnes au chômage n'ont pas vocation à le rester. Par conséquent, il serait intéressant d'associer à la constitution d'un collectif représentant toutes les catégories touchées par le chômage, des personnes en activité, ayant traversé une période de chômage. Elles sont nombreuses et le seront plus encore dans un avenir proche. Au niveau des instances de régulation sociale, la coopération entre les mouvements syndicaux et les associations d'aide aux chômeurs gagnerait à s'organiser. L'Etat pourrait aussi organiser la consultation (peu coûteuse si l'on utilise Internet) des personnes inscrites à Pôle emploi avant tout lancement de mesures importantes.
C'est non seulement un devoir moral, mais une exigence démocratique que de replacer au centre du débat public la question de la représentation des chômeurs. Car quelle société peut durablement ignorer une population qui représente trois fois le nombre d'agriculteurs ou autant de fonctionnaires et d'agents publics ?

Gilles de Labarre, président de Solidarités nouvelles face au chômage
Alternatives Economiques n° 318 - novembre 2012

[Yves]

Merci pour l'info.

Mais, comme je l'écris à longueur de colonnes, il ne tient qu'aux Chômeurs et Précaires de s'organiser pour de bon. Et là, les choses n'évoluent pas. Tu es bien placé, toi Nanard, pour le constater.

Les orgas et associations de Chômeurs et Précaires ont leur part de responsabilité dans cette sous-représentation, dans cette absence totale de représentation même (mises à part quelques miettes).

Les Chômeurs et Précaires sont peu nombreux à vouloir s'engager. En plus de cela, les orgas sensées les représenter et les défendre sont atomisées, dispersées, voire parfois opposées.

Si on cumule ces deux handicaps majeurs (mobilisation atone et dispersion des représentants), impossible de faire évoluer les choses. C'est ce que nous dénonçons depuis 8 ans sur Actuchomage, tout en faisant preuve, à chaque fois, d'une réelle solidarité avec les assos et orgas de Chômeurs et Précaires (en annonçant leurs actions, en y participant, en les relayant par des articles et des vidéos…).

Nous ne sommes malheureusement pas entendus et estimons, finalement, que ces orgas sont peu reconnaissantes.

[patapoum]

Yves, question un peu candide, mais ne pensez-vous pas que le manque de représentativité des chômeurs (syndicats ou autres) et du simplement à la définition même du chômage, à savoir un statut que tout veux comme étant "temporaire"?

Je m'explique: Dans 95% des cas le chômage est vécu comme une étape, et la large majorité des chômeurs souhaite justement quitter ce "status" dans les plus brefs délais.
Sauf rares cas, personne ne souhaite "faire chômeur toute sa vie" et donc s'engager dans un syndicat ou même simplement y adhérer sachant que sa priorité sera simplement de trouver un boulot au plus vite.

Pour faire un petit parrallèle: Une personne engagée dans une société en temps qu'intérimaire avec des missions d'un mois reconduites ad vitam eternam n'arrivera pratiquement jamais à s'impliquer dans la vie de la société, à vouloir tisser des liens durables, faire avancer la boite.

Restent des exceptions (actu-chômage en est la preuve), mais elles restent (trop) rares hélas.
C'est peut-être une des raisons, je ne doute pas qu'il y en ait des tas d'autres.

[tristesir]

Restent des exceptions (actu-chômage en est la preuve), mais elles restent (trop) rares hélas.

Les personnes les plus voyantes sur Actu', sont, pour la plupart, chômeurs de longue durée et j'imagine qu'on est beaucoup à penser qu'on ne retrouvera jamais un emploi avec un volume horaire correct qui donne un salaire décent et le tout sur une période longue (qu'est-ce que nous sommes exigent n'est-ce pas?)

Je pense que personne n'a envie de se projeter, en pensée, dans un chômage longue durée. Même si dans les faits c'est ce qui guette.
Chômeur est un statut honni.
L'opprobre sociale est entretenue pour que chômage soit associé à assistanat.
Ce n'est pas un hasard si des gens qui ont des droits à un revenu ne font pas valoir ces droits. Que vont penser la famille, les amis, les voisins?
Pauvre mais pas assisté, c'est leur morale...Comme si les chefs d'entreprises avaient des scrupules et des problèmes moraux à profiter de l'assistanat que leur octroi l'Etat sous forme d'allègement de cotisations sociales.

[nanard]

...Comme si les chefs d'entreprises avaient des scrupules et des problèmes moraux à profiter de l'assistanat que leur octroi l'Etat sous forme d'allègement de cotisations sociales.

Ooooooh ! Les patrons seraient des assistés sociaux ? Tu n'y pense pas ou alors t'es méchant car si d'aventure la Parisot traînait ses guêtres sur le forum elle serait bien capable de nous faire une crise d'apoplexie. Bon, en tout cas, je n'en pleurerai pas.

[superuser]

Ooooooh ! Les patrons seraient des assistés sociaux ?

Pour ceux/celles qui ne le savent pas, ce petit rappel...

Chaque année, entre niches fiscales, sociales et autres "dispositifs dérogatoires",
l'Etat offre plus de 170 milliards d'euros de cadeaux aux entreprises (surtout les plus grosses) :

http://archives.lesechos.fr/archives/20 ... 17-ECH.htm

[De passage]

J'ai pensé à vous hier,

Arte a diffusé un super reportage sur une partie de ce problème : http://videos.arte.tv/fr/videos/le-blog ... 67030.html

Franchement c'est à voir.

[superuser]

Je l'ai posté hier soir en page d'accueil du site...

[tristesir]

J'ai vu la vidéo en question. Elle ridiculise la lutte des Sanofi.
J'espère qu'ils ont monté d'un cran dans leur combat car c'est assez consternant ce qui est montré dans ce film
La partie sur l'USB (un syndicat italien) est élogieuse. Le petit film fait par un syndicat du nord de l'Europe est assez bien fait (c'est à la fin de ce film).

[superuser]

J'ai vu la vidéo en question. Elle ridiculise la lutte des Sanofi.

Ce sont les syndicats qui sont ridiculisés !
En creux, le reportage montre bien que les syndicats sont là pour "canaliser" les luttes (ex: la CFDT), non les faire aboutir...
"La France est un désert syndical", rappelle le présentateur. Avec 8% de syndiqués, ils ne peuvent être financés que par leurs adhérents. Ce qui signifie que, pour fonctionner, qu'ils sont redevables à d'autres instances...
D'où leur immobilisme latent (outre leur manque d'imagination). Ou leur manque de moyens comme chez Sud, qui reste minoritaire.


Pour en revenir à l'appel — légitime — de SNC, je persiste à émettre des doutes sur cette association qui accompagne les chômeurs dans leur recherche d'emploi (un peu comme une ANPE-bis, ou un service social de "réinsertion"), mais jamais dans les luttes pour défendre leurs droits. Depuis toujours, elle me fait l'effet d'une dame patronnesse : ses fondateur et dirigeant ont des noms à particule (Jean-Baptiste de Foucault, Gilles de Labarre).

[Yves]

Pour répondre à Patapoum :

Tu as tout à fait raison. Un des handicaps à l'engagement est que - justement - personne ne tient à rester chômeur toute sa vie.

Donc, forcément, des gens peuvent s'investir dans une association de chômeurs un temps, puis, après avoir retrouvé un boulot, s'en détacher.

Force est de constater que seule la CGT dispose d'une "antenne chômeurs" (très marginalisée d'ailleurs). Pas les autres syndicats.

Les confédérations n'ont pas pris la mesure de la précarisation professionnelle. Elles sont passées à côté (il y a une quinzaine d'années) pour se focaliser sur leur représentation dans la fonction publique et les grandes entreprises.

Pourtant, aujourd'hui, il y a un nombre croissant de gens qui ne sortiront jamais (ou pratiquement) de la précarité. Ces gens-là se comptent par millions. Ils ne sont représentés par personne.

Les SEULES orgas qui s'intéressent vraiment aux questions de la précarité professionnelle sont les associations de défense des Chômeurs et Précaires.

Paradoxalement, ces associations réunissent de moins en moins de militants.

J'estime donc qu'il faudrait créer un vrai mouvement UNITAIRE, sous une seule bannière, pour donner de la visibilité aux actions militantes et tenter de réunir les personnes touchées par la précarité (de plus en plus nombreuses).

Aujourd'hui, on n'y comprend rien. Il n'existe pas un GRAND MOUVEMENT REPRÉSENTATIF et FÉDÉRATEUR.

Donc, aucun espoir !

[Pili]

Hello les D'jeun'

" Espoir ! espoir! est-ce qu'on a des gueules d'espoir ! ( plagiat de la fameuse tirade d'Arletty dans "Hotel du Nord " )

Mouvement unique et unifié, oui, !

C'est d'ailleurs ce que nous avons essayé de défendre dans notre Pacte "avorté" pour les Présidentielles 2012

Mais continuons à semer l'idée, Yves !

+++++

Il y a plein de jeunes pouces même dans des vieux mouvements - exemple Wilson Arihman , 24 ans , vice président du MNCP !

http://www.dailymotion.com/video/xtcqyf ... -mncp_news

Et là la transmission entre génération (vieux et jeunes) unis dans le même combat
Spécial dédicace pour Romain23
http://www.dailymotion.com/video/xupxop ... -2012_news

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Bon courage

@plus

Pili

[naejjm]

Les associations de chômeurs auditionnées :
Mercredi 16 janvier, les associations de chômeurs AC, APEIS et MNCP, ainsi que Recours-Radiation ont été auditionnées par la mission d'information parlementaire sur Pôle Emploi. Le MNCP était représenté par Marie Lacoste, Pierre-Edouard Magnan et Robert Scalèse.

http://mncp.fr/Accueil/Actualite-du-MNC ... nnees.html

http://www.assemblee-nationale.tv/chain ... dossier=12

[superuser]

Oui, on en a déjà parlé ici (l'article est resté en Une plusieurs jours) :

http://www.actuchomage.org/201301182395 ... ideos.html

Et là sur le forum :

http://www.actuchomage.org/forum/index. ... =viewtopic

[Nontour]

Le chômage est une problématique transversale. En tant que composante de la démocratie elle traverse donc toutes les tendances idéologiques. A ce niveau, les tentatives de récupérations sont multiples et représentatives de l'échiquier politique.
Plus de huit millions d'électeurs potentiels. De quoi mettre à genoux le plus intègre.

Alors on y va:

D'un côté de la barricade.

SNC, vous avez remarquez il ne manque que le F, donc avec Assan'cf tout est possible. Avec dans le rôle titre:
Gilles de Labarre.
Chargé de mission auprès du Secrétaire Général pour la Modernisation de l'Action Publique, relevant du Premier ministre...
J'en passe et des meilleures.
"Le salaire de la personne sera pris partiellement ou totalement en charge par SNC, dans la limite maximale de 115% du SMIC."

Qui dit mieux. Et avec ça ma p'tite dame!

Le MNCP, il faut déjà le faire pour se décréter mouvement national avec comme comme slogan "un chômeur est un électeur". Remarquez, ça a au moins le mérite d'être clair.
En 1981 Maurice Pagat , un cadre au chômage, lançait un appel pour la création d’un syndicat de chômeurs.
Quelle belle intention de la part d'un sbire du patronat. Les effluves commençaient-elles à monter trop haut?
En 1997" les chômeurs réussissent ce que les syndicats s’étaient montrés incapables de réaliser" ???
Là c'est beaucoup moins claire, la veste commençait-elle à craquer?

De l'autre côté de la barricade: toujours la même zizanie

L’association APEIS s’est créée en 1987 pour lutter contre le non-respect des droits des chômeurs
2005...Nous sommes unitaires car les divisions des organisations qui représentent les classes laborieuses coûtent cher en terme de lisibilité...

AC ! s’est constitué autour d’un appel lancé en octobre 1993 par des syndicalistes, des militant-e-s associatifs et des chercheurs, pour en finir avec le chômage, pour lutter contre la résignation, pour une autre répartition du temps de travail et des richesses.

Ça commence pas mal.

Mais en 2006. "Évidemment, la situation n’est toujours pas clarifiée et deux secrétariats différents s’affirment « secrétariat des collectifs ».

C'est vrai, ça fait désordre. Mais bon.

Et enfin le CNPE au sein de la CGT, seule confédération syndicale à avoir accepté de prendre en compte la réalité du chômage.

Nul n'est parfait.

Si démocratie il y a, ne prend-t-elle pas sa source dans la diversité et la contradiction?
Sinon on peut débattre de la dictature du prolétariat. Euh, non excusez-moi, je voulais dire du précariat.