A deux mois des élections municipales, le gouvernement vient de prendre une décision surprenante : il modifie les règles arrêtant le taux de rémunération du Livret A pour que celui-ci ne soit fixé qu'à 3,5 % au 1er février, et non pas 4 %, comme la règle le prévoyait.
Cette décision est contestable sur le plan économique et choquante sur le plan politique. Economiquement, l'argument du gouvernement est le suivant : comme le Livret A sert à financer le logement social, une augmentation importante du taux d'intérêt renchérit automatiquement les prêts accordés par la Caisse des dépôts aux HLM. Il risquerait d'y avoir moins de logements sociaux mis en construction. Ce serait donc pour la bonne cause que le gouvernement limite à 3,5 % le taux de rémunération, un taux qui reste supérieur à l'inflation, précise-t-il.
Sans être faux, l'argument n'est guère convaincant. En ces temps de tempête boursière, les Français auraient été d'autant plus enclins à mettre une partie de leurs économies sur le Livret A que sa rémunération aurait été élevée. Cet afflux d'épargne n'aurait pu que profiter aux organismes HLM. Par ailleurs, si l'Etat veut tellement aider le logement social, pourquoi ne réduit-il pas les prélèvements qu'il effectue chaque année sur les profits réalisés par la Caisse des dépôts ?
Surtout, la démarche soulève un vrai problème politique. La fixation du taux de rémunération étant un casse-tête depuis des décennies, le gouvernement Raffarin avait décidé, en 2003, d'instaurer une règle de calcul automatique. La rémunération résultait d'une moyenne entre l'inflation (hors tabac) et le taux d'intérêt interbancaire à court terme, majoré de 0,25 point. Mais, avec la crise des subprimes, ce taux d'intérêt a bondi, portant la rémunération théorique du Livret A à 4 %. Profitant des "circonstances exceptionnelles" qui les autorisaient à revoir la règle, François Fillon et Christine Lagarde ont décidé de faire jouer cette clause d'exception. Le gouvernement voudrait démontrer que l'Etat n'a pas de parole et déroge quand il le veut à ses propres règles qu'il ne s'y prendrait pas autrement.
Ce choix est malvenu. Il s'ajoute en effet à d'autres décisions qui menacent d'amputer le pouvoir d'achat des Français : la franchise sur les médicaments, la future taxe sur les téléviseurs, ordinateurs et téléphones mobiles - pour compenser la fin de la publicité dans l'audiovisuel public -, et sans doute une taxe carbone sur les automobiles.
Le gouvernement ne manquera pas de plaider que le bouclier fiscal et l'abattement des charges sur les heures supplémentaires sont bien plus importants que ces mesures. Mais celles-ci renforceront le sentiment largement répandu : les gouvernements passent, mais les mauvaises habitudes fiscales ont la vie dure.
Source : Le Monde.fr