Naples débordé par la guerre des ordures
Saturée, dangereuse et polluante, la décharge de Pianura, dans la banlieue de Naples, avait été fermée en 1996. Dans l’urgence, et en dépit des violentes protestations des riverains, les autorités italiennes se sont résignées à la réactiver, pour évacuer les 2 000 tonnes d’ordures qui submergent, depuis plusieurs jours, la cité parthénopéenne. A tous les coins de rue, des monceaux de déchets s’accumulent.
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Exaspération. Depuis jeudi, la tension est montée à proximité de la décharge de Pianura. Plusieurs bus ont été incendiés et les protestataires s’en sont violemment pris aux forces de l’ordre, samedi, avec le renfort de bandes de jeunes venues d’autres quartiers de la ville. Malgré les charges de la police qui tente d’assurer l’accès du site à quelques camions, les riverains continuent de faire barrage devant l’entrée principale du site. Jeudi matin, à proximité de l’habitation du président (démocrate de gauche) de la région Campanie, Antonio Bassolino, des militants du parti de droite Alliance nationale ont accroché dans les arbres une vingtaine de mannequins, une corde au cou, avec des inscriptions contre l’édile et contre l’actuelle maire de Naples Rosa Russo Jervolino. L’initiative macabre a reçu le soutien de nombreux riverains. Pour le curé du quartier, à l’unisson, «c’est une protestation forte, mais plus que légitime», face à l’exaspération de la population contre la crise des ordures, qui dure à Naples depuis près de quinze ans.
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Depuis 1994, pas moins de huit commissaires spéciaux ont été dépêchés par Rome pour se charger du problème. Aucun d’entre eux n’est parvenu à venir à bout des incuries bureaucratiques, de la révolte des populations locales et des détournements de fonds, avec en toile de fond, l’emprise de la Camorra, la mafia locale. Cette dernière a par ailleurs organisé un vaste et très rémunérateur trafic illicite de déchets industriels, abandonnés ici ou là dans la nature. Corollaire : l’organisation criminelle n’a cessé de soutenir les manifestations populaires contre l’implantation de décharges légales et concurrentielles. Les experts estiment que le chiffre d’affaires de «l’écomafia» s’élèverait à 10 milliards d’euros annuels.
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«Les fonds publics [dans le cadre de "l’état d’urgence en matière de déchets", ndlr] considérables que l’Etat italien a octroyés à la Campanie ont servi à alimenter un très large réseau de consultants et de consortiums qui étaient souvent l’objet d’infiltrations criminelles», a dénoncé le sénateur Roberto Barbieri, président d’une commission d’enquête sur le phénomène.
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