Chômage - dommages collatéraux ...

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Modérateurs : superuser, Yves

Stockwell

Chômage - dommages collatéraux ...

Message par Stockwell »

J'en avais parlé avec Maguy par MP et je pense que ça peut intéresser certains visiteurs de ce forum. A savoir: comment reprendre une vie de labeur après plusieurs années de chômage ? Que devient-on du jour au lendemain ? Comment s'effectue le retour à l'emploi ?

Je ne vais rien apprendre à personne ici en disant que le chômage tue à petit feu, que l'on perd, au fil des mois et à fortiori des années, sa motivation, ses répères dans le temps et dans l'espace, ses envies, son cercle de relations. Enfin, bref, être au chômage, c'est quand même se retrouver en marge de tout, à commencer par les problèmes qui découlent du manque de revenus.

C'est paradoxalement lorsque l'on retrouve un emploi que l'on se rend compte, concrètement, des dommages causés par une longue période d'inactivité. Je me permets de narrer, en bref, mon expérience: j'ai retrouvé un emploi fin octobre et je suis entrée en fonction chez mon nouvel employeur voici 8 jours. Déjà, je découvre le secteur non-marchand, ce qui signifie que mon salaire est loin d'être à la hauteur de ce que j'ai pu avoir avant ma période de chômage. La moyenne d'âge de la boîte où je travaille est de 31 ans. Dans mon demi malheur j'ai la chance de ne pas paraître plus, malgré le fait que je viens de fêter voici quelques jours mes 42 ans. [Ceux qui raillaient mes éternelles casquettes portées à l'envers, mes sacs Eastpack scotchés sur mon dos, mes t-shirts EMINEM etc ... et mes Nike Air en sont pour leurs frais !].

Ceci étant, je me suis retrouvée, du jour au lendemain, replongée dans un univers que je ne reconnais plus. Le réveil, le lever tôt, les transport en commun, les longues journées, les réunions, les colloques, les comités de ceci ou de cela.

En bref, je suis épuisée. A 15H00 je baille, j'ai envie de me faire la malle. Le samedi je dors jusqu'à 14H00, le dimanche pas moins tard. Je dois récupérer de ma semaine et je n'ai donc plus de week-end. Il m'arrive d'avoir des crises d'angoisse au boulot. J'ai peur de tout, j'ai peur de revivre un licenciement et il m'arrive d'être paralysée, mentalement et physiquement. Evidemment, je ne dois rien laisser paraître à l'extérieur.

Je veux dire que ce n'est pas non plus en retrouvant un emploi que l'on retrouve fissa le bonheur. Le chômage laisse des traces indélébiles et j'en porte quotidiennement les stygmates. Je n'ai pas retrouvé - et de loin - un salaire équivalent à celui que j'avais avant mon licenciement.

Quelque chose s'est brisé avec cette longue période de chômage et les épreuves qui ont découlé de cet état. Cette peur, cette fatigue, cette angoisse me collent à la peau.

D'autres membres ont-ils connu ou connaissent-ils ce sentiment ?

PS: d'avance je m'excuse d'avoir parlé à la première personne.
maguy

Message par maguy »

Bonjour Stockwell :lol:

Depuis bientôt 10 ans, je n'ai eu que des CDD, à part 2 que l'on m'avait présentés comme CDI alors que ce n'étaient que des CDD déguisés, histoire d'économiser la prime de précarité.

Donc, je ne m'investis pas trop.

Je dors peu (un des dommages) et n'ai pas de problèmes pour me lever, j'en ai plutôt pour m'endormir...

Dans les dommage très graves, il y a ceux qui ont emprunté beaucoup pour s'acheter un appart ou une maison et se retrouvent le coûteau sous la gorge et même à la rue.

Les jeunes couples qui entassent crédit sur crédit pour s'installer et se retrouvent aussi dans la m... avec en prime suppression de compte bancaire et fichés à la Banque de France.

Ceux dont les enfants allaient en école privée ou avaient des sports ou occupations annexes dont on ne peut plus payer la cotisation.

Ceux dont le mariage éclate et se retrouvent seuls(es) avec quelquefois des enfants à charge.

Car on CHANGE forcément avec des angoisses, des humiliations que l'on ne sait pas toujours exprimer.

Et bien sûr les "amis" qui se font la malle, ou plutôt qui remballent peu à peu leur intérêt pour vous, la famille qui y va de son couplet rabâché et de ses conseils à la noix.

Pour toi Stockwell, prend les choses les une après les autres. Tu vas bientôt retrouver ton rythme de sommeil/réveil, comme après un gros décalage horaire.

Un boulot pas trop intéressant, je suppose une administration (réunions, colloques, comités, mouarf :wink: ) dur, dur quand on est habitué à un emploi marchand avec du concret !

Un boulot ce n'est pas forcément la panacée avec ses contraintes, mais d'un autre côté tu vas retrouver une normalité de vie, de rythme que tu avais peut-être perdue, laisse faire le temps.

Car c'est bien le pire dommage qu'on a pu nous faire avec le chômage de longue durée, perdre confiance en soi :evil:

Je suis sûre que dans une semaine, tu iras mieux, et celle d'après encore mieux.

Merci de penser à nous et bises :wink:
tristesir

Message par tristesir »

Ne sois pas trop inquiète Stockwell pour la fatigue que tu ressens, je pense que cela devrait aller mieux rapidement, c'est juste une question de temps avant de pouvoir tenir le rythme.

Les crises d'angoisse, je me rappelle avoir connu cela, pour un boulot qui était légèrement en dessous de mon niveau d'incompétence.
Etre pétrifié mentalement en face d'une tache que je ne savais pas par moi-même résoudre alors qu'il n'était pas clair si on attendait de moi que je résolve les problèmes seuls ou avec de l'aide. (une aide que j'assimilais à des joker: une fois le dernier joker demandé, cela aurait été la porte aussi)

Reprendre un emploi dans ces conditions est stressant, avec la peur au ventre, parce que je savais que trop de faux pas signifieraient la porte je préssentais qu'après ce serait la spirale dans la déqualification et le chômage longue durée.
(on dit que la peur n'évite pas le danger, mes craintes les plus pessimistes se sont réalisées: viré (3 mois de période d'essai, qui a été renouvelée, viré au bout du 5 ème mois) et je n'ai jamais pu exercer un emploi ayant de près ou de loin un rapport avec ma formation initiale et qui ne soit pas déqualifiant pour moi)

L'avantange des boulots déqualifiés c'est qu'ils sont souvent très éloignés
de mon niveau d'incompétence: moins de stress et plus de confiance dans le fait que cela va bien se passer.
(mais cela ne diminue en rien la rancoeur de perdre son énergie pour pas grand chose et n'est pas très gratifiant pour l'amour propre et en outre ils ne me sortent jamais de la pauvreté)

J'espère que je n'ai pas trop plombé l'ambiance .
:oops:
superuser
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Localisation : Paris

Message par superuser »

Salut Stockwell !

Huit jours, c'est encore peu. Il faut environ deux semaines pour "prendre le rythme".

Quant à se remettre dans le bain, c'est une autre paire de manches et je comprends ton constat : quand on a connu une très longue période de chômage, surtout si on a dépassé la quarantaine, on ne peut plus voir les choses de la même façon. Toutes illusions ôtées, le monde du travail nous semble bien dérisoire et tellement hypocrite... Et c'est pire quand, à la fin du mois, on touche une petite paie minable (et là on se dit : tout ça pour ça ?).

Trois points positifs tout de même : on retrouve l'envie de faire plus de choses (comme une batterie qui se recharge quand on fait rouler la voiture), on s'aperçoit qu'on n'a pas perdu ses capacités (ce qui rassure sur soi), et on affiche une distance salutaire avec ce nouvel environnement (alors qu'avant la volonté de s'impliquer nous aveuglait parfois).

TIENS BON !
toit_de_chôme

Message par toit_de_chôme »

J'ai connu ça ...
au départ c'était pour faire de la hotline internet de 15h à 22h30. Donc transports tous les jours, stress du travail et tout et tout. Je dormais énormément. J'ai pris le rythme au cours de la dexième semaine.

Mais le pire, c'est que le premier mois est le plus galère en argent : tu n'a pas encore de paie, mais tu prends en charge tes transports, ta bouffe ......

Mais bon courage c'est lorsque l'on est en poste qu'il faut continuer à chercher un autre poste, pour avoir mieux. Les employeurs préfèrent débaucher que de prendre un(e) chômeur(euse).
Stockwell

Message par Stockwell »

Merci pour vos messages sympas.

@ Maguy: je n'ai pas un boulot administratif du tout; je suis très souvent en déplacement mais je constate que la "réunionite" a gagné du terrain. On fait des réunions pour un oui ou pour un non ...

Il y a quelques jours j'ai reçu ma fiche de salaire - pour 9 jours - après environ 4 ans de chômedu. Un petit événement. Je m'étais plantée dans mes calculs entre salaire brut et net et comme je suis d'une nature pessimiste j'avais vu les choses très à la baisse. La surprise n'en a été que meilleure. Et puis je ne peux pas me plaindre, en bus - payé par la boîte - je mets 12 minutes pour aller au boulot.

Pour revenir au thème initial sur les dommages collatéraux du chômage. Quand j'observe mes collègues, je sens de suite qu'aucun n'a subi les affres du chômage. Je pense que je porterai à jamais cette blessure, elle est en moi, en chacun des membres de ce forum. Elle fait que l'on se sent proche les uns des autres.
maguy

Message par maguy »

Je viens de voir un article sur le Monde Diplomatique, parlant du coût psychique du licenciement

Le coût psychique du licenciement
Par Louis Uchitelle

« Parmi les dommages causés par les licenciements, il en est un qui n’apparaît jamais dans les catalogues des économistes, des politiques, des sociologues, des syndicalistes, des professeurs de management, des consultants et des journalistes. Beaucoup est dit sur la perte de revenus, la mobilité descendante, l’affaiblissement de la cohésion familiale, l’accroissement du taux de divorce, la désagrégation des communautés, mais on ne mentionne pas les atteintes émotionnelles invalidantes (...).

Une étude nationale américaine a fait apparaître une corrélation entre chaque point d’évolution positive ou négative du taux de chômage et le taux de suicide national, la fréquence des crises cardiaques, des attaques cérébrales, des actes de criminalité et des accidents. On ne reconnaît pas suffisamment le dommage provoqué par le licenciement en tant que tel, indépendamment du chômage qui s’ensuit. En lui-même, le traumatisme du congédiement défait les vies, abîme l’estime de soi, détériore les mécanismes d’adaptation normaux (...).

Selon le Dr Cameron, les licenciements “diminuent la capacité de recommencer. Ils sont le contraire du don de vie ; littéralement, ils épuisent la vie”. (...) [Mais] l’Association américaine de psychiatrie n’a jamais formellement déclaré que le licenciement était dangereux pour la santé. Acquiesçant à cette pratique, elle cherche plutôt à favoriser une prise en charge médicalisée des victimes. Par exemple, elle fait pression sur le monde des affaires pour que le risque de maladie mentale soit mieux couvert. “Pour l’accès à la santé mentale, nous constatons des carences majeures dans les assurances-maladie financées par les entreprises, a dit le Dr Sarfstein [président de cette association], et c’est sous cet angle que nous abordons ce problème.” »

Louis Uchitelle, The Disposable American, p. 179, 181 et 185.
Travail, Violence, Emploi


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