Je peux témoigner en tant que nouvellement salariée-ex-chômeuse et lectrice assidue d'Actu même si je ne participe plus guère par ailleurs :
Je rebosse à temps plein et je suis sur un écran toute la journée au boulot, donc lorsque j'arrive le soir j'ai du mal à allumer mon PC...
Côté travail en lui-même, j'adore ce que je fais, c'est une véritable vocation pour moi donc je suis heureuse de pouvoir exercer à nouveau, vraiment !
Côté relations sociales, par contre, c'est pas le top

les collègues sont gentils, je peux pas dire, mais depuis le premier jour je me sens profondément différente d'eux. En fait, je sors de 3 années de chômage, et j'ai du mal à me réhabituer au monde des inclus.
J'ai bien essayé d'aller manger une fois ou deux avec certains collègues, mais je me suis fais chier tout le repas : Les conversations ont tourné autour du boulot alors que moi j'ai gardé un certain recul qui fait qu'une fois passé la porte du boulot je laisse tout ça derrière (parce que c'est encore tout frais pour moi et que je ne suis pas encore "embrigadée" psychiquement ??

Je me suis posé la question !)
Et, surtout, ils n'ont parlé que de consommation. Je ne sais pas si c'est l'effet "soldes" qui a coïncidé avec mon arrivée parmi eux mais ça ne parlait que shopping : Fringues, meubles, déco, vacances...Mortel !!
Vivant de mes maigres ARE depuis 3 ans, puis de ma toute petite ASS depuis un an, j'ai totalement décroché de tout ça.
J'avais beau essayer d'écouter et de m'intéresser, rien à faire, j'ai le sentiment d'être devenue hermétique à la consommation et au gaspillage de fric.
J'ai l'impression de venir d'une autre planète, bien plus évoluée humainement que la leur, et d'être là, obligée de me réadapter à cet univers sans y parvenir vraiment malgré mes efforts.
Autre effet secondaire, ayant passé 3 ans au chômage, je me suis réorientée vers des milieux fréquentés par des gens ouverts, des musiciens, des artistes qui savent ce que c'est que la galère. Avec eux, je suis bien, dans une bulle faite de sincérité, d'humanité, d'attention portée aux autres, de spontanéité sans calcul. L'entraide désintéressée est la règle, aucun d'entre nous n'ayant des fortunes pour vivre.
En fait, j'avais appris à me rapprocher de gens comme moi pour vivre mieux.
Du coup, au boulot, le choc à été rude : je me suis retrouvée à fréquenter des gens que je n'ai pas choisi, 7 heures par jour, 5 jours sur 7.
Des gens qui paraissent gentils certes, mais la galère m'a permis de développer des antennes incroyables. Tant de gentillesse cache une telle hypocrisie qu'au bout d'à peine 2 mois, ce monde de Bisounours me fait déjà gerber. Mais j'ai besoin de ronds, mon mec est au chômage et ne rentre pas un sou, donc je soigne ma façade, je souris aussi, comme tout le monde, et la nausée passe. J'ai vite compris que même si pas mal de choses déconnent, il ne faut surtout pas moufter. Quand j'ai exprimé un ou deux trucs à une collègue, elle m'a dit "Chut, parle pas si fort !" en roulant des yeux inquiets vers la porte du bureau.
QUE DU POSITIF ! Telle est la culture de mon entreprise, et de beaucoup d'autres, visiblement...
Cette ambiance où tout le monde affiche des sourires jusqu'au oreilles même en se faisant pincer les doigts dans un porte est surréaliste pour moi qui arrive de l'extérieur
En fait lorsqu'on s'est éloignés de ces univers artificiels que sont les univers professionnels pour vivre de vraies relations dans une vraie vie, on devrait pouvoir bénéficier d'une formation pour réapprendre les usages en vigueur dans le monde du travail d'aujourd'hui :
- Obéir et mettre sa propre raison en veilleuse, le chef sait, on ne sait rien
- Etre heureux quoi qu'il arrive d'être salarié de ce magnifique Groupe
- Ne pas ménager ses efforts pour mériter son salaire et avec le sourire
- Etre sympa et de bonne composition même dans les pires moments
- Avoir le CDI salvateur comme seul horizon
- Ne plus être soi, mais ce qu'on voudrait qu'on soit, un produit, une simple vitrine de notre entreprise
- Ne pas emmerder les collègues avec nos états d'âme, ils ont les leurs
L'univers du travail est, au regard des relations que j'ai connu entre temps, un monde de grande solitude, de grand égoïsme, très très peu évolué humainement parlant. Je me rends compte chaque jour qui passe que le chômage de longue durée a fait de moi un être différent, et c'est un acquis précieux que je garderai toujours.
Là-bas, je suis en représentation, je joue un rôle, je suis un petit bout de moi, une simple façade.
Chez moi, dans mon univers privé, je développe d'autres qualités, d'autres pans de ma personnalité, je suis devenu un être plus complet.
Pour l'avenir, j'ai des projets bien plus intéressants à mettre en place que j'ai mûri pendant mes années de chômage, mon travail n'est plus mon seul horizon, je suis moins fragile et livrée à lui que je l'ai été par le passé, ou que la plupart de mes collègues qui ne connaissent que ce mode d'accomplissement (faute d'avoir connu autre chose).
Je suis en train de créer mon activité, et ma vie ne s'arrêtera donc pas avec la fin de mon CDD dans quelques mois !
P.S : Autre effet secondaire positif : La plupart des membres de ma famille se sont montrés tellement odieux durant cette période que j'ai coupé le cordon avec certains, et que je l'ai renforcé avec d'autres ! Un tri très sain que j'aurais eu du mal à faire en d'autres circonstances, ou alors en payant très cher un psy
