Etrangers au monde du travail

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Modérateurs : superuser, Yves

Belette-Blues

Etrangers au monde du travail

Message par Belette-Blues »

Bonjour à tous,

Je me suis inscrite afin d'essayer de trouver des réponses, mais j'ai une question à poser avant tout. Pas dans le but qu'on me réponde fatalement, mais afin de trouver des personnes dans une situation semblable à la mienne. Je vous remercie d'avance.

J'ai 32 ans et mon CV est vide.
Je veux dire, vierge : je n'ai jamais travaillé.
Mes études ont pâti de ma timidité maladive et de ma peur des autres. Pourtant, je suis capable de tant de choses, que ce soit en littérature, en langues ou en arts. Devant "les gens" (et surtout les gens en hierarchie) je me décompose sur place. Je n'ai rien su prouver.......
Juste après avoir mis un terme à ma première par correspondance, j'ai eu mon enfant. Elle a bientôt 10 ans. Faites le calcul......

Les moultes rendez-vous ANPE, BCA et des réunions parfois rabaissantes (de mélanger les personnes dans un but qui nous est personnel......) n'aident à rien des personnes comme nous, qui se sentent décalées.
Je suis donc, une "marginalisée du monde du travail", comme on m'a dit, et je commence à ne plus souffrir cette étiquette, car je sais que je suis courageuse et volontaire.
Seulement, cela reste enfoui en moi.

Pour terminer, j'ai trouvé ma moitié depuis quelques mois et je me retrouve entre l'envie de bouger pour de bon et être 100% dispo pour lui (qui bosse) et ma fille. Je sais, c'est un choix que seule moi peut décider, mais si vous vous reconnaissez dans cette histoire, j'espère que nous pourrons nous entraider.
Je reste, malgré cette peur des autres, une humaniste, j'ai foi en ce qu'il y a de bon en chacun, et puis je suis convaincue que l'homme devrait revenir aux sources et regarder enfin, son prochain dans les yeux. Et lui tendre la main.

Merci de m'avoir lue. :roll:
tristesir

Message par tristesir »

Je pense que tu n'es pas la seule à être dans cette situation ou une situation proche et cela ne concerne pas seulement que des femmes.

Elever un enfant est un travail à plein temps et rappelle toi qu'il y a seulement quelques dizaines d'années encore les femmes étaient encouragées à ne pas exercer d'activité professionnelle pour se consacrer au travail (cela en est un) d'élever ses enfants.

S'inserrer dans le monde du travail devient une tâche de moins en moins facile. Cela demande des aptitudes que tout le monde n'a pas, quoiqu'en pensent certains.
La compétence pure n'est plus suffisante, il faut savoir se vendre (comme un vulgaire filet de patates). Ne pas savoir le faire est compris par les employeurs ou recruteurs comme une preuve du manque de compétences et de motivation.
La timidité excessive est surement un handicap important qui s'oppose à cette insertion j'en suis persuadé.
Yves
Messages : 10926
Inscription : 08 sept. 2004
Localisation : Paris

Tout est une question d'appréciation…

Message par Yves »

La question qui se pose, sur le fond, est celle de la "souffrance" occasionnée ou non par ta situation.

Car, concernant le travail (et la place qu'il tient dans la vie de chacune et chacun), tout est très subjectif.

Il y a des "travailleurs" qui "s'éclatent" dans leur activité.

D'autres qui la subissent.

Il y a des "non travailleurs" qui s'éclatent dans leur non-activité.

D'autres qui la subissent.

La vie ne se résume pas au boulot qu'on exerce et qui peut parfois, souvent même, être source de souffrances, de déconvenues… voire même conduire à l'irréparable comme on a pu le voir dernièrement chez Peugeot et Renault (suicides).

À chacune et chacun d'apprécier SA situation, non pas au travers du regard des autres mais de celui qu'on porte sur soi.

Si l'absence "d'activité professionnelle" est pour toi source de souffrances, de frustrations, il convient de corriger le tir.

Si ta condition de mère de famille qui n'a jamais "travaillé pour de l'argent" te satisfait, n'hésite pas à poursuivre…

Toi seule peut apprécier.

Mais il y a des centaines de milliers de personnes qui souffrent à travailler. Et autant qui souffrent de ne pas travailler.

Là se situe le fond du problème.

Ériger la "valeur travail" en fondement de l'organisation de la société est, aujourd’hui, une hérésie.

Certains (la majorité sans doute) s'en accommodent, et c'est leur droit le plus strict. D'autres peuvent s'en passer, et c'est aussi leur droit le plus strict.

Les souffrances proviennent de situations imposées.

Quand on "impose" une activité à un individu qui n'y aspire pas. Quand on "supprime" l'activité de celui pour qui elle est source d'équilibre.

Ce débat est LA question de fond que nous abordons ici sur Actuchomage…

Yves - Un animateur du site
Belette-Blues

Merci :)

Message par Belette-Blues »

:roll: Bonjour,

Merci tout d'abord à ceux qui ont pris le temps de me répondre. :wink:

Je sais que ce sont des choix personnels que moi seule peut décider mais malgré tout, un avis peut peut-être nous galvaniser ?
La souffrance est sans doute la cause principale de cette situation, et j'essaie d'y réfléchir (je ne fais que ça ! lol...)
C'est vrai que si elle n'était pas là, j'exercerais sûrement un métier qui me plait (car, quite à avoir le choix, autant faire ce que j'aime que devenir une esclave-surtout comme on sait comme "On" peut nous jeter à tout moment, sans scrupules.....)
Le tout est une question de conscience et aussi, pas mal, de Principes. Cela dépend comme on a été élevé.

Sans oublier nos dirigeants qui vont nous acculer...

J'éprouve aussi quelque gêne, par rapport à ce sujet, Yves : les femmes se sont battues pour avoir le droit de travailler, etc....
Quand une fille comme moi dit : "je préfèrerais rester à la maison pour m'occuper de ma famille", à notre époque, c'est limite un sacrilège. On vous prend pour une arrierée -_-
Donc, quelque part, "le regard des autres" y est aussi pour quelque chose.

En tout cas, je suis à un carrefour de ma vie et je vous remercie de vos messages.

Bien à vous...
maguy

Message par maguy »

Bonjour Belette Blues
C'est vrai que si elle n'était pas là, j'exercerais sûrement un métier qui me plait (car, quite à avoir le choix, autant faire ce que j'aime que devenir une esclave-
Effectivement, tu es éloignée du monde du travail. Car tu n'as PAS le choix, ce n'est pas la souffrance qui t'empêche de trouver un job, c'est tout simplement le manque de postes, et le peu qui est proposé ressemble furieusement à de l'esclavage, sous-payé, avec des employeurs qui ne se sentent plus et ont des exigences complètement disproportionnées.
les femmes se sont battues pour avoir le droit de travailler, etc....
:roll: :roll: Non, les femmes ont toujours travaillé en dehors du foyer, que ce soit aux champs ou en usine. Si les femmes se sont battues, c'est pour avoir le droit d'être payées plus que la moitié du salaire d'un homme et surtout pour avoir le droit de conserver leur salaire.

Perso, je me fiche du regard des autres. J'ai des principes et une conscience, mais comme tout le monde sur Actu, je n'ai pas choisi ma situation. J'essaie de la vivre le moins mal possible.

S'il n'y avait pas ces problèmes d'argent, je me sentirais plutôt bien dans ma vie entre mes livres, Internet.

Je me passe très bien du chefaillon qui pourrit la vie, parce que Bobonne l'a eng... le matin même. Je me passe aussi très bien des embouteillages ou du metro bondé. :P
Belette-Blues

C'est pire que l'enfer ? lol

Message par Belette-Blues »

Merci Maguy, :)

J'ai d'un coup l'impression que le travail c'est pire que l'enfer. Ou alors on n'en est pas loin..... dûr.... :shock: lol

Niveau pénurie de postes, je crois qu'on en entend assez avec les médias, pour te croire. Moi aussi je me passe très bien des inconvénients (les avantages c'est pour les riches 8) ) mais c'est surtout la culpabilité qui m'empoisonne, celle de pouvoir être un poids, "vivre sur quelqu'un"... sinon, si j'étais seule, je ne pense pas que je me prendrais autant la tête. :?
J'ai des rêves, de réaliser pleins de choses, et paradoxalement l'impression de ne pas être faite pour ce monde du travail (ou d'autre chose !) impitoyable. En fait, ce que je dis là, je suis sûre que chacun le pense, je voudrais bien connaître les chiffres des résignés, rien qu'en France........ lol
maguy

Message par maguy »

J'ai d'un coup l'impression que le travail c'est pire que l'enfer
De plus en plus souvent malheureusement, il n'est qu'à voir le nombre de suicides au travail ces derniers temps :cry:

Ne te sens surtout pas coupable de ne pas ramener ton écot à la maison, après tout tu élèves ta fille et t'occupes de la maison ce qui est déjà un boulot en soi.
c'est surtout la culpabilité qui m'empoisonne, celle de pouvoir être un poids, "vivre sur quelqu'un
Mouaf, mais non :P

Ou dans ce cas, on va mettre tous les "inutiles qui ne travaillent" dans des camps, s'pas ? Tous les retraités, les malades, les handicapés, les chômeurs, certains fonctionnaires qui ne brassent rien d'autre que du vent et viennent encore nous faire la leçon...

Pour les postes manquants, va faire un tour sur le site de l'ANPE, à hurler de rire, enfin pour ne pas pleurer ...

J'ai aussi l'impression de ne pas être faite pour ce monde-là, de m'être réveillée un jour sur une autre planète avec des fous au volant.

Mais bon, je m'adapte à mon niveau et pourtant je suis seule avec mon ASS (quelle compagnie :wink: ) et bientôt 53 ans, donc trop vieille, ou trop ceci ou trop cela :shock:

Réalise tes rêves et ne te prends pas trop le chou pour ce que tu ne peux changer.
Belette-Blues

merci merci

Message par Belette-Blues »

Merci encore,

L'année dernière une employée de l'ANPE m'a proposée de me désinscrire carrément, et ça fait un an. C'est seulement maintenant qu'une Assistante sociale veut me voir pour revoir mon contrat d'insertion. Ca aussi, ça me ferait hurler de rires...... :x

Qu'est ce que j'vais pouvoir lui dire de nouveau.... A part gagner du temps en m'en faisant perdre, je ne vois pas ce qu'ils m'apporteront.... Après, on nous dira démotivés.....

Je te remercie Maguy :D , je pense que dans ma tête je ne changerai pas (nos idées "d'anti-social" -ce mot est relatif, ya pas plus sociaux que nous j'en suis sûre....lol)
romain23

Message par romain23 »

Je crois que nous sommes nombreux et nombreuses dans ta situation.Si contrairement à toi,j'ai eu une carriere professionnelle, j'ai arrete de travailler à 40 ans et je me suis consacrer à l'education de mon fils.Bon gré, mal gré, il a maintenant 15 ans, et je ne regrette en rien le temps que je lui ai consacré.Par contre, toujours inscrite sur les listes des demandeurs d'emploi et survivant en ASS (14 € par jour) je cherche bien evidemment à retravailler.Et c'est là qu'on nous regarde comme des betes etranges!
Il est bien evident que j'ai tout essayé: demandes de formation, refusées parce que trop agée (50 ans) et de plus pas de formation en ASS.Demandes de stages pour remises à niveau etc.....Et à chaque fois les memes reponses: trop longtemps eloigné du milieu professionnel, trop agée....etc.
Alors , je regarde le monde et je me dis que finalement nous avons les valeurs essentielles, meme si l'argent manque un peu.Le temps de dialoguer avec ceux que l'on aime, le temps de regarder une goutte de rosée un matin de printemps, le temps de cuisiner et de ne pas manger tout le temps de la bouffe industrielle, le temps de faire ses propres fringues sans suivre les habits chinois qui sont dechirés à la 2° machine,le temps de lire et de s'informer, de savoir choisir une voie plus empreinte de sagesse et
SURTOUT LE TEMPS DE LA LIBERTE.

Manque un peu les amis ,la socialisation, mais il y a internet et je m'oblige à frequenter une salle de sport au moins une fois par semaine, et, chose rare de nos jours, j'ecris de longues lettres a mes amis eloignes.

Tu sais, aujourd'hui, le milieu du travail est trop robotisé, stress permanent , courir tout le temps, relations de competition constante, c'est à qui va bouffer l'autre. Alors, nous sommes peut-etre marginales, mais rest à definir la marginalité. Parce que , malgré tout nous faisons partie de l'espace social et n'avons pas indirectement choisie , d'etre dans la marge.
Et ,dans ce monde d'evolution et de transition, qui dit, que demain, notre marge à nous ne sera pas devenue les vrais valeurs de vie, car nous aurons appris les vrais forces interieures et celles de la survie.

Du travail ,il n'y en a plus pour tout le monde et encore moins demain avec 9 milliard d'etre humains.Reste à inventer d'autres valeurs, et c'est là que, nous , aurons peut-etre, notre mot à dire.
Stockwell

Message par Stockwell »

Hello Belette-Blues,

Je partage les avis de Maguy et Romain23 sur la notion de travail et, finalement, les fausses valeur qu'il véhicule. Ce n'est pas parce que certains agités n'arrêtent pas de valoriser "la France qui se lève tôt" ou ceux qui "travaillent plus pour gagner plus" que tous les autres sont des nazes ou des rebuts.

Depuis que j'ai perdu mon emploi, j'ai essayé de cheminer - ce n'est pas simple - en tentant de relativiser. Et en fait, je me rends compte que le travail, s'il m'a apporté des joies, m'a procuré surtout beaucoup d'ennuis: j'ai été victime d'un harcèlement moral odieux qui a débouché sur un licenciement abusif (affaire toujours en cours devant la juridiction compétente). J'ai souffert durant près d'un an à cause d'une personne qui m'a pourri la vie et au mileu de collègues qui froussaient et d'une lâcheté à gerber.

Quand je repense forcément très souvent à cet enfer, je me dis parfois qu'il est encore mieux de ne pas travailler.

D'ailleurs, à y réfléchir, le travail est très souvent source d'ennuis, d'inquiétudes, de stress voire de maladies. On a tous au moins une fois eu a faire face à un petit chef tyrannique et incompétent, à des collègues fielleux, médisants et hypocrites, à une concurrence féroce et malsaine.

Quand je fais le bilan, je trouve bien sûr du positif, mais finalement plus de négatif.

Evidemment, comme le souligne Maguy, l'argent est un problème. C'est finalement le seul. Ayant pedu mon boulot, j'ai viré de ma vie les vrais-faux amis qui ne me fréquentaient que pour ma fonction, je passe plus de temps sur Internet, j'écris, je regarde des DVD, je m'informe.

Je cherche bien sûr du boulot. Inutile de te faire un dessin: c'est compliqué ...

Pour ce qui est du regard des autres, eh bien, je pense qu'il faut choisir ses fréquentations. Les "amis" qui viennent se plaindre à moi de leur chef ou de leur stress tout en sachant que je n'ai plus de boulot, non merci ! Ils sont chassés de ma vie. Soit je fréquente des gens qui ne connaissent pas ma situation, soit je fréquente des personnes assez humaines que pour m'écouter et ne pas me parler de ma situation.

La pire des choses, c'est de culpabiliser - et pourtant il m'arrive encore de le faire !
superuser
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Message par superuser »

Lire cet article du Monde Diplomatique : Le travail, lieu de violence et de mort
Belette-Blues

Tout n'est pas noir ni blanc, tout est gris ?

Message par Belette-Blues »

Bonjour, :)

Je suis surprise de vos témoignages, puisque je me reconnais un peu en chacun d'entre vous....
Je constate qu'il y en a, à faire encore, du trajet et la route semble si grise...
Je me dis qu'il y a pire que moi/nous, pour relativiser : oui c'est vrai, après tout, il y a des personnes seules qui n'ont pas la chance d'avoir des enfants, ou des choses qui les font "rester" dans ce monde.

Je ne me plains pas non plus du "manque" d'argent, il est vrai que cela peut permettre de distinguer ses vrais amis des copains.
Et puis lorsqu'on s'éloigne du noyau de la société, on voit la vie avec un certain recul que ces autres n'ont pas.
On ne s'attache plus à grand chose, ou alors, le moindre individu qui vous semble près de vos idées, vous y tenez comme s'il/elle était de votre famille.... lol

"Alors , je regarde le monde et je me dis que finalement nous avons les valeurs essentielles, meme si l'argent manque un peu.Le temps de dialoguer avec ceux que l'on aime, le temps de regarder une goutte de rosée un matin de printemps,(....)"

Romain23 :wink: ------>C'est exactement comme cela que je vis la vie, et c'est plus qu'agréable.... (mon rêve ? vraiment m'éloigner de tout et vivre d'un rien-lol Nous y sommes presque, non ?)
Mon Hic c'est de "vivre sur l'autre", comme j'ai déjà cité plus haut (problème de conscience :oops: que faire...)
Et puis je pense à ma fille : que pourrais-je lui offrir comme certitudes... heureusement que je peux encore lui mettre un peu d'argent sur son Livret A..... mais je me demande comment ça se passera à l'adolescence (c'est à dire : bientôt) :? = Ma mère est toujours en train de la gâter et moi je lui dis d'en faire moins parce que, je ne pourrais jamais donner "matériellement"....

Pour terminer, (pardon, je ne sais pas "citer") Stockwell, :wink:
"La pire des choses, c'est de culpabiliser - et pourtant il m'arrive encore de le faire !"
----> c'est parce qu'on a une conscience, que l'on culpabilise, alors réjouis toi d'être humain, alors que trop ne le sont plus.... Et je suis sûre que j'ai bien fait de m'abonner à ce forum, qui doit soulever chaque jour des tas de polémiques et fait réfléchir.... merci.

Bien à vous
Yves
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Des avis forcément... orientés

Message par Yves »

Bonjour Belette,

Ne t'étonne pas de trouver ici des avis plutôt désabusés sur le monde du travail puisqu'un des objectifs d'Actuchomage est d'offrir une tribune pour les exprimer (les exorciser ?)... ces avis.

Pour autant, en moyenne, pour une personne qui intervient sur les forums d'Actuchomage,10 à 15 personnes consultent les échanges sans y participer directement. En d'autres termes, rares sont celles et ceux qui réagissent. La majorité des personnes qui fréquentent nos forums n'interviennent pas (par manque de temps, par pudeur ou tout simplement pour ne pas créer de polémiques stériles).

Mais je te "rassure" tout de suite, je suis bien certain que nombre de lecteurs pourraient être "dithyrambiques" sur le monde du travail... En fait, tout le monde l'est plus ou moins à un moment ou un autre de sa vie professionnelle.

Mais ici, celles et ceux qui interviennent régulièrement ont souvent été frappés, à un moment ou un autre, par un événement traumatisant qui leur est resté en travers de la gorge (licenciement abusif, harcèlement moral, gros pépin de santé...), donc forcément ça peut orienter les interventions.

Cependant, près de 40% des adhérents de l'association qui édite Actuchomage sont salariés et parmi ceux-ci, j’imagine que certains prennent un vrai plaisir à travailler... comme beaucoup d'autres, parmi les chômeurs, souhaiteraient de tout cœur retrouver du travail.

Tout ça pour dire qu'on trouve de tout sur Actuchomage... et parmi celles et ceux qui nous lisent, il y a des "gueules cassées" du monde du boulot... qui ne fait pas de cadeaux, c'est souvent vrai.

De là à dire que le taf c'est l'enfer...

L'isolement, la solitude, l'ennui... en sont de plus terribles souvent.

Savoir "s'occuper" quand on a pas de travail est un Art dans lequel certains s'épanouissent... mais où d'autres sombrent.

On est aussi là pour parler de ça !

Yves - Un animateur du site
lupita83

Message par lupita83 »

Je peux témoigner en tant que nouvellement salariée-ex-chômeuse et lectrice assidue d'Actu même si je ne participe plus guère par ailleurs :
Je rebosse à temps plein et je suis sur un écran toute la journée au boulot, donc lorsque j'arrive le soir j'ai du mal à allumer mon PC...

Côté travail en lui-même, j'adore ce que je fais, c'est une véritable vocation pour moi donc je suis heureuse de pouvoir exercer à nouveau, vraiment ! :)

Côté relations sociales, par contre, c'est pas le top :( les collègues sont gentils, je peux pas dire, mais depuis le premier jour je me sens profondément différente d'eux. En fait, je sors de 3 années de chômage, et j'ai du mal à me réhabituer au monde des inclus.

J'ai bien essayé d'aller manger une fois ou deux avec certains collègues, mais je me suis fais chier tout le repas : Les conversations ont tourné autour du boulot alors que moi j'ai gardé un certain recul qui fait qu'une fois passé la porte du boulot je laisse tout ça derrière (parce que c'est encore tout frais pour moi et que je ne suis pas encore "embrigadée" psychiquement ?? :shock: :shock: Je me suis posé la question !)
Et, surtout, ils n'ont parlé que de consommation. Je ne sais pas si c'est l'effet "soldes" qui a coïncidé avec mon arrivée parmi eux mais ça ne parlait que shopping : Fringues, meubles, déco, vacances...Mortel !!
Vivant de mes maigres ARE depuis 3 ans, puis de ma toute petite ASS depuis un an, j'ai totalement décroché de tout ça.
J'avais beau essayer d'écouter et de m'intéresser, rien à faire, j'ai le sentiment d'être devenue hermétique à la consommation et au gaspillage de fric.
J'ai l'impression de venir d'une autre planète, bien plus évoluée humainement que la leur, et d'être là, obligée de me réadapter à cet univers sans y parvenir vraiment malgré mes efforts.

Autre effet secondaire, ayant passé 3 ans au chômage, je me suis réorientée vers des milieux fréquentés par des gens ouverts, des musiciens, des artistes qui savent ce que c'est que la galère. Avec eux, je suis bien, dans une bulle faite de sincérité, d'humanité, d'attention portée aux autres, de spontanéité sans calcul. L'entraide désintéressée est la règle, aucun d'entre nous n'ayant des fortunes pour vivre.
En fait, j'avais appris à me rapprocher de gens comme moi pour vivre mieux.
Du coup, au boulot, le choc à été rude : je me suis retrouvée à fréquenter des gens que je n'ai pas choisi, 7 heures par jour, 5 jours sur 7.
Des gens qui paraissent gentils certes, mais la galère m'a permis de développer des antennes incroyables. Tant de gentillesse cache une telle hypocrisie qu'au bout d'à peine 2 mois, ce monde de Bisounours me fait déjà gerber. Mais j'ai besoin de ronds, mon mec est au chômage et ne rentre pas un sou, donc je soigne ma façade, je souris aussi, comme tout le monde, et la nausée passe. J'ai vite compris que même si pas mal de choses déconnent, il ne faut surtout pas moufter. Quand j'ai exprimé un ou deux trucs à une collègue, elle m'a dit "Chut, parle pas si fort !" en roulant des yeux inquiets vers la porte du bureau.
QUE DU POSITIF ! Telle est la culture de mon entreprise, et de beaucoup d'autres, visiblement...
Cette ambiance où tout le monde affiche des sourires jusqu'au oreilles même en se faisant pincer les doigts dans un porte est surréaliste pour moi qui arrive de l'extérieur :shock: :D

En fait lorsqu'on s'est éloignés de ces univers artificiels que sont les univers professionnels pour vivre de vraies relations dans une vraie vie, on devrait pouvoir bénéficier d'une formation pour réapprendre les usages en vigueur dans le monde du travail d'aujourd'hui :
- Obéir et mettre sa propre raison en veilleuse, le chef sait, on ne sait rien
- Etre heureux quoi qu'il arrive d'être salarié de ce magnifique Groupe
- Ne pas ménager ses efforts pour mériter son salaire et avec le sourire
- Etre sympa et de bonne composition même dans les pires moments
- Avoir le CDI salvateur comme seul horizon
- Ne plus être soi, mais ce qu'on voudrait qu'on soit, un produit, une simple vitrine de notre entreprise
- Ne pas emmerder les collègues avec nos états d'âme, ils ont les leurs

L'univers du travail est, au regard des relations que j'ai connu entre temps, un monde de grande solitude, de grand égoïsme, très très peu évolué humainement parlant. Je me rends compte chaque jour qui passe que le chômage de longue durée a fait de moi un être différent, et c'est un acquis précieux que je garderai toujours.
Là-bas, je suis en représentation, je joue un rôle, je suis un petit bout de moi, une simple façade.

Chez moi, dans mon univers privé, je développe d'autres qualités, d'autres pans de ma personnalité, je suis devenu un être plus complet.

Pour l'avenir, j'ai des projets bien plus intéressants à mettre en place que j'ai mûri pendant mes années de chômage, mon travail n'est plus mon seul horizon, je suis moins fragile et livrée à lui que je l'ai été par le passé, ou que la plupart de mes collègues qui ne connaissent que ce mode d'accomplissement (faute d'avoir connu autre chose).
Je suis en train de créer mon activité, et ma vie ne s'arrêtera donc pas avec la fin de mon CDD dans quelques mois !


P.S : Autre effet secondaire positif : La plupart des membres de ma famille se sont montrés tellement odieux durant cette période que j'ai coupé le cordon avec certains, et que je l'ai renforcé avec d'autres ! Un tri très sain que j'aurais eu du mal à faire en d'autres circonstances, ou alors en payant très cher un psy :wink:
Monolecte

Message par Monolecte »

Je pense que ton vécu est très sain et c'est pour cela que j'ai cessé de chercher un poste salarié.
Je viens d'ailleurs de commettre un billet sur le contexte de l'entreprise : De la démocratie en entreprise.

Je crois que le véritable problème du chômeur, c'est qu'il s'est libéré de ses chaînes mentales, alors que les insiders sont juste des esclaves consentants sans aucun recul ou réflexion sur leur existence.
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