Libéraliser les transports ferroviaires pour accroître leurs "parts de marché" face à l'avion et la route (grandes sources de pollution atmosphérique), vous y croyez, vous ? Quand on voit l'état du réseau ferroviaire britannique, on se le demande...L'ouverture à la concurrence du rail européen franchit une nouvelle étape lundi, avec la libéralisation complète du transport ferroviaire de marchandises.
L'Union européenne est engagée depuis des années dans une politique de libéralisation du rail, un sujet encore ultra-sensible dans des pays comme la France mais qui, selon ses partisans, doit donner un coup de fouet à un secteur de plus en plus concurrencé par la route et le transport aérien. "L'ouverture totale du marché dans l'ensemble des Etats de l'Union devrait donner un nouvel élan au rail et stimuler les acteurs du secteur", estime la Commission européenne, fervent défenseur de la libéralisation.
Selon des chiffres du bras exécutif de l'UE, la part de marché du fret ferroviaire est passée dans les 15 "anciens" Etats membres de l'UE de 20% en 1970 à moins de 8% en 2003. Moins de marchandises ont été transportées par train en 2005 qu'en 1970 et si, en chiffres absolus, le transport de passagers a continué à progresser, il a tout de même été écrasé par l'essor de la route et de l'avion.
Au 1er janvier, tous les services ferroviaires de transport de marchandises, nationaux et internationaux, devront s'ouvrir à la concurrence dans tous les pays de l'UE. Ce sera la dernière étape de la libéralisation du fret entamée le 15 mars 2003 avec l'ouverture des grandes lignes internationales, et étendue le 1er janvier 2006 à tous les tronçons internationaux.
La libéralisation du rail donne toujours lieu à des négociations serrées entre les Etats membres. Car si des pays comme la France traînent pour ouvrir leur marché, d'autres défendent fermement la mise en concurrence et ont même anticipé les choses. L'Allemagne et le Royaume-Uni ont d'eux-mêmes ouvert leur fret ferroviaire dès 1995. A ces bagarres s'ajoute toujours un bras de fer avec le Parlement européen, qui partage le pouvoir législatif avec les 25 sur ce dossier et cherche systématiquement à accélérer l'ouverture.
L'exécutif européen en est lui persuadé, les pays qui ont anticipé la libéralisation s'en sortent plutôt mieux que les autres. "Dans les pays qui ont anticipé l'ouverture, le fret ferroviaire a repris des parts de marché", remarque le commissaire européen aux Transports, Jacques Barrot. Selon des chiffres de la Commission, en Allemagne et au Royaume-Uni, le fret ferroviaire a connu une croissance de respectivement 8 et 13% entre 2003 et 2004. En revanche en France, où le secteur était encore fermé, il a reculé de 3,7% sur la période.
Après la libéralisation du fret, la prochaine grande étape pour le rail européen sera l'ouverture à la concurrence du transport de passagers, dont les modalités sont encore discutées entre les 25 et le Parlement européen.
Les 25 se sont mis d'accord entre eux pour une ouverture à horizon 2010 du seul transport international de passagers. Les députés européens poussent eux non seulement pour avancer cette date à 2008, mais aussi pour enchaîner quatre ans plus tard sur l'ouverture des lignes nationales.
Si en France l'avion et la route se sont plus développés que le train, c'est parce que ça rapporte plus et qu'on n'a rien fait pour étendre le réseau ferroviaire, moins polluant. La séparation de la SNCF et de RFF n'a surtout rien arrangé.
La notion de service public est loin des priorités européennes, exclusivement marchandes.