Je viens de regarder l'émission, et je suis consternée par son manque d'objectivité : son traitement s'est essentiellement orienté sur des cas particuliers érigés en généralité, une technique honteuse qui rappelle les méthodes du candidat de l'UMP... Je n'appelle pas cela du journalisme d'investigation, mais de l'idéologie médiatique. L'incitation à la haine sociale était clairement son objectif premier, et sa diffusion entre les deux tours des élections le confirme.
Le cas du médecin complaisant, filmé en caméra cachée, était tellement énorme (il tremble, n'ausculte pas, prescrit du Lexomil et rédige même un arrêt maladie pour une personne absente de la consultation) qu'il fait presque douter de la véracité du reportage. Et le commentaire de dire "LES médecins qui ceci, LES médecins qui cela"... alors qu'il s'agit d'UN médecin. Ce n'est pas sérieux !
Idem pour Thierry F. : par un subtil glissement représentatif, il incarnait une population de demandeurs d'emploi réfractaires au travail (cette "valeur travail" qui revenait en leitmotiv), alors que ce n'est pas le cas. On a enfin vu la tête de ce "chômeur professionnel" qui n'a même pas peur de se faire radier par la DDTE de Roanne alors qu'il n'est pas difficile de lui mettre le grappin dessus. On a même vu où il vit : son histoire d'accession à la propriété n'est pas du tout crédible, pour la bonne et simple raison qu'aucun propriétaire ne louerait et ou ne vendrait un appartement à un chômeur !!! C'est tellement gros qu'on se demande qui paie cet homme pour alimenter une propagande pareille. Espère-t-il vendre son livre en passant sur TF1 ? En tous cas, d'après le poster dans son salon, c'est un fan de Johnny : on en connaît un autre qui a les mêmes goûts.
L'exemple du couple qui perçoit un RMI de femme seule alors que le mari travaille et est toujours domicilié chez son épouse n'est pas non plus significatif. Certes il y a l'ignorance, mais on voit bien que ce couple tenté par l'abus est en situation de précarité. C'est sur le lit de la précarité et de la pauvreté que les abus se forment. On le voit bien avec les témoignages des faux chômeurs qui ont acheté un "kit Assedic" à
un patron fictif (lui, ses raisons sont l'appât du gain).
Pour en revenir à la CAF - où l'accent était mis sur les fraudes au RMI et à l'API -, le cas de cette jeune femme RMIste "aidée par ses parents" et menant bon train n'a pas été l'occasion de dire que beaucoup de familles aisées perçoivent en toute légalité des allocations familiales alors qu'elles peuvent s'en passer.
Le violent contrôle URSSAF dans une entreprise de domiciliation de sociétés, nid à coquilles vides, lit de la fraude industrielle, était relativement honnête. Mais il aurait pu prendre une dimension plus objective en précisant que les contrôleurs de l'URSSAF et de l'Inspection du travail sont bien moins nombreux pour faire leur travail que les contrôleurs du service public de l'emploi qui sanctionnent drastiquement ou radient aveuglément les chômeurs. La "culture du contrôle" sévit plus largement sur les privés d'emploi que sur les employeurs malfaisants, une injustice que personne ne remet en question.
Côté "absentéisme abusif", aucune remise en question du climat des entreprises, des conséquences de la dépression ou du harcèlement moral. On nous dit que les arrêts maladie coûtent chaque année 7 milliards d'euros à la Sécurité sociale, mais on ne compare pas ce montant avec les parachutes dorés d'
un Noël Forgeard ou d'un Serge Tchuruk, qui ont licencié des milliers de salariés (sauf tout à la fin où, en conclusion, Charles Villeneuve en a touché deux mots).
On a suivi un médecin œuvrant pour un contrôleur privé (plutôt âgé d'ailleurs : pourquoi ce "plus que senior" n'a-t-il pas pris sa retraite ?)... Alors qu'il contrôlait - à la demande de l'employeur - un manutentionnaire ayant des douleurs au bras, il a estimé que son arrêt n'était pas justifié et lui a demandé de reprendre son travail dès le lendemain, un samedi, jour où il y a le plus de marchandises à porter ! On frise le scandale quand il dit à cet homme... qu'il n'a qu'à changer de métier !!! Pourtant, son médecin traitant a expliqué ensuite pourquoi il l'avait, à juste titre, arrêté. Mais on a eu droit à la "connivence entre le patient et son médecin traitant" : les médecins apprécieront ! Ce passage mémorable nous dévoile dans quel climat nous évoluons : la suspicion permanente, la délation, la stigmatisation, le degré zéro de la pensée... et de l'information.