Ballade Pirelandaise

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Modérateurs : superuser, Yves

Ladybug

Ballade Pirelandaise

Message par Ladybug »

Chômeurs
Enfants de la balle !


Ni nomade ni sédentaire, le chômeur quitte l’espace humain. Il fait plus que remonter la chaîne alimentaire, il régresse dans les règnes : d’humain, il rebondit (déjà)… au-dessus du règne animal, pour rejoindre directement le règne végétal. Végétal comme la gomme dont on fabrique les balles et les ballons. Malléable afin de « tenir la route » en tant que pneu ; élastique comme chacun sait, mais quand même assez résistant aux chocs.
La principale qualité exigée du Chômeur étant sa capacité à « rebondir », voici le récit d’un voyage. Celui d’une transmutation de l’être humain, en chemin vers sa métamorphose. Afin qu’en cas d’échec, il puisse encore se servir de lui-même comme gomme, et s’effacer… sans faire d’histoires !


Savoir rebondir
Mon statut, ma fonction c’est d’être « demandeur d’emploi ». C’est du moins ainsi que je suis tolérée dans le système. Pas vraiment « partie prenante » ni même « partie donnante », plutôt « parti pris » d’une Société qui a oublié son Projet, ou préfère l’oublier pour cause d’intérêts supérieurs. Dont on connaît le camp, celui du « parti-prix » justement.
Je suis donc traitée comme « lieu de la demande » dans ces espaces de tolérance que sont les Agences Nationales Pour l’Emploi. Déjà détrônées par des officines privées important leurs savoirs-faire d’Outre-Atlantique, d’Outre-Manche, voire d’Australie (le « savoir-rebondir » d’une espèce animale nous fait remonter d’un règne vers l’humanité !), et ayant su prendre leur part du marché de la main-d’œuvre française.
Ce qui garantit bien une certaine efficacité, provenant et mise au service d’un seul et même esprit (ultra-libéral). Puisqu’au jour d’aujourd’hui, tous les court-circuitages possibles et imaginables sont mis en place afin d’empêcher l’émergence de tout autre type de société. Ainsi fonctionne le « principe de réalité », un des mantras préférés du Medef, dont l’esprit schizophrénique affiche simultanément ses intentions de « ré-enchanter le monde ». On se demande qui est passé par là pour le désenchanter, si ce n’est ce même « principe de réalité » qu’ils nous rabâchent avec la ferveur de vrais prédicateurs.
Formules incantatoires servant de manipulation mentale massive, avec les mêmes moyens et résultats que pour ces enfants maltraités, dont une image populaire évoque les restes de maltraitance : « ils ont été bercés trop près du mur ! »
La batte de base-ball dans une main c’est le « principe de réalité », la barbe-à-papa dans l’autre main comme compensation aux mauvais traitements, c’est l’engagement à « ré-enchanter le monde ».
Ainsi sommes-nous balancés toujours plus près du mur du « principe de réalité », et tendrement récompensés (d’avoir pris des coups !) par les promesses de ré-enchantement du monde.
Jeu ô combien pères-vers de ces Décideurs qui nous imposent ce qu’ils ont en réalité décidé et choisi pour eux-mêmes : la garantie de rémunérations exonérées de toutes limites et de trains de vie exponentiels. Au nom du « principe de réalité », le plus grand nombre voit ses revenus descendre bien en dessous du minimum de survie pendant que les rémunérations d’un très petit nombre sont prises d’une fureur exponentielle. Ce qui est en fait le vrai « Principe » de la réalité imposée, et que l’on essaie toujours de nous montrer sous la forme d’une image afin que jamais ne se pose la question du Choix de la Société que l’on veut construire et des valeurs que l’on souhaite préserver.
Là où doit se poser la question du Choix, s’affichent au contraire tous les slogans orientant massivement vers la voie unique ultra-libérale. Vrai tohu-bohu où les Annonceurs se battent pour rivaliser d’inventions, mêlant la militance, mai 68, ou toutes autres valeurs révolutionnaires dans la promotion de leurs produits industriels.

T’as pas cent balles…
pour les pauvres du Medef ?!

Je suis donc traitée comme « lieu de demande d’emploi », à condition d’avoir su adapter mon profil à une parcelle du « marché de l’emploi » où j’aurais droit ( ?) à un salaire en échange de cette allégeance faite aux besoins socio-économiques : télé-démarchages, métiers de la vente… et toutes ces autres capacités pros dont le simple citoyen que je suis souffre de devoir endurer l’agression systématique là aussi en voie d’explosion exponentielle.
Alors qu’il y aurait lieu à cet endroit même d’être indemnisé pour « préjudice subit », il nous faut renoncer au simple droit de se défendre. Afin d’éviter les « dérives à l’américaine », nous sermonne la Présidente du Medef elle-même. Encore le fameux « principe de réalité », arboré avec une « charge humaniste » dans le ton aussi forte que la main du « touche pas à mon pote ».
Cette « dérive américaine » qu’est en soi le système ultra-libéral nous est imposé au nom du « principe de réalité », avec la prime (au capital) de nos droits à la défense aliénés, afin d’éviter les « dérives à l’américaine » des class-actions. Et ce toujours au nom du même « principe de réalité », mais avec un zeste de moralité pour… les intérêts de l’Entreprise (enfouissons au passage les très petites et moyennes entreprises (TPE, PME) au milieu des Très grosses entreprises).
Si ça n’est pas dans-le-texte le système ultra-libéral si magnifiquement défini par Noam Chomsky, comme l’art « de privatiser les profits et les bénéfices, tout en socialisant les coûts et les risques », alors renonçons définitivement à notre capacité de penser nos vies.
Et nous mériterons vraiment les abattoirs vers lesquels nous sommes guidés, afin que l’on apprenne à vendre nos meilleurs morceaux.
Le propre des Décideurs (politiques ou de l’entreprise… de type industrielle), est de savoir se servir de leurs deux mains, avec la batte de base ball dans l’une et la barbe-à-papa dans l’autre.
Le Demandeur d’emploi est devenu ces dernières années Objet de toutes les attentions, afin que l’on quitte au plus vite non pas le lieu de l’exclusion, mais celui du « nombre des demandeurs d’emploi ». Ainsi les baisses miraculeuses (normal au royaume des « enchanteurs-du-monde ») de chômeurs avancées par tous les experts-ès-écrans.
Ceci, c’était bien sûr avant le crack financier et ses 25.000 milliards de dollars partis en fumée. Depuis, toutes les attentions se sont tournées vers le sauvetage des banques et des banquiers (en fait, la priorité était la même avant la crise, elle était alors revendiquée au nom de l’Argent décomplexé…).
N’importe qui ayant encore quelques « parts du cerveau » encore disponibles pour son propre usage et non celui des Annonceurs ou leurs « passe-plats » favoris du petit écran, peut s’interroger sur les nombres statistiques de chômeurs : combien de départs à la retraite, combien de disparus dans les « camps de formation », congés-maternité… combien de licenciements actuels, annoncés ou prévisibles ?....
Mais les techniciens de cette gigantesque Société-écrans qu’est devenue la société dans ses capacités extrêmes déployées à « faire écran » de toutes réalités non conformes à ce qu’elle prétend, sont là pour veiller à tordre suffisamment les informations, afin que l’image de la société ainsi distillée corresponde aux décrets.

Le Demandeur d’emploi est l’Objet par excellence, qu’il s’agit de pouvoir recycler et ré-injecter dans les circuits économiques. Où l’on doit prouver sa responsabilité par la mise à l’épreuve de soi en tant qu’unité de production, et sa citoyenneté par sa capacité à consommer.
Suffit pour cela de vouloir et savoir Rebondir

Les métiers de la balle
Nous avons la batte de base ball pour nous motiver à « rebondir » sur le marché.
Le style plus échangiste voire intimiste de Roland Garros : renvoyé de l’un à l’autre puis de l’autre à l’un, l’essentiel est de jouer dans la partie jusqu’à ce qu’elle soit gagnée. Et elle le sera de toute façon, avec ET sans vous. Les ramasseurs de balles sont là pour assurer le turn over.
Plus prestigieux et version moderne du Peplum : la balle-people, la balle VIP, celle qui concentre à la fois le plus d’attention populaire et le maximum d’intérêts chez tous les annonceurs. Celle qui rebondira dans cette grande partouze sportive manifestant si bien les valeurs du marché : où l’essentiel est de gagner contre…. !

Mais tout cela dans d’infinies civilités et un total pacifisme, alors que le football est le foyer qui concentre et génère la plus extrême violence. Celle de l’arène et surtout du Symbole bafoué.
Version luxueuse mais aussi obscène : le gazon des green de Golf.
Last but not least : la boule de loto ! La cerise sur le gâteau. Cette petite cerise dont tout gagnant fait la douce expérience. Cette si douce petite cerise qui a un goût si prononcé de poires… des millions qui ont joué pour perdre !

Destins enviables des « enfants de la balle » que nous sommes tous, là où l’on nous somme de savoir rebondir afin de répondre aux enjeux de la Mondialisation. Enjeux grâce auxquels les quelques plus grosses fortunes planétaires préservent le développement durable de leurs trains de vie exponentiels !!
Destins glorieux qui feront des envieux, parmi tous ceux qui ne réussissent pas à faire rebondir cette putain de balle… qu’ils se sont logés dans la tête, pour s’être approchés trop près du but sans doute ?! Cet espace en nos cerveaux qui est cette « part » disponible à leurs intentions, et qu’ils nous somment de faire travailler au bénéfice de leurs intérêts.

Si vous ne laissez pas cet espace de votre cerveau disponible, vous serez quand même assuré d’un rôle à vos mesures. Nouveau matin des magiciens qui préparent «la France d’après », avec une armée d’ingénieurs et d’experts dans l’art de « tirer des profits » par tous les moyens. En nous sommant à toujours plus de flexibilité et de précarité, ils nous laissent une voie de sortie.
Et à nous la chance d’un vrai destin digne de leurs meilleures affiches publicitaires : « Si vous ne savez pas où vous logez, logez-vous… une balle dans la tête » ! Vous contribuerez de surcroît à réduire le chômage parmi les « médecins légistes ».

En tant que balle, vous aurez su rebondir jusqu’à cette place de cerveau disponible, où les « enchanteurs-du-monde » savent faire fructifier la substance de leurs destins : 5500 milliards de dollars de destruction planétaire, ça n’est après tout que la valeur du franc symbolique dans le monde des fortunes illimitées. Le « Vivant n’a pas de prix », mais une fois les enchanteurs et leurs activités ultra-libérées de toute contrainte passés par là, le Vivant n’a plus cours, sauf en bourse .
Si les 5500 milliards de dollars sont le prix (financier seulement !!!!) des activités dîtes « de valorisation humaine » sur notre seul environnement, à combien se chiffrent les dégâts sur l’homme lui-même. Qu’importe, quand des fortunes et des intérêts tous supérieurs sont en jeu.

La place est occupée !
Dans le royaume-uni des « enchanteurs du monde », la « place de cerveau disponible » est en fait toujours occupée.
Soit par les Annonceurs de Pub (fils de pute), soit par la balle que vous vous serez tiré dans la tête si vous avez un peu de sens civique ou par « la force des choses » si vous n’en avez aucun.
Si ce sens civique minimal vous fait défaut, des tueurs à gage s’en chargeront à votre place. Ils ont pour nom : « Principe de réalité », « Mondialisation », « Culture du résultat », « Efficacité », « Compétitivité »…
Comme quoi la société ultra-libérale vous libère même de votre liberté : ou vous jouez la « fosse septique » pour les besoins des Annonceurs afin d’assurer leurs trains de vie et leur accroissement exponentiel, ou vous mettez une croix sur votre Vie à vivre.

Les chômeurs sont les vrais enfants de la balle… En vertu de La Mondialisation, avec la Loi de la jungle comme mode d’application des Droits de l’homme, organisant les sociétés à travers le monde selon la plus grande injustice sociale possible. Parfois, vous serez figurant dans l’un de leurs shows civilisés de la dite jungle : balle s’offrant au pied de qui veut bien lui donner des coups et finissant avec le joueur en « zone de relégation », jusqu’au prochain match.

Au XXIème siècle, on n’achève plus les chevaux !


La Ballade Pirelandaise est inspirée de La Stratégie du Choc (Naomi Klein)... A laquelle j'ai trouvée une variante en La Stratégie du Pire.
Ce procédé permet de reconduire un ordre des choses profondément aliénant pour qui est ainsi aliéné au nom d’intérêts supérieurs. La partie de la société spoliée est mise sous emprise, par la vertu du chantage au pire.
Faire passer quelque chose d’inacceptable en présentant un objectif bien pire que celui qui sera finalement accepté, mais qui est très précisément… Inacceptable. Qu’importe, puisque l’inacceptable est ainsi passé. Depuis son élection, Nicolas Sarkozy n’a jamais eu d’autre stratégie que celle-ci. La preuve par sa propre candidature aux Présidentielles de 2012.
Balade chantée par les habitants du Pire-Land : à moitié Pirée, à moitié empire du... pire. Optimiste, néanmoins... la Balade! Exhortation à secouer les mors restés coincés en nos mâchoires.

Si ce genre d'article (personnel) n'a pas sa place ni dans la rubrique ni dans le forum, il sera toujours temps de me le dire.
maguy

Re: Ballade Pirelandaise

Message par maguy »

Si c'est votre prose Ladybug, je dis bravo !

Votre ressenti(ment), Superuser a mis en ligne pas mal d'articles et de chroniques de livres dont voici ici un lien

Il y a des trésors dans les liens de pages d'accueil.
mabulle

Re: Ballade Pirelandaise

Message par mabulle »

belle plume en effet
bienvenue ladybug
Ladybug

Re: Ballade Pirelandaise

Message par Ladybug »

Ben merci à Maguy et Mabulle.
Mais vous avez lu ma "prose" quasiment plus vite que je ne l'ai éditée sur le site.
Pour Maguy, mon ressenti... ment ?
C'est surtout de la colère : mélange d'une rage et d'un regard sur ce qui est collectivement donné à vivre.
j'ai du temps n'est-ce pas...? Et écrire exorcise quelques démons, mais pas tous.
Et merci à Mabulle pour ses paroles de Bienvenue.
Mais en dehors de l'aspect "belle plume", il n'y a pas un peu-beaucoup de vrai là dedans ????
Je vais de ce pas cliquer sur le lien donné par Maguy.
bebert

Re: Ballade Pirelandaise

Message par bebert »

Bravo. Sur la forme comme sur le fond, j'ai aimé. Merci.

La colère ? mais que doit on faire d'une colère que l'on doit toujours réprimer ?
Mentor
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Re: Ballade Pirelandaise

Message par Mentor »

Bravo !

J'ai aimé le sens des mots et la profondeur du texte...

Ma lecture a été au-delà de l'article voulu pour y découvrir la souffrance exprimée...

Bienvenue ici ! Bon courage pour l'ailleurs !

Tu as toute ta place ici et ailleurs :wink:
"A chacun de faire sa part..."
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