Participation et actionnariat salarié
Extraits :
M. GODEFROY. – Aujourd'hui, ce n'est plus seulement un projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié que nous examinons, c'est aussi un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et social… ou plutôt antisocial. (On feint l'étonnement à droite.) Ce changement de titre illustre la dénaturation du texte au cours de son examen à l'Assemblée nationale et, surtout, au Sénat, par la multiplication des cavaliers introduits à l'initiative du gouvernement et de la majorité. J'espère que le Conseil constitutionnel saura l'apprécier.
L'équilibre trouvé par les partenaires sociaux au sein du Conseil supérieur de la participation est rompu ; certaines organisations syndicales sont aujourd'hui très amères, je les comprends. Ce sont systématiquement les amendements inspirés par le Médef qui sont adoptés ; désormais l'objectif de ce texte, c'est de flexibiliser les salaires, de capter l'épargne des salariés au profit de l'entreprise et de réduire la concertation.
Les socialistes se sont toujours montrés favorables à la participation tant qu'il s'agit de procurer aux salariés des ressources supplémentaires, de renforcer le dialogue social et de sécuriser les dispositifs d'épargne. Ce n'est pas cette perspective que vous avez choisi mais plutôt celle de la flexibilisation, de l'individualisation des rémunérations, et de l'affaiblissement de la concertation.
L'introduction de la notion de dividende du travail change profondément le sens de la rémunération des salariés. Vous créez de manière pérenne une part de salaire variable et aléatoire, qui pourra être plus importante que le salaire fixe. Vous faites ainsi disparaître la garantie constitutive du salariat pour mettre en place une rémunération fondée sur le partage par le salarié des risques de son entreprise.
La réintégration des déficits antérieurs, d'abord ceux de la dernière puis des trois dernières et finalement des cinq dernières années, proprement scandaleuse, n'a pour objet que de priver les salariés de participation ; s'il s'agissait vraiment de permettre à des entreprises ayant connu un déficit de reconstituer leurs fonds propres avant d'être tenues de verser à nouveau de la participation, cette disposition aurait dû au moins s'accompagner de l'interdiction de verser des dividendes aux actionnaires et toute prime de résultats aux dirigeants de l'entreprise pendant la même durée ; il n'y a pas de raison que les uns ne touchent rien pendant que les autres continuent à percevoir des bonus.
M. Charles GAUTIER. – Exact.
M. MUZEAU.
[...]
Malgré les efforts de communication des rapporteurs de l'Assemblée nationale gênés par les mesures sans lien avec ce texte, nous nous opposons aux dispositions du titre III qui touchent au cœur du Code du travail. Après un large débat au cours duquel les rapporteurs de l'Assemblée nationale nous ont dit combien ils regrettaient de n'avoir pas été suivis par le gouvernement dans leur volonté de recentrer le texte sur son objet principal mais à l'issue duquel ils ont accepté, « par souci de pragmatisme », la position de la majorité sénatoriale et du gouvernement, la commission mixte paritaire a entériné le rétablissement de nombreuses dispositions supprimées par les députés et les ajouts du Sénat, comme le temps de déplacement professionnel des salariés agricoles, la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises ou les règles de décompte des effectifs. Il s'agit surtout de sécuriser la situation des employeurs en revenant sur des jurisprudences jugées trop favorables aux salariés.
Le gouvernement a également tenté de nous faire avaler la pratique désormais habituelle des cavaliers. Pourtant, le jour même où l'Assemblée nationale acceptait ce passage en force sur le titre III, le projet de loi modernisant le dialogue social était inscrit à son ordre du jour. Ainsi, au mépris de notre Constitution et de la principale disposition du texte cher au Président de la République sur le dialogue social, le gouvernement a une fois de plus imposé sans discussion de nouvelles modifications du Code du travail. Ces pratiques sont inacceptables.
Ainsi, l'article 30A modifiant le dispositif applicable aux activités prud'homales est particulièrement choquant car il permet au gouvernement de publier un décret forfaitisant leur rémunération. Une telle réforme est unanimement contestée par les élus salariés des conseils des prud'hom-mes. L'intersyndicale, que j'ai reçue hier, considère que cette disposition réduirait le temps et les moyens dont ces magistrats disposent pour rédiger leurs décisions, motiver les jugements et ordonnances, et porterait gravement atteinte à leur fonction mais aussi aux droits des justiciables. À ce risque d'une justice au rabais s'ajoute celui d'une fragilisation des salariés conseillers face à leurs employeurs. Vous voudriez déstabiliser l'institution prud'homale que vous ne vous y prendriez pas autrement ! Tout doit être fait pour éviter de mettre en cause le fonctionnement paritaire des conseils de prud'hommes. Il est de votre responsabilité, madame la Ministre, de renouer le dialogue avec l'ensemble des organisations syndicales pour que soient réexaminés les termes de ce décret. Hier, par courrier je vous ai demandé de bien vouloir supprimer l'article 30A. Je regrette vivement que vous n'ayez pas jugé opportun de satisfaire ma demande qui aurait permis de réexaminer ce décret. Au nom de l'intersyndicale, je vous demande de bien vouloir envisager une nouvelle rencontre pour remettre à plat ce dossier. Les syndicats espèrent que vous ne resterez pas sourde à leur attente.
Ce texte a été présenté pour répondre aux attentes du Médef et M. Dassault a même estimé qu'il permettrait « d'en finir avec la lutte des classes ». Bigre ! Hélas, l'actualité doit donner bien des soucis à Mme Parisot et à M. Dassault, et c'est tant mieux ! Les salariés réclament plus de pouvoir d'achat, des emplois durables, et des milliers de femmes souhaitent que soit mis un terme au temps partiel imposé, aux horaires décalés et aux disparités de salaires entre elles et les hommes. Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements à gauche.)
La discussion générale est close.
Les articles premier A à 21 bis sont réservés.
Je ne sais pas comment cela fonctionne... il y a d'abord un examen à l'Assemblée Nationale suivi du vote du projet de la loi puis une discussion au Sénat.
En tout cas, voilà ce qu'il se prépare en haut lieu.
On peut aussi remarquer en lisant les discussions l'implication de M. Dassault dans ce dossier.