Le forfait-jour des cadres sur la sellette

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Modérateurs : superuser, Yves

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Le forfait-jour des cadres sur la sellette

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Petit rappel...

En 2000, la loi Aubry, plus connue sous le nom de loi des 35 heures, fait naître une curieuse appellation : le forfait jour. Il ne s'agit pas d'un larcin à commettre chaque jour mais d'une offre législative dédiée aux cadres, ceux qui sont autonomes (capacité à faire) dans leur travail, à défaut d'être indépendants (capacité à décider) dans les tâches à accomplir.

En 2005, une modification permet aux assimilés cadres de bénéficier de cette loi : le forfait jour. Pour cela, ils devront l'accepter. Nous oublierons le fait que celui qui n'est pas d'accord à peu de chance de voir son emploi se transformer et sa carrière évoluer : c'est ce que l'on peut appeler une "obligation implicite".

Qu'est-ce que c'est exactement que le forfait jour ?

Le nombre de jours travaillés par an ne peut dépasser 218 jours et depuis la loi du 20 août 2008, cette limite atteint 235 jours si le salarié renonce à des jours de repos, et à 282 jours si l'accord le prévoit. Au-delà de 218 jours, le salaire est majoré d'au moins 10%.

Mais les durées minimales de repos s'appliquent :

11 heures par jour

35 heures consécutives par semaine.

Soit un temps de travail maximal de 78 heures. Vous avez dit la loi des 35 heures ?

Résultat :

Certains cadres se sont vus en dindons et se demandent comment bénéficier des heures supplémentaires... Quand un désaccord ne trouve pas de solution à l'amiable, le conseil des Prud'hommes est saisi. Puis, un appel si le désaccord continue, la Cour de cassation et ses fameuses jurisprudences met un terme au conflit, sauf si toujours plein d'entrain après des années de procédures, notre cadre souhaite faire intervenir le Tribunal européen...

Un cadre parmi d'autres a choisi ou a du choisir la voie des Prud'hommes pour faire respecter ses droits de salariés d'après lui. Après avoir saisi le conseil des Prud'hommes puis fait appel, il en est au recours à la Cour de cassation qui va devoir s'interroger sur la légalité (léicité) du forfait jour. L'ironie de la loi Aubry fait qu'en passant au forfait jour, cela interdit le décompte des heures et donc le calcul des heures supplémentaires. CQFD !

Cela pourrait s'apparenter à un camouflet pour la loi Aubry ou à une modification de la loi pour le bien-être au travail des cadres. La décision sera rendue cet été.

http://www.interim-emplois.com/article- ... 94557.html


Maintenant, l'actualité...

Temps de travail des cadres : la Cour de cassation pourrait invalider le forfait-jour

La Cour de cassation se penche mercredi sur le forfait-jour qui permet de rémunérer des cadres sans se baser sur leurs horaires hebdomadaires. En le jugeant illicite, elle pourrait provoquer un "tsunami financier pour les employeurs".

En invalidant ce dispositif, la Cour ouvrirait en effet une brèche pour plus d'1,5 million de cadres et salariés itinérants (11,6% des salariés à temps complet), qui pourraient réclamer le paiement d'heures supplémentaires sur les cinq dernières années, le délai de prescription. Pour Christophe Noël, avocat en droit du travail, une telle décision "serait dramatique pour les employeurs", Roger Koskas, avocat en droit social, y voyant un "coup de tonnerre" tandis que sa consœur Anne Boileau prédit "un véritable tsunami financier pour les employeurs".

La Cour a été saisie par un cadre qui réclame le paiement de ses heures supplémentaires, et avait été débouté aux Prud'hommes puis en appel au motif qu'il était impossible de quantifier lesdites heures.

Le forfait-jour, introduit par les lois Aubry sur les 35 heures en 2000 et étendu en 2008, permet de rémunérer les salariés en fonction du nombre de jours travaillés par an, évitant de rémunérer les dépassements horaires au tarif majoré d'une heure supplémentaire. En tenant compte du repos légal, le salarié peut travailler jusqu'à 13 heures par jour six jours sur sept, soit 78 heures par semaine et 235 jours par an.

Ce forfait a été jugé contraire à la Charte sociale européenne par le Comité européen des droits sociaux (CEDS) du Conseil de l'Europe à plusieurs reprises, en raison d'une "durée excessive du travail hebdomadaire autorisé". La décision du CEDS n'est "pas une décision contraignante, mais elle a quand même une certaine valeur normative", a expliqué Roger Koskas.

La Cour de cassation, dont la décision pourrait être mise en délibéré, peut donc se contenter de confirmer ou infirmer la décision de la cour d'appel, mais elle pourrait aussi invalider le dispositif.

Pour Me Noël, cela reviendrait à ouvrir "la boîte de Pandore", car "cela veut dire que n'importe quel cadre demain peut revendiquer le paiement des heures supplémentaires". "Si les forfaits-jours sont illégaux, cela signifie que les cadres retombent dans le droit commun, c'est-à-dire un paiement d'heures supplémentaires à partir de la 36e heure", a expliqué de son côté Cyril Wolmark, professeur de droit du travail à l'université Lyon-II. "Tous les cadres pourraient donc demander rétroactivement des rappels de salaires ou de repos compensateur", a-t-il indiqué.

Mais, a ajouté M. Wolmark, "les cadres auront du mal à prouver leurs horaires de travail" et il ne devrait pas y avoir un "déferlement des contentieux". Anne Boileau, avocate au cabinet Jones Day, estime toutefois qu’"il sera plus facile pour les salariés d'apporter la preuve que pour l'employeur de démontrer que ces heures n'ont pas été faites", y voyant "la voie ouverte à des tas de recours". "Cela va être très très onéreux", estime l'avocate qui doute que "beaucoup de petites entreprises aient les moyens d'avoir des cadres dont elles vont payer chaque heure supplémentaire" au-delà de la 36e heure.

Les experts soulignent néanmoins que la Cour pourrait "moduler" sa décision dans le temps, pour permettre aux employeurs de s'adapter ou y "mettre des réserves".

"Je ne peux pas croire qu'elle va invalider dans son principe tout le système du forfait-jour", estime Anne Boileau. Pour l'avocate, une invalidation irait d'ailleurs "beaucoup plus loin" que ce que réclame le CEDS qui veut un meilleur encadrement mais ne remet pas en cause le principe même du forfait.

http://www.lesechos.fr/economie-politiq ... 173344.php
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Re: Le forfait-jour des cadres sur la sellette

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Re: Le forfait-jour des cadres sur la sellette

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La chambre sociale de la Cour de cassation a mis en délibéré au mercredi 29 juin sa décision dans l'affaire du forfait-jour.

L'audience, qui s'est tenue en début d'après-midi, n'aura duré en fait que 15 petites minutes, montre en main. Le rapporteur de la chambre sociale a exposé les faits, non sans rappeler les multiples avis rendus par le Comité européen des droits sociaux contre le forfait-jour. Manière, à peine déguisée, de suggérer à la Cour de se saisir de la question de sa licéité par rapport au droit européen. L'avocat général a quant à lui suggéré à la chambre sociale de ne répondre qu'aux questions qui lui étaient posées (le cas en l'espèce) et surtout pas à celle qui ne l'était (la validité du forfait-jour), et ce malgré les articles de presse l'invitant à le faire. "Il serait sage d'en rester là", a-t-il argué. Et si jamais la chambre était tentée de le faire, il lui a alors conseillé de reporter le débat, ne serait-ce que parce que les parties présentes n'avaient pas été invitées à répondre à la question de la licéité du forfait-jour. Les seuls mémoires qu'il a reçu ces derniers jours, a-t-il précisé légèrement agacé, émanent de l'entreprise IMV Technologies (l'ex-employeur qui attaque en cassation) et du... Medef. La Cour s'est ensuite réunie à huis-clos, pendant 45 minutes, pour débattre du dossier.

Au final, on saura donc le 29 juin si la chambre sociale se saisit ou non de la question de la licéité du forfait-jour. Et si, dans le cas positif, elle rend son jugement sans attendre, ou si elle reporte sa décision de plusieurs mois après avoir demandé leur avis aux parties prenantes. Le gouvernement va pouvoir souffler pendant trois semaines...

http://blog.lefigaro.fr/social/
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La Cour de cassation invite à revisiter le statut cadre

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La haute juridiction a précisé hier les «raisons objectives» pouvant justifier une différence de traitement entre cadres et non-cadres dans une convention collective.

Le simple fait d'avoir le statut de cadre justifie-t-il un traitement différent des autres salariés en matière de congés, d'indemnités de licenciement ou de prévoyance ? Non, a jugé la Cour de cassation dans un arrêt de février 2008. Cette règle vaut aussi lorsque ces différences de traitement sont consignées dans un accord collectif, a-t-elle ajouté en juillet 2009, conduisant certains à annoncer la mort du statut.

Si cette spécificité bien française est menacée, la Cour de cassation affirme dans deux arrêts rendus hier ne pas vouloir l'enterrer. Elle y livre le mode d'emploi de sa survie juridique, qui sera cependant assez délicat à mettre en œuvre. Il va en effet contraindre les branches et les entreprises à se lancer dans un véritable travail d'orfèvre, afin de s'assurer de rester dans les clous juridiques.

La haute juridiction avait déjà déclaré que les différences de traitement entre cadres et non-cadres ne sont pas interdites, mais qu'elles doivent être justifiées par une «raison objective dont le juge doit pouvoir contrôler la réalité et la pertinence». Elle a précisé hier «les contours» du contrôle par le juge lorsque l'«inégalité résulte de l'application de dispositions conventionnelles négociées». La chambre sociale, qui précise dans son communiqué qu'elle a organisé des «échanges avec les représentants des organisations patronales et syndicales» avant de décider, «admet», en cas d'accord collectif, «que la différence de traitement puisse être justifiée par une différence de catégorie professionnelle». Mais elle y fixe ses conditions : cette différence n'est valable «dès lors qu'elle a pour but de prendre en compte, notamment - la liste n'est pas limitative -, les spécificités des conditions d'exercice des fonctions des uns et des autres, l'évolution de leurs carrières respectives ou les modalités de leurs rémunérations».

« Spécificités »

Cette analyse a conduit la Cour de cassation à casser partiellement hier un arrêt de cour d'appel, qui avait contraint Novartis Pharma à régler à un de ses salariés promu cadre un rappel de prime d'ancienneté versée aux assimilés cadres, jugeant qu'il aurait fallu aux juges «rechercher si la différence de traitement résultant de la convention collective de l'industrie pharmaceutique [...] n'avait pas pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation de chacune de ces deux catégories».

Dans la seconde affaire jugée, qui concerne un calcul d'indemnités de préavis et de licenciement, la chambre sociale a jugé que la cour d'appel de Paris aurait dû elle aussi s'interroger sur les raisons de la différence de traitement entre cadres et non-cadres inscrite dans une autre convention collective, celle du BTP en région Ile-de-France, pour donner une «base légale à sa décision».

http://www.lesechos.fr/economie-politiq ... 174183.php
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Re: Le forfait-jour des cadres sur la sellette

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La Cour de cassation a choisi l'apaisement en ne remettant pas en cause la validité du forfait-jour qui concerne plus d'1,5 million de salariés, mais a fixé de nouvelles bornes au dispositif en donnant raison au cadre qui l'avait saisie.

Alors qu'une invalidation du forfait-jour était redoutée, ce qui aurait eu des conséquences financières et juridiques considérables, la Cour s'est prononcée sur le cas précis du salarié qui réclamait le paiement de ses heures supplémentaires et avait été débouté aux prud'hommes puis en appel. Elle a jugé que son employeur n'avait pas respecté un accord de branche, ce qui privait "d'effet la convention de forfait en jours conclue", et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris pour établir le nombre d'heures supplémentaires concernées.

"Cette décision ne remet pas en cause la validité du système de forfait-jour", a souligné la Cour.

Pour des experts en droit du travail interrogés par l'AFP, l'arrêt est "une décision de bon sens".

En cas d'invalidation, il aurait en effet fallu revoir la législation, mais aussi toutes les conventions collectives signées depuis 11 ans prévoyant le recours à ce régime qui permet de rémunérer surtout des cadres en fonction du nombre de jours travaillés par an, sans décompte horaire hebdomadaire. Tous les employés concernés auraient également pu réclamer le paiement d'heures supplémentaires sur les cinq dernières années, le délai de prescription.

L'invalidation était crainte, car le forfait a été jugé contraire à la Charte sociale européenne par le Comité européen des droits sociaux (CEDS) du Conseil de l'Europe à plusieurs reprises en raison d'une "durée excessive du travail hebdomadaire autorisé". Concrètement, ce régime introduit par les lois Aubry sur les 35 heures en 2000, et étendu en 2008, définit uniquement le temps de repos légal, ce qui fait que le salarié peut travailler jusqu'à 78 heures par semaine, là où le code du travail prévoit 48 heures maximales.

Pour Nataline Fleury, avocate au cabinet Ashurst, l'arrêt "est la solution idéale pour tout le monde", car "le forfait-jour est validé", mais qu'"en revanche, les situations d'abus seront sanctionnées". "C'est un grand soulagement pour la plupart des employeurs", a renchéri Déborah David, avocate au cabinet Jeantet Associés, saluant "une décision de bon sens". "La Cour n'a pas créé une insécurité juridique, dans le sens où elle n'a pas considéré que le système en tant que tel était illégal au regard de la législation européenne", a-t-elle souligné. Mais, a relevé l'avocate, "la Cour a tout de même fixé des limites pour mettre un terme aux abus" et "il y en a certains qui vont se retrouver sur la sellette".

Pour Mme Fleury, là où la Cour "change un peu son fusil d'épaule", c'est qu'elle dit pour la première fois : "Attention, les situations d'abus pourront donner lieu au versement des heures supplémentaires et non plus des dommages et intérêts". La juriste Anne Boileau, qui évoque aussi "un soulagement", y voit "un coup de semonce" aux employeurs : "Attention, quand vous ne respectez pas les mesures protectrices du salarié, (...) vous risquez de lui verser des heures supplémentaires, parce qu'on va considérer que le forfait-jour n'est pas applicable".

La CFE-CGC souligne que "toute convention de forfait qui ne respecterait pas les garde-fous (...) se verra privée d'effet et donnera lieu au paiement d'heures supplémentaires", et FO Cadres regrette que "le statu quo demeure" mais prévient que l'arrêt est "loin de clore le débat engagé".

Le Medef s'est félicité que le forfait-jour reste valide, soulignant qu'il "répond au mode d'organisation des entreprises".
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