Chronique d'un torturé.

Réagir sur l'actualité ou la vie quotidienne, faire part de son humeur, lancer un débat... Ce forum généraliste est dédié à tous les thèmes qui vous préoccupent (en dehors des Dossiers ci-dessous).

Modérateurs : superuser, Yves

Répondre
NicolasT

Chronique d'un torturé.

Message par NicolasT »

Bienvenue dans l'armée industrielle de réserve. J'attaque ma cinquième année de chômage et je ne sais pas de quelles façons je vais vivre ses prochaines semaines.
C'est pas que je suis un feignant, d'ailleurs j'ai récemment travaillé chez les SPPS. Mais si vous savez bien, anciennement les NMPP, le syndicat du livre, la distribution de la presse. Là, vous y êtes. Ils ont récemment fait parler d'eux, brocarder comme il se doit par les médias et par l'idéologie dominante pour une grève des plus légitimes. Nous avons perdu une trentaine de poste et la possibilité d'embaucher des CDD.
Pour ma part je suis au RSA et après réévaluation de l'indemnité par rapport aux salaires touchés. Je me retrouve depuis deux mois ainsi que pour les trois prochains avec 120 euros d'indemnités seulement. Hummm!!!
J'avoue que je n'en peux plus. Je me débrouille mal. Mais voilà. Je trouve absurde de chercher du travail. Qu'on m'en donne et tout ira bien. Mais ça ne marche pas comme ça. C'est au travailleur de se faire valoriser avec un profil meilleur que ceux des autres. Comme si nous étions des marchandises. C'est insupportable!
Voilà mon message, comme une bouteille à la mer. Si quelqu'un a une quelconque idée ou même une proposition. Je suis sur Paris et j'ai du talent inutilisé, c'est quand même dommage!
Quoi qu'il en soit. Ici comme ailleurs, la lutte continue.
jolicoeur

Re: Chronique d'un torturé.

Message par jolicoeur »

Non, je n'ai aucune solution miracle à te proposer.


Nous en sommes tous là, hélas.

Oui, ca a un côté absurde de se vendre comme une marchandise. Malheureusement, c'est comme ça que ce monde (fou...) marche.

Oui, le gâchis énorme des compétences de chacun plombe tous les jours un peu plus notre économie.

Oui, régulièrement, le moral tombe tout en bas des chaussettes. Et c'est si dur de remonter.

Saches que tu n'es pas tout seul... Si seulement, nous pouvions enfin tous sortir de notre coquille et nous montrer... Peut-être saurions nous alors entendus ?

Courage !
maguy

Re: Chronique d'un torturé.

Message par maguy »

Effectivement, tu soulignes toute l'absurdité du système.
C'est au travailleur de se faire valoriser avec un profil meilleur que ceux des autres.
Ce n'est plus ça du tout : si tu n'as pas le piston nécessaire, ils recherchent le "meilleur" profil, c'est à dire le moins cher et le plus servile.

Alors, on peut se fustiger, battre sa coulpe et se répandre des cendres sur la tête, cela ne changera rien. Inutile de se dévaloriser soi-même en plus. Chacun de nous a sa valeur. C'est ce que je me répète depuis bien plus de 10 ans. Et il s'agit encore moins de ne pas se dire "pas fainéant", cela ressemble trop à l'anathème qu'on nous martèle depuis des siècles afin de nous accorder le droit de vivre.

Je ne crois pas que les rentiers-héritiers se culpabilisent autant.
BillBoquet

Re: Chronique d'un torturé.

Message par BillBoquet »

Juste quelques mots pour te dire, moi aussi, que tu n'es pas seul. Même si c'est pas ça qui met le beurre dans les épinards. La fréquentation de ce forum m'a au moins permis de me déculpabiliser, ce qui n'est pas rien. Courage !!!
NicolasT

Re: Chronique d'un torturé.

Message par NicolasT »

Culpabiliser? Pourquoi devrions nous culpabiliser? Le chômage est systémique au capitalisme. Nous sommes utiles à l'exploitation et à la concurrence entre les salariés, à la fois sur la manière de monnayer sa force de travail mais aussi sur ses rapports à la hiérarchie.
J'ai lu ici et là comme une fierté d'être chômeur. Comme tu le dit jolicoeur: « Si seulement, nous pouvions enfin tous sortir de notre coquille et nous montrer... »... Quand tout les pauvres s'y mettront! :-) Je suis milles fois d'accord!
Mais...Qu'on t'il donc tous avec le travail? Pour quelles raisons cherchent t'ils obstinément à exister par celui ci? Remarquez, lorsque nous rencontrons quelqu'un. La question sur ce qu'il fait dans la vie tombe systématiquement. On existe alors par rapport à sa situation professionnel!?!!? Devons nous tomber dans cette logique? Nous sommes des Hommes et non des chiens!

Enfin moi je dit ça...moi je dit rien, hein!
superuser
Messages : 13116
Inscription : 29 juin 2004
Localisation : Paris

Re: Chronique d'un torturé.

Message par superuser »

NicolasT a écrit :Culpabiliser? Pourquoi devrions nous culpabiliser? Le chômage est systémique au capitalisme...
La majorité des gens l'ignore. C'est pourquoi Actuchomage existe : pour que les victimes du chômage comprennent ces mécanismes.
f.ecken

Re: Chronique d'un torturé.

Message par f.ecken »

Bonjour,
Sûr que vous n'êtes pas le seul, mais si ça soulage un peu, ça n'enlève pas grand chose à la souffrance, pas vrai? Du moins dans l'immédiat. Mais ça viendra plus tard, en son temps, après un cheminement.
Mais peut-être qu'un peu d'histoire (simplifiée et qui remonte à 20 ans seulement), pour comprendre comment on en est arrivés là...
Avant la création du RMI, les pouvoirs publics laissaient entendre que le chômage était conjoncturel : une période à durée limitée avec une situation de crise temporaire qui générait du chômage.
Au moment de la création du RMI, il y eut une prise de conscience (populaire) que le chômage n’avait plus rien de conjoncturel mais qu’il était structurel. Ainsi, les personnes sans emploi ni ressource l’étaient du fait de la structure sociale qui ne parvenait plus à fournir des emplois pour tous. Au moment de la création du RMI, cette idée était majoritaire. La cause de la pauvreté était sociale.
Et puis, les temps ont changé, et l’inversion de la charge de la preuve est arrivée. L’idée s’est lentement imposée que ce n’est pas la société, mais chacun d’entre nous qui est responsable de sa situation. Conséquence de l’individualisme, de la responsabilisation de chacun, du néolibéralisme, de la société de consommation... La personne sans ressource ne l’est plus du fait de la société, mais de son fait. La cause de la pauvreté, du chômage, n'est plus sociale, mais personnelle.
De là est née une plus grande suspicion envers les personnes percevant les aides sociales. De là est né un retrait des pouvoirs publics dans le social. De là vient une croyance que chacun doit pouvoir trouver un emploi, et chaque décideur met la pression sur les prestataires de services (CAF, Pôle Emploi, Conseil Général) pour œuvrer dans ce sens. Et chaque prestataire de service, en cascade, répercute la pression sur ses employés, sur les associations, sur les allocataires.
Inverser la charge de la preuve évite aux pouvoirs publics de reconnaître leur impuissance face à un chômage structurel, évite à la société de prendre en charge ceux qu'elle met à la marge, en bref, donne bonne conscience à certaines catégories. Elle a en outre l'avantage de faire en sorte que la personne concernée se sente coupable et fasse profil bas. Enfin, elle ferme le clapet à tous ceux qui voudraient demander plus à un travail.
Je ne parle pas d'un complot, mais d'une idéologie dominante qui a lentement basculé, à laquelle nous partipons tous, et qui est passée d'une idéologie de solidarité (simplifions) à une idéologie néolibérale. Et comme toute idéologie, elle ne s'installe pas grâce à une personne seule ni même à un groupe... Les classes dirigeantes, leur discours libéral, relayé par les média, notre attitude consommationniste, peut-on dire "l'air du temps"? C'est comme si tout se contractait dans cette direction.
Sans que cela n'apaise la souffrance des chômeurs, on peut constater que l'inversion de la charge de la preuve (qui enlève la responsabilité sociale pour la renvoyer sur les personnes) touche désormais les malades, les personnes âgées, les pauvres, les SDF (quoique ces deux catégories étaient déjà maltraitées avant), les jeunes, j'en passe.
Des recettes pour renverser la vapeur? C'est un mouvement mondial (du moins dans le monde technologiquement avancé) donc difficile d'y avoir prise à titre individuel.
Mais "Si tu ne peux pas changer le monde, change ton regard sur lui" disait je ne sais plus quel penseur. Alors pourquoi pas changer notre vision du monde. Le travail n'est pas indispensable, il est tout juste utile à gagner sa vie. Pour le reste, la reconnaissance sociale, l'existence sociale, il y a d'autres mondes que celui du travail. Le monde familial, privé, associatif, amical... Ce n'est pas ce qui manque.
Le travail n'est pas tout, dans une vie. Peut-on dire que quelqu'un a réussi sa vie s'il a seulement réussi son ascension professionnelle? Bien sûr que non! Alors ne nous focalisons pas sur le travail, et sachons regarder tout ce qui nous entoure et peut nous construire, nous fortifier, nous permettre de vivre.
Ouvrons les yeux, c'est ça, la vie!
f.ecken
Invité

Re: Chronique d'un torturé.

Message par Invité »

Des recettes pour renverser la vapeur? C'est un mouvement mondial (du moins dans le monde technologiquement avancé) donc difficile d'y avoir prise à titre individuel.
Oui c'est difficile, l'Argent étant notre dieu à (presque) tous ; une des recettes c'est la décroissance. On y est forcé quand on est en situation financière précaire, et on peut en garder de la graine quand la situation s'améliore.
Et il y a des gens qui ne sont pas en mauvaise situation et qui décident de travailler moins, en consommant moins et en vivant plus.
La décroissance et un développement différent, c'est essentiellement refuser la croissance pour la croissance, la surproduction pour vendre moins cher, donc l'exploitation des travailleurs jusqu'à la mort, leur remplacement par des lignes automatisées, des robots et des serveurs vocaux, la délocalisation etc...
Il faut obtenir que l'origine précise de ce que nous achetons soit indiquée clairement. A ce moment on pourra vraiment agir individuellement pour commencer à changer le monde. Voyez ce qui se passe avec le label Max Havelaar, par exemple.
tristesir

Re: Chronique d'un torturé.

Message par tristesir »

Voyez ce qui se passe avec le label Max Havelaar, par exemple.
Ce n'est pas un label. Qui contrôle quoi dans les produits qui sont estampillés Max Havelaar? (on trouve des produits estampillés de la sorte dans certains fast food et supermarchés pour pauvres) C'est devenu un argument de vente et il est difficile de savoir si cela a profité à ceux qui ont vraiment produit (quid des journaliers et autre travailleurs précaires invisibles dans la production?)

PS:
Je suis en phase avec ce qu'écrit F.Ecken.
Dernière modification par tristesir le 03 févr. 2011, modifié 1 fois.
maguy

Re: Chronique d'un torturé.

Message par maguy »

Voyez ce qui se passe avec le label Max Havelaar, par exemple
Heuuu... c'est qui ? :? C'est quoi ?
tristesir

Re: Chronique d'un torturé.

Message par tristesir »

Heuuu... c'est qui ? :? C'est quoi ?
Tu connais sûrement.
Un étiquetage censé garantir qu'un produit est issu du <<commerce équitable>>. Le problème est de savoir pour qui il est équitable? Le proprio de l'entreprise, les journaliers? les employés?

Référence:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Max_Havela ... #Critiques
maguy

Re: Chronique d'un torturé.

Message par maguy »

Non, je ne connaissais pas :oops:

Un peu comme les produits bio, tout le monde s'engouffre dedans et je suis plutôt dubitative, alors le marché "équitable" je n'y crois pas non plus.

Si les grandes enseignes commençaient à baisser leurs marges sur ces dits produits, ce ne serait pas une bonne idée ?
Invité

Re: Chronique d'un torturé.

Message par Invité »

Ce qu'est le commerce équitable, et quelle est l'action de l'asso Max Havelaar ?
http://www.maxhavelaarfrance.org/Le-com ... le-en-neuf
tristesir

Re: Chronique d'un torturé.

Message par tristesir »

Non, je ne connaissais pas
Félicitations Maguy, tu as réussi le test: tu n'est pas une "bobotte" 8)
maguy

Re: Chronique d'un torturé.

Message par maguy »

Oh que non ! :D
D'ailleurs, je suis systématiquement contre les modes qui n'est qu'une façon de nous modeler l'esprit pour faire consommer plus et surtout plus cher. Je prends certains produits bio, mais le commerce équitable, je n'y crois pas.
Répondre