Potosí, pour ne pas oublier
Publié : 12 août 2010
Dans l'actualité télévisée, alors qu'une grève générale paralyse la ville depuis 15 jours, on ne parle que des pauvres touristes occidentaux (dont des Français, cocorico…) bloqués là-bas. On en a vus tenter de gagner l'aéroport le plus proche dans des minibus en pleine nuit afin de tromper les barrages routiers puis revenir, deux heures plus tard, la queue entre les jambes. Dieu merci, ces globe trotters ont l'air jeunes, fringants, bien logés, bien nourris, et ne subissent pas de violences.
Mais pas un mot sur les causes de cette grève. Ou alors, juste une phrase évasive par-ci par là.
Déjà, en France, les conflits sociaux ne sont pas le fort des médias à la solde du gouvernement : il faut en faire beaucoup pour qu'ils s'y mettent (séquestrer son patron, menacer de faire sauter son usine…). Alors, pensez-vous : parler des mineurs boliviens......
Non : seul le sort de nos compatriotes, assez riches pour voler jusque là-bas et malencontreusement "pris en otages" par la plèbe locale, les intéresse. Ça fait de chouettes reportages.
Pourtant, Potosí est un haut lieu de l'histoire du monde occidental.
C'est grâce à Potosí qu'il a (bien mal) acquis sa suprématie.
Potosí est une ville extrêmement pauvre de 165.000 habitants, située à 500 km au sud de La Paz. Perchée à 4.070 m d'altitude, c'est l'une des plus hautes du monde.
Elle a été créée en 1545 par les colons espagnols au pied du Cerro Rico : une fabuleuse montagne de minerai d'argent qui la domine de ses 4.824 m. Depuis quatre siècles et demi, la convoitise et l'exploitation de l'homme par l'homme font son ordinaire.
C'est grâce à l'argent de Potosí que l'Espagne (qui l'a colonisée trois siècles durant), puis l'Europe toute entière se sont enrichies. C'est avec cet argent (les pièces de monnaie étaient fabriquées sur place) que le capitalisme a vu le jour en Europe, puis dans le monde. Et le précieux métal était extrait par le travail forcé des Indiens (la mita : travail obligatoire non payé) dans des conditions abominables (allez creuser à 4.000 mètres d'altitude !). Tandis que les mines étaient exploitées par les autochtones, l'éprouvant travail du métal était assuré pour l'essentiel par des esclaves venus d'Afrique.
Des millions en sont morts (éboulements, accidents, épuisement…), et continuent à se rendre malades (problèmes respiratoires liés aux poussières et aux gaz toxiques…) en mâchant des feuilles de coca pour ne pas sentir la fatigue et la faim, l'intense chaleur du dedans et le froid mordant du dehors.
Quand les Espagnols - puis les Argentins - sont enfin partis, l'état bolivien naissant a reprit les rênes en 1825. Mais rien n'a changé : les conditions de travail sont restées les mêmes, avec un salaire (ridicule) en plus. Aujourd'hui, chaque jour, ils sont 8.000 à 10.000 à s'enfoncer dans les entrailles de la terre dès l'âge de 12 ans pour extraire de l'étain, du zinc et du plomb contre une misère. Leur espérance de vie moyenne est de 45 ans.
Aujourd'hui, l'exploitation n'est plus rentable car les prix de vente ont chuté. L'état bolivien s'est pratiquement retiré, laissant le soin aux mineurs de s'auto-exploiter. Comme ils n'ont pas le choix, c'est ce qu'ils font en s'organisant en coopératives. A leurs têtes, on retrouve une poignée de mineurs plus riches ou plus malins qui réussissent encore à réaliser quelques bénéfices sur le dos d'une légion de pauvres bougres.
Seul fait notoire que nous retenons de la Bolivie : l'assassinat de Che Guevara le 8 octobre 1967, alors que le pays était gouverné par la dictature militaire du général René Barrientos, soutenue par les Etats-Unis.
Depuis, plus rien. Sauf l'élection du président Evo Morales, en 2005, qui avait fait naître beaucoup d'espoir. On devine qu'il est grandement déçu, puisque "le comité gréviste potosino unissant syndicats, secteur privé mais aussi élus locaux", en a visiblement après lui. Il demande au gouvernement bolivien "des investissements locaux" : un aéroport international, une route...
Si quelqu'un en sait plus ?
Mais pas un mot sur les causes de cette grève. Ou alors, juste une phrase évasive par-ci par là.
Déjà, en France, les conflits sociaux ne sont pas le fort des médias à la solde du gouvernement : il faut en faire beaucoup pour qu'ils s'y mettent (séquestrer son patron, menacer de faire sauter son usine…). Alors, pensez-vous : parler des mineurs boliviens......

Non : seul le sort de nos compatriotes, assez riches pour voler jusque là-bas et malencontreusement "pris en otages" par la plèbe locale, les intéresse. Ça fait de chouettes reportages.
Pourtant, Potosí est un haut lieu de l'histoire du monde occidental.
C'est grâce à Potosí qu'il a (bien mal) acquis sa suprématie.
Potosí est une ville extrêmement pauvre de 165.000 habitants, située à 500 km au sud de La Paz. Perchée à 4.070 m d'altitude, c'est l'une des plus hautes du monde.
Elle a été créée en 1545 par les colons espagnols au pied du Cerro Rico : une fabuleuse montagne de minerai d'argent qui la domine de ses 4.824 m. Depuis quatre siècles et demi, la convoitise et l'exploitation de l'homme par l'homme font son ordinaire.
C'est grâce à l'argent de Potosí que l'Espagne (qui l'a colonisée trois siècles durant), puis l'Europe toute entière se sont enrichies. C'est avec cet argent (les pièces de monnaie étaient fabriquées sur place) que le capitalisme a vu le jour en Europe, puis dans le monde. Et le précieux métal était extrait par le travail forcé des Indiens (la mita : travail obligatoire non payé) dans des conditions abominables (allez creuser à 4.000 mètres d'altitude !). Tandis que les mines étaient exploitées par les autochtones, l'éprouvant travail du métal était assuré pour l'essentiel par des esclaves venus d'Afrique.
Des millions en sont morts (éboulements, accidents, épuisement…), et continuent à se rendre malades (problèmes respiratoires liés aux poussières et aux gaz toxiques…) en mâchant des feuilles de coca pour ne pas sentir la fatigue et la faim, l'intense chaleur du dedans et le froid mordant du dehors.
Quand les Espagnols - puis les Argentins - sont enfin partis, l'état bolivien naissant a reprit les rênes en 1825. Mais rien n'a changé : les conditions de travail sont restées les mêmes, avec un salaire (ridicule) en plus. Aujourd'hui, chaque jour, ils sont 8.000 à 10.000 à s'enfoncer dans les entrailles de la terre dès l'âge de 12 ans pour extraire de l'étain, du zinc et du plomb contre une misère. Leur espérance de vie moyenne est de 45 ans.
Aujourd'hui, l'exploitation n'est plus rentable car les prix de vente ont chuté. L'état bolivien s'est pratiquement retiré, laissant le soin aux mineurs de s'auto-exploiter. Comme ils n'ont pas le choix, c'est ce qu'ils font en s'organisant en coopératives. A leurs têtes, on retrouve une poignée de mineurs plus riches ou plus malins qui réussissent encore à réaliser quelques bénéfices sur le dos d'une légion de pauvres bougres.
Seul fait notoire que nous retenons de la Bolivie : l'assassinat de Che Guevara le 8 octobre 1967, alors que le pays était gouverné par la dictature militaire du général René Barrientos, soutenue par les Etats-Unis.
Depuis, plus rien. Sauf l'élection du président Evo Morales, en 2005, qui avait fait naître beaucoup d'espoir. On devine qu'il est grandement déçu, puisque "le comité gréviste potosino unissant syndicats, secteur privé mais aussi élus locaux", en a visiblement après lui. Il demande au gouvernement bolivien "des investissements locaux" : un aéroport international, une route...
Si quelqu'un en sait plus ?