Potosí, pour ne pas oublier

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Modérateurs : superuser, Yves

superuser
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Potosí, pour ne pas oublier

Message par superuser »

Dans l'actualité télévisée, alors qu'une grève générale paralyse la ville depuis 15 jours, on ne parle que des pauvres touristes occidentaux (dont des Français, cocorico…) bloqués là-bas. On en a vus tenter de gagner l'aéroport le plus proche dans des minibus en pleine nuit afin de tromper les barrages routiers puis revenir, deux heures plus tard, la queue entre les jambes. Dieu merci, ces globe trotters ont l'air jeunes, fringants, bien logés, bien nourris, et ne subissent pas de violences.

Mais pas un mot sur les causes de cette grève. Ou alors, juste une phrase évasive par-ci par là.
Déjà, en France, les conflits sociaux ne sont pas le fort des médias à la solde du gouvernement : il faut en faire beaucoup pour qu'ils s'y mettent (séquestrer son patron, menacer de faire sauter son usine…). Alors, pensez-vous : parler des mineurs boliviens...... :roll:

Non : seul le sort de nos compatriotes, assez riches pour voler jusque là-bas et malencontreusement "pris en otages" par la plèbe locale, les intéresse. Ça fait de chouettes reportages.

Pourtant, Potosí est un haut lieu de l'histoire du monde occidental.
C'est grâce à Potosí qu'il a (bien mal) acquis sa suprématie.

Potosí est une ville extrêmement pauvre de 165.000 habitants, située à 500 km au sud de La Paz. Perchée à 4.070 m d'altitude, c'est l'une des plus hautes du monde.

Elle a été créée en 1545 par les colons espagnols au pied du Cerro Rico : une fabuleuse montagne de minerai d'argent qui la domine de ses 4.824 m. Depuis quatre siècles et demi, la convoitise et l'exploitation de l'homme par l'homme font son ordinaire.

C'est grâce à l'argent de Potosí que l'Espagne (qui l'a colonisée trois siècles durant), puis l'Europe toute entière se sont enrichies. C'est avec cet argent (les pièces de monnaie étaient fabriquées sur place) que le capitalisme a vu le jour en Europe, puis dans le monde. Et le précieux métal était extrait par le travail forcé des Indiens (la mita : travail obligatoire non payé) dans des conditions abominables (allez creuser à 4.000 mètres d'altitude !). Tandis que les mines étaient exploitées par les autochtones, l'éprouvant travail du métal était assuré pour l'essentiel par des esclaves venus d'Afrique.

Des millions en sont morts (éboulements, accidents, épuisement…), et continuent à se rendre malades (problèmes respiratoires liés aux poussières et aux gaz toxiques…) en mâchant des feuilles de coca pour ne pas sentir la fatigue et la faim, l'intense chaleur du dedans et le froid mordant du dehors.

Quand les Espagnols - puis les Argentins - sont enfin partis, l'état bolivien naissant a reprit les rênes en 1825. Mais rien n'a changé : les conditions de travail sont restées les mêmes, avec un salaire (ridicule) en plus. Aujourd'hui, chaque jour, ils sont 8.000 à 10.000 à s'enfoncer dans les entrailles de la terre dès l'âge de 12 ans pour extraire de l'étain, du zinc et du plomb contre une misère. Leur espérance de vie moyenne est de 45 ans.

Aujourd'hui, l'exploitation n'est plus rentable car les prix de vente ont chuté. L'état bolivien s'est pratiquement retiré, laissant le soin aux mineurs de s'auto-exploiter. Comme ils n'ont pas le choix, c'est ce qu'ils font en s'organisant en coopératives. A leurs têtes, on retrouve une poignée de mineurs plus riches ou plus malins qui réussissent encore à réaliser quelques bénéfices sur le dos d'une légion de pauvres bougres.

Seul fait notoire que nous retenons de la Bolivie : l'assassinat de Che Guevara le 8 octobre 1967, alors que le pays était gouverné par la dictature militaire du général René Barrientos, soutenue par les Etats-Unis.

Depuis, plus rien. Sauf l'élection du président Evo Morales, en 2005, qui avait fait naître beaucoup d'espoir. On devine qu'il est grandement déçu, puisque "le comité gréviste potosino unissant syndicats, secteur privé mais aussi élus locaux", en a visiblement après lui. Il demande au gouvernement bolivien "des investissements locaux" : un aéroport international, une route...

Si quelqu'un en sait plus ?
superuser
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Re: Potosí, pour ne pas oublier

Message par superuser »

Trouvé sur le site d'Arrêt sur images (il paraît qu'une @sinaute est/était coincée aussi là-bas…) :
@si a écrit :"Le comité civique de Potosi réclame au pouvoir central toute une série de mesures qu'il considère indispensables au développement de sa région, la plus pauvre du pays, détaille le correspondant en Bolivie du Point sur le site du magazine. Parmi ces demandes, la construction d'une route, d'un aéroport, d'un gazoduc ou encore la réactivation d'une importante mine d'étain. Mais le sujet le plus sensible est celui d'un conflit de limites entre la région de Potosi et celle d'Oruro. Les deux régions se disputent depuis des années un territoire censé contenir de riches ressources minières et qui pourrait donc rapporter de juteuses royalties." Une situation tendue dans un contexte général de vive opposition entre Morales, élu en 2006 et réélu en 2009, qui incarne volontiers le peuple amérindien, et les gouverneurs des riches provinces, dominées par l'élite traditionnelle, qui contestent son autorité et souhaitent renforcer le fédéralisme dans le pays.

Les manifestants bloquent les routes arrivant et partant de Potosi, dont l'axe reliant la ville à l'Argentine. Dans un premier temps, le président a accusé le maire de Potosi (de gauche), qui est un de ses opposants (alors que la région est acquise à Morales), de s'activer derrière les manifestants. Mais le conflit est, semble-t-il, très populaire : dans la nuit de mardi à mercredi, une manifestation a réuni près de 100.000 personnes et a donné lieu à quelques violences. Selon l'AFP, le gouverneur de la province a été pris à partie et le domicile d'un vice-ministre du gouvernement a été attaqué avec une charge explosive. Depuis, le pouvoir cherche le dialogue en s'appuyant sur le calendrier : ce vendredi 6 août, la Bolivie fêtait son 185e anniversaire, et la date symbolique a fourni un prétexte tout trouvé au gouvernement pour appeler à l'apaisement, comme l'explique par exemple le journal bolivien La Razon. Mais les négociations sont au point mort.
http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=8841

On n'est pas plus avancés sur les causes profondes de ce conflit (sinon qu'on est encore dans une affaire de sous), mais bon... :?
superuser
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on dirait que ça chauffe...

Message par superuser »

Trouvé sur Rue89, Bolivie : comment le goût du pouvoir est venu aux Indigènes (daté du 31 juillet 2010, donc tout frais…)

En fait, si je comprends bien, Evo Morales a plein de concurrents ! :lol:
Et le problème, c'est que son parti (le MAS, qui est l'un des nombreux partis indigènes) est soupçonné d'être "infiltré par l'élite" et que la population, du coup, commence à lui tourner le dos.
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