Ces inégalités dont on ne parle jamais
Publié : 24 avr. 2006
ARTICLE DE MARIANNE
N°470 du 22 avril au 28 avril 2006
C'est à vous, les égaux moins égaux que les autres, que
s'adressent ces lignes. Vous les trop gros, vous les mains moites, vous les blondasses bêtasses, les trop petits, les timides, les trop petits, les trop vieux ...Vous, nous, chacun à sa façon.
Ce mal-être qui fait marcher en canard le candidat dès qu'il entre dans la pièce pour l'entretien d'embauche, ce truc insidieux, qui écarte d'avance le prénomé Kevin ( trop populo) pour avantager François Xavier ( présumé bourgeois), ce regard qui juge l'obèse avant qu'il ait même ouvert la bouche.
Tout se passe comme si l'égalité de tous les citoyens, devant la loi, garantie par la constitution ne suffisait plus à cerner les rancoeurs et les souffrances qui ressortent chaque fois qu'on écoute les gens. Il y a des petites inégalités qui minent le destin de chacun.
La république la constitution et toutes les autorités de lutte contre les discriminations n'y peuvent rien.
En france, remarque le sociologue Jean françois amadieu, ces sujets sont tabous. Ce n'est pas chic, pas assez intellectuel, pas sérieux de parler de l'apparence des individus, de leur corps, de la destinée. En 2000, amadieu s'était même demandé s'il allait publier sous un pseudo son premier livre sur les apparences " le poids des apparences, beauté, amour, gloire " (odile jacob ). Six ans plus tard il recidive avec " les clefs du destin", où il traque avec une curiosité renouvellée les incontournables particularités qui handicapent ou, au contraire, favorisent chaque destinée.
"Certes, écrit il, il n'est pas glorieux de constater que l'une des origines des inégalités réside tout bonnement dans l'apparence des individus. C'est pourtant la vérité : notre corps, notre visage, nos vetements, notre allure générale jouent un rôle essentiel dans notre destinée.
D'une autre manière, François Humblot, le patron de l'un des plus gros cabinet de recrutement ne dit pas autre chose : " Depuis la crise des banlieues en novembre, l'atmosphère a complètement changé dans le monde du recrutement. Plus personne n'osera demander aujourd'hui comm on le faisait couramment " un homme, entre 30 ans et 40 ans ..." c'est sexiste et anti vieux donc interdit par la loi. Mais l'on demandera encore moins " un Européen" : c'est raciste. Aujourd'hui on définit le poste à pourvoir sans critère d'âge, ni d'ethnie, ni de sexe. La philosophie c'est que seules comptent les compétences. Il n'empêche qu'on recrute quelqu'un dans sa globalité. Tout compte, en fait, pour le recrutement, y compris l'apparence et la façon de se présenter. Inutile de se cacher derrière son petit doigt."
Une expérience, présentée dans la plus prestigieuse revue de sociologie américaine ( american journal of sociologie) est absolument fascinante sur l'importance de la beauté dans l'évaluation des capacités de chacun. Cinquante photos d'hommes et de femmes, les uns plus séduisants, les autres carrément repoussants, avaient été retenues. Présentées à des étudiants d'une grande fac sans aucun autre renseignement ni CV, les photos des "plus beaux" entrainèrent des jugements a priori flatteurs : les sujets étaient présumés capables de bien se comporter en toutes circonstances, et même de réussir à un examen de pilote d'avion. Dans un deuxième temps, les mêmes photos étaient accompagnées de CV et des diplômes obtenus par chacun. Loin de bouleverser le classement des étudiants, la beauté était un atout pour devenir pilote d'avion tandis que la laideur entraînait une réelle décote, quels que soient les diplômes présentés.
Amadieu parle alors de l'effet halo. Ce curieux halo qui pousse une assistante à jurer que son patron mesure 1,90m alors qu'il plafonne à 1,70 m à peine.
Ce processus s'applique aussi à l'école. Un panel européen de l'insee ( 2001 ) a montré que le capital beauté, la qualité vestimentaire et les facilités orales de certains enfants multipliaient leurs chances et faisaient souvent inconsciemment craquer leurs professeurs.
La promesse que les qualités professionnelles font la différence dans un entretien d'embauche est une vaste rigolade. Histoire de mathilde : son patron lui avait dit de perdre du poids et de mieux se coiffer si elle voulait éviter un licenciement. Elle se sent donc coupable : sa négligence, son vieillisement, ses kilos en trop. Mathilde a fait appel au cabinet de relooking " la recette du bonheur". Ses patrons l'ont finalement garder à l'accueil de la clientèle.
Le psy boris Cyrulnik évoque drolement le problème des " singes à lunettes cad des petits hommes qui, au premier jour de classe maternelle, doivent affronter le groupe. Le destin du petit à lunettes dépend dès lors de la signification que le groupe va attribue aux lunettes.
N°470 du 22 avril au 28 avril 2006
C'est à vous, les égaux moins égaux que les autres, que
s'adressent ces lignes. Vous les trop gros, vous les mains moites, vous les blondasses bêtasses, les trop petits, les timides, les trop petits, les trop vieux ...Vous, nous, chacun à sa façon.
Ce mal-être qui fait marcher en canard le candidat dès qu'il entre dans la pièce pour l'entretien d'embauche, ce truc insidieux, qui écarte d'avance le prénomé Kevin ( trop populo) pour avantager François Xavier ( présumé bourgeois), ce regard qui juge l'obèse avant qu'il ait même ouvert la bouche.
Tout se passe comme si l'égalité de tous les citoyens, devant la loi, garantie par la constitution ne suffisait plus à cerner les rancoeurs et les souffrances qui ressortent chaque fois qu'on écoute les gens. Il y a des petites inégalités qui minent le destin de chacun.
La république la constitution et toutes les autorités de lutte contre les discriminations n'y peuvent rien.
En france, remarque le sociologue Jean françois amadieu, ces sujets sont tabous. Ce n'est pas chic, pas assez intellectuel, pas sérieux de parler de l'apparence des individus, de leur corps, de la destinée. En 2000, amadieu s'était même demandé s'il allait publier sous un pseudo son premier livre sur les apparences " le poids des apparences, beauté, amour, gloire " (odile jacob ). Six ans plus tard il recidive avec " les clefs du destin", où il traque avec une curiosité renouvellée les incontournables particularités qui handicapent ou, au contraire, favorisent chaque destinée.
"Certes, écrit il, il n'est pas glorieux de constater que l'une des origines des inégalités réside tout bonnement dans l'apparence des individus. C'est pourtant la vérité : notre corps, notre visage, nos vetements, notre allure générale jouent un rôle essentiel dans notre destinée.
D'une autre manière, François Humblot, le patron de l'un des plus gros cabinet de recrutement ne dit pas autre chose : " Depuis la crise des banlieues en novembre, l'atmosphère a complètement changé dans le monde du recrutement. Plus personne n'osera demander aujourd'hui comm on le faisait couramment " un homme, entre 30 ans et 40 ans ..." c'est sexiste et anti vieux donc interdit par la loi. Mais l'on demandera encore moins " un Européen" : c'est raciste. Aujourd'hui on définit le poste à pourvoir sans critère d'âge, ni d'ethnie, ni de sexe. La philosophie c'est que seules comptent les compétences. Il n'empêche qu'on recrute quelqu'un dans sa globalité. Tout compte, en fait, pour le recrutement, y compris l'apparence et la façon de se présenter. Inutile de se cacher derrière son petit doigt."
Une expérience, présentée dans la plus prestigieuse revue de sociologie américaine ( american journal of sociologie) est absolument fascinante sur l'importance de la beauté dans l'évaluation des capacités de chacun. Cinquante photos d'hommes et de femmes, les uns plus séduisants, les autres carrément repoussants, avaient été retenues. Présentées à des étudiants d'une grande fac sans aucun autre renseignement ni CV, les photos des "plus beaux" entrainèrent des jugements a priori flatteurs : les sujets étaient présumés capables de bien se comporter en toutes circonstances, et même de réussir à un examen de pilote d'avion. Dans un deuxième temps, les mêmes photos étaient accompagnées de CV et des diplômes obtenus par chacun. Loin de bouleverser le classement des étudiants, la beauté était un atout pour devenir pilote d'avion tandis que la laideur entraînait une réelle décote, quels que soient les diplômes présentés.
Amadieu parle alors de l'effet halo. Ce curieux halo qui pousse une assistante à jurer que son patron mesure 1,90m alors qu'il plafonne à 1,70 m à peine.
Ce processus s'applique aussi à l'école. Un panel européen de l'insee ( 2001 ) a montré que le capital beauté, la qualité vestimentaire et les facilités orales de certains enfants multipliaient leurs chances et faisaient souvent inconsciemment craquer leurs professeurs.
La promesse que les qualités professionnelles font la différence dans un entretien d'embauche est une vaste rigolade. Histoire de mathilde : son patron lui avait dit de perdre du poids et de mieux se coiffer si elle voulait éviter un licenciement. Elle se sent donc coupable : sa négligence, son vieillisement, ses kilos en trop. Mathilde a fait appel au cabinet de relooking " la recette du bonheur". Ses patrons l'ont finalement garder à l'accueil de la clientèle.
Le psy boris Cyrulnik évoque drolement le problème des " singes à lunettes cad des petits hommes qui, au premier jour de classe maternelle, doivent affronter le groupe. Le destin du petit à lunettes dépend dès lors de la signification que le groupe va attribue aux lunettes.