Une telle désinformation a forcément un objectif précis.
Elle en a deux, bien distincts.
Le premier est spécifique à la branche. 2001-2004 : éclatement de la bulle Internet, crise des Télécoms, et surtout pression des clients sur la révision des tarifs à la baisse ... Les SSII ont licencié massivement, le plus souvent sans PSE ni suite aux prud'hommes, environ 30.000 informaticiens. Leur image de marque s"en est trouvée profondément dégradée.
D'autant que la réalité des conditions de travail du secteur a enfin commencé à se faire jour. Et les étudiants s'en sont donc détourné : catastrophe pour une profession qui, comme l'a dit Monolecte, consomme essentiellement du JD.
Or, oui, dans certains secteurs (avant tout la grosse artillerie qui permet aux grosses entreprises et aux multinationales de fonctionner - et de délocaliser - et la finance), le marché repart, et génère un turn-over conséquent sur un segment précis : bac+5, <35 ans, Paris, Lyon, PACA, pour être large.
Il y a donc pénurie d'informaticiens peu expérimentés à qui l'on demande en outre, de plus en plus, d'effecter les tâches normalement confiées à des gens d'expérience. Il y a déqualification programmée des métiers, qui ne gêne en rien un patronat qui n'a jamais eu d'autres objectifs qu'à très court-terme.
En fait, il y n'a pénurie que parce que l'
on maintient délibérement 30 à 40.000 informaticiens au chômage.
Je ne crois pas que l'"importation d'informaticiens indiens" soit d'ores et déjà une option, sinon à la marge. Les pays de l'Est sont sans doute un meilleur choix, mais pour l'instant, c'est encore une perspective à quelques années.
Le deuxième mobile est moins évident en apparence. Bien qu'exposé noir sur blanc dans le dernier article de Libé :
Marjorie Philibert a écrit :C'est le seul métier qualifié à être entré cette année dans le fameux classement des dix métiers les plus recherchés.
Les TIC ont toujours été mise en avant comme secteur créant indéfiniment de l'emploi alors qu'elles en détruisent de fait :
Sylvie Craipeau, l'Entreprise Communicante, a écrit :Pour 1 emploi créé sur un projet ERP, 6 sont détruits.
Le vrai problème que l'on cherche à masquer, c'est que si les TIC ne créent pas d'emploi, alors,
il n'y a plus aucun secteur qui crée de l'emploi qualifié.
Raison pour laquelle, bien au delà des préocuppations mesquines du patronant de la branche, qui ne représente que 600.000 emplois environ, dont la moitié seulement pour les SSII, il faut absolument entretenir le mythe de la "pénurie d'informaticiens".
Sans quoi, il faut avouer qu'il ne nous reste alors plus que les fameux secteurs sous tension : le bâtiment, l'hôtellerie, c'est-à-dire, très simplement :
une économie de pays sous-développé. Avec comme cela a toujours été le cas dans ces économies-là, sa caste d'aristocrates riches et puissants, ses inégaltés sociales de plus en plus prononcées, et quand démocratie même il y a, sous très haute surveillance.
On ne le répétera jamais assez : tout ce qui touche aux TIC, entendu au sens large, Informatique ET Télécommunications, comporte des enjeux qui vont bien au delà du seul secteur d'activité. Je ne vois guère que la question du pétrole, qui soit aujourd'hui plus brûlante.