PROJET DE LOI
relatif au contrôle de la validité des mariages,
I. - Dispositions relatives au contrôle de la validité des mariages
La réforme a pour ambition de créer les conditions d'un contrôle plus efficace en matière de mariages, qu'ils soient célébrés en France ou à l'étranger.
Ainsi, s'agissant des mariages contractés en France, il est d'abord proposé de préciser les formalités préalables au mariage, dont l'accomplissement doit permettre à l'officier de l'état civil de saisir en temps utile le ministère public s'il nourrit un doute quant à la validité du mariage envisagé. Par ailleurs, il est également proposé de supprimer le délai de caducité de l'opposition du parquet.
S'agissant des mariages contractés par des ressortissants français à l'étranger, le projet institue un contrôle de validité avant même la célébration du mariage et renforce le contrôle effectué dans le cadre de la procédure de transcription à l'état civil.
Enfin, le projet renforce le dispositif de lutte contre les mariages forcés.
A. - Le contrôle des mariages célébrés en France
La réforme clarifie, d'une part, la chronologie des formalités préalables à la célébration du mariage et renforce, d'autre part, le pouvoir du parquet de s'opposer à celle-ci.
1° Clarification des formalités préalables au mariage
La nouvelle rédaction de l'article 63 du code civil fait apparaître plus clairement la chronologie des formalités préalables à la célébration du mariage : la publication des bans et, en cas de dispense de publication, la célébration du mariage, sont subordonnées aux deux formalités que sont la constitution d'un dossier complet et l'audition des candidats au mariage.
À cet égard, la composition du dossier de mariage est précisée. Il est en particulier prévu explicitement que chacun des futurs époux doit justifier de son identité par une pièce d'identité officielle. En effet, il s'agit là du seul moyen de vérifier avec certitude l'identité du futur époux.
Par ailleurs, l'article 70 est modernisé afin de supprimer la référence aux anciennes colonies et il est désormais prévu que chacun des futurs époux devra produire une copie intégrale de son acte de naissance, celle-ci reprenant l'ensemble des mentions figurant sur l'acte original.
Enfin, pour faciliter les auditions des futurs époux, il est prévu, lorsque l'un d'eux réside à l'étranger, que l'officier de l'état civil pourra déléguer l'agent diplomatique ou consulaire territorialement compétent pour y procéder. Il s'agit ainsi d'éviter que l'éloignement géographique de l'un des futurs époux soit considéré comme un cas d'impossibilité, et donc ne dispense, de procéder à l'audition.
L'accomplissement de ces formalités doit permettre à l'officier de l'état civil de saisir en temps utile le procureur de la République en cas de doute sur la validité du mariage envisagé.
2° Suppression du régime de caducité de l'opposition du ministère public
Actuellement, l'opposition au mariage, faite par le parquet ou les parents, est caduque après un an. Il appartient donc au ministère public de renouveler celle-ci à l'extinction de ce délai.
Or, comme l'indique l'article 175-1 du code civil, aux termes duquel « le ministère public peut former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité », c'est en tant que gardien de l'ordre public qu'il est investi du pouvoir de s'opposer à la célébration du mariage.
Il est donc cohérent que sa décision persiste dans le temps, les candidats au mariage ayant en toute hypothèse la possibilité de saisir le tribunal d'une demande de mainlevée de l'opposition.
C'est pourquoi le projet modifie l'article 176 du code civil afin de prévoir que le délai de caducité d'un an ne s'appliquera pas à l'acte d'opposition du parquet, qui ne cessera de produire effets que sur décision du tribunal.
B. - Le contrôle des mariages célébrés à l'étranger
Le projet remplace les articles 170 et 170-1 du code civil par un dispositif plus complet et plus cohérent.
En effet, la spécificité des mariages des Français ou binationaux franco-étrangers hors de nos frontières impose de créer un nouveau chapitre II bis entièrement consacré à cette question.
Ce nouveau chapitre distingue la phase préalable à la célébration du mariage devant les autorités locales étrangères ou consulaires et la phase de transcription de l'acte de mariage sur les registres de l'état civil français.
1° La célébration du mariage
Le principe figurant actuellement à l'article 170 du code civil selon lequel est valable le mariage contracté à l'étranger entre Français, ou entre un Français et un étranger, n'est pas remis en cause. Il est repris à l'article 171-1 du même code.
Son application demeure subordonnée à une double condition : d'une part, que le mariage ait été célébré selon les formes en vigueur dans le pays de célébration et, d'autre part, que l'époux français se soit conformé aux conditions de fond auxquelles la validité du mariage est subordonnée en droit français.
Par ailleurs, prenant acte du fait que peu de Français se mariant à l'étranger accomplissent auprès du consulat ou de l'ambassade les démarches nécessaires à l'obtention du certificat de capacité à mariage, il est proposé d'élever au rang législatif cette exigence actuellement prévue à l'article 10 du décret n° 46-1917 du 19 août 1946 relatif aux attributions des agents diplomatiques et consulaires.
Le nouvel article 171-2 du code civil prévoit que la délivrance du certificat de capacité à mariage sera subordonnée à deux formalités : l'accomplissement auprès de l'autorité consulaire ou diplomatique des formalités prévues à l'article 63 du même code et la publication des bans, tant au lieu de célébration du mariage qu'au lieu de la résidence, en France ou à l'étranger, du futur conjoint français.
Afin de faciliter la réalisation de l'audition préalable, l'article 171-3 du code civil prévoit un mécanisme de délégation soit à l'officier de l'état civil français, lorsque le futur époux aura sa résidence en France, soit à l'agent consulaire ou diplomatique, en cas de résidence dans un autre pays que celui dans lequel aura lieu la célébration.
Ainsi, le mariage d'un Français à l'étranger sera soumis à des formalités similaires à celles valant pour les mariages célébrés en France.
Le non-respect des formalités prévues à l'article 171-2 du code civil emportera des conséquences quant à la transcription de l'acte de mariage étranger à l'état civil français.
L'accomplissement de ces formalités doit en effet être l'occasion d'un contrôle de la validité a priori du mariage envisagé, au regard des conditions de fond posées par le droit français.
À cet égard, il est d'ailleurs prévu que si l'officier de l'état civil consulaire ou diplomatique estime que le mariage envisagé semble encourir la nullité, il lui appartiendra de saisir le parquet. Ce dernier pourra ainsi s'opposer à la célébration du mariage (article 171-4 du code civil).
Ce pouvoir d'opposition du parquet au mariage d'un Français à l'étranger ne constitue pas à proprement parler une innovation : en effet, en l'état du droit, la généralité de l'article 175-1 du code civil permettrait déjà au procureur de la République d'exercer ce pouvoir.
Toutefois, il est apparu utile de le faire apparaître explicitement et de prévoir selon quelles modalités la décision du parquet sera portée à la connaissance des intéressés, dans la mesure où des conséquences importantes seront désormais tirées de l'opposition au regard de la transcription à l'état civil français de l'acte de mariage étranger.
Afin de tenir compte du caractère d'extranéité de ce mariage et des difficultés qui peuvent en résulter pour effectuer les vérifications nécessaires, le délai dont disposera le Procureur de la République pour se prononcer sur l'opposition est porté à deux mois, au lieu de quinze jours lorsque le mariage est célébré en France.
Le cas échéant, les futurs époux pourront saisir le tribunal de grande instance aux fins de solliciter la mainlevée de cette opposition (article 1-4 et 176 du code civil).
Certes, l'opposition du parquet n'est pas de nature à empêcher une autorité étrangère, indépendante et souveraine, de célébrer le mariage, dès lors que celui-ci apparaît régulier au regard de son droit interne.
Elle aura toutefois pour effet d'informer les futurs époux, avant même la célébration, du fait que leur mariage ne respecte pas toutes les conditions prévues en droit français.
1° La transcription sur les registres de l'état civil français des mariages célébrés à l'étranger
Actuellement, les époux qui se sont mariés à l'étranger peuvent faire produire en France des effets familiaux, successoraux et patrimoniaux à leur mariage, indépendamment de toute transcription à l'état civil.
En effet, aux termes de l'article 47 du code civil, l'acte de l'état civil étranger fait foi, sauf à démontrer qu'il est falsifié ou mensonger.
Seules l'obtention d'un titre de séjour en faveur du conjoint étranger et l'acquisition de la nationalité française nécessitent la transcription préalable du mariage.
L'article 171-5 du code civil prévoit un nouveau dispositif aux termes duquel pour être opposable en France, l'acte de mariage étranger devra avoir été transcrit sur les registres de l'état civil français.
Dans la mesure où seul un acte valable peut être transcrit, cette transcription supposera nécessairement l'examen préalable de la validité du mariage au regard des conditions posées par le droit français.
Il en résultera ainsi un dispositif dissuasif à l'égard des personnes qui entendent se marier à l'étranger en toute connaissance de l'irrégularité de leur démarche. Ces personnes sauront qu'elles ne pourront se prévaloir en France du mariage célébré à l'étranger qu'après avoir fait vérifier sa régularité.
Le dispositif actuel, prévu à l'article 170-1 du code civil, ne permet pas de s'opposer systématiquement à la transcription du mariage en cas de doute sur sa validité au regard du droit français.
En effet, le délai de six mois dont dispose actuellement le procureur de la République pour se prononcer peut se révéler insuffisant pour lui permettre d'obtenir les informations nécessaires, en particulier lorsque les éléments de preuve à rassembler se trouvent à l'étranger.
Il en résulte qu'au cours de ces dernières années des transcriptions de mariages suspectés d'être irréguliers ont été acquises « par défaut », ce qui n'est pas acceptable au vu des conséquences importantes de la transcription en matière de droit au séjour et d'acquisition de la nationalité.
Le seul moyen de s'assurer que tous les actes d'état civil étranger qui seront transcrits à l'état civil français sont valables au regard de notre droit est de mettre fin aux transcriptions « par défaut » en exerçant un contrôle effectif de chacun d'eux.
La réforme propose donc de distinguer entre trois situations selon que l'époux français aura obtenu le certificat de capacité à mariage selon la procédure définie à l'article 171-2 du code civil. Ces trois hypothèses sont visées respectivement aux articles 171-6, 171-7 et 171-8 du même code.
Ainsi, dans le cas où le mariage a été célébré malgré une opposition du ministère public, il ne pourra être transcrit tant que les époux n'auront pas obtenu une décision de mainlevée de l'opposition (article 171-6 du code civil) C'est donc aux époux qu'il appartiendra de saisir le tribunal afin de solliciter la mainlevée de l'opposition. L'audience sera alors l'occasion d'examiner contradictoirement et publiquement les griefs formulés par le ministère public à l'encontre de ce mariage.
Dans les autres cas, l'agent diplomatique ou consulaire examinera, au moment de la demande de transcription du mariage, si les époux avaient sollicité, avant sa célébration, la délivrance du certificat de capacité à mariage.
Lorsque le mariage aura été célébré après obtention du certificat de capacité à mariage, la transcription sera en principe acquise, à moins que l'officier de l'état civil ne décèle, au moment de la demande de transcription des éléments nouveaux permettant de suspecter un cas de nullité. Dans ce cas il devra, après avoir procédé à l'audition des époux, saisir le procureur de la République pour qu'il se prononce sur la transcription du mariage. Dans la mesure où les époux se sont, au moment de la célébration du mariage, soumis aux formalités prescrites par la loi française, la transcription sera acquise six mois après la demande si le procureur de la République ne s'est pas opposé à la transcription dans ce délai.
Au contraire, lorsque le mariage aura été célébré sans que les époux n'aient effectué les formalités prévues à l'article 171-2 du code civil, la demande de transcription donnera lieu à une audition obligatoire des époux par l'autorité consulaire. Si, à cette occasion, cette dernière constate que le mariage encourt la nullité au regard des conditions de fond définies par le droit français, elle devra surseoir à la transcription et saisir le procureur de la République qui aura six mois pour s'opposer à celle-ci ou demander la nullité du mariage. En l'absence de réponse, ou en cas de refus de faire transcrire, les intéressés disposeront d'un recours devant le tribunal de grande instance qui se prononcera sur la transcription (article 171-7).
Ainsi, dans cette dernière hypothèse, en cas de suspicion de nullité du mariage, la transcription ne pourra désormais intervenir que sur décision judiciaire et à l'issue d'une procédure dont l'initiative appartiendra aux requérants.
Il convient de souligner que le transfert de l'initiative de la saisine du tribunal du parquet vers les époux ne s'accompagnera pas d'un renversement de la charge de la preuve : en effet, c'est bien au ministère public qu'il reviendra en toute hypothèse de démontrer l'irrégularité du mariage.
C. - La lutte contre les mariages forcés
Il sera désormais mentionné à l'article 63 que l'officier de l'état civil pourra ne pas procéder à l'audition des futurs époux si celle-ci n'apparaît pas nécessaire au regard des articles 146 et 180 du code civil.
Cette nouvelle référence implique que chaque fois que les premiers éléments recueillis lors de la constitution du dossier de mariage laisseront supposer à l'officier de l'état civil qu'il s'agit d'un mariage forcé, celui-ci devra obligatoirement procéder à l'audition.
Si l'un des futurs époux est mineur, cette audition devra se tenir hors la présence de ses parents et de son futur conjoint. Il s'agit en effet de lui donner la possibilité de s'exprimer en toute liberté.
II. - Dispositions relatives au contrôle de la validité des actes de l'état civil étranger
L'article 47 du code civil, relatif à la force probante des actes de l'état civil faits à l'étranger, a été modifié par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à l'immigration.
Ainsi la valeur probante de ces actes n'est plus absolue et il est devenu possible d'opposer ses doutes sur l'authenticité ou la véracité d'un tel acte. Le projet de loi ne remet pas en cause cet apport essentiel de la réforme de 2003, mais il le précise. La nouvelle rédaction de l'article 47 du code civil permet à tout destinataire d'un acte de l'état civil étranger d'en décider le rejet s'il est irrégulier ou frauduleux et ce, le cas échéant, après toutes vérifications utiles.
La loi de 2003 a également instauré un mécanisme de vérification au profit des administrations, nécessitant l'intervention du procureur de la République de Nantes saisi par l'administré. Ce dispositif est rapidement apparu excessivement complexe et n'a pas produit les résultats attendus.
Dans un souci d'efficacité, une simplification de l'article 47 s'impose par la suppression de ce mécanisme de sursis administratif et de vérification judiciaire.
Un décret d'application instaurera une procédure administrative propre à la vérification, par une administration, des actes de l'état civil étranger, en recourant à la possibilité, offerte par les articles 21 et 22 de la loi du 12 avril 2000 relative aux relations entre les citoyens et l'administration, de déroger par décret au délai actuel de deux mois dans lequel l'administration doit en principe répondre à une demande. En effet, la difficulté liée à l'engagement de vérifications auprès de l'autorité étrangère compétente impose l'augmentation de ce délai.
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Ces dispositions seront d'application immédiate, à l'exception de celles relatives au mariage, qui entreront en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant leur publication.
Dans la mesure où le mariage et l'état civil relèvent de l'état des personnes, les dispositions de ce projet de loi seront applicables de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté à l'Assemblée nationale par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Le petit frustré va s'en donner à coeur-(rabat)joie.