C'était pas mal ! Trop court, mais plein de pistes de réflexion inhabituelles.
Et Giordano a été correcte...
Je résume.
Paul Ariès fut d'emblée radical et cinglant. Il a mis les pieds dans le plat tout de suite en disant que le "travail" est un concept récent. En opposition à l’"opus" (la création et l'intelligence, l'émancipation), le travail tel qu'il est devenu, c'est-à-dire assimilable au "labeur" (machinisme, productivisme et néo-taylorisme aliénants), est érigé en
impératif moral, en
devoir social et en culte. Paul Ariès veut qu'on remette en cause sa centralité,
son utilité, et prône une "révolution anthropologique" qui permette aux individus de trouver un sens à leur vie ailleurs/autrement qu'à travers le travail et le consumérisme, ces deux piliers de notre société (qui, comme un vélo avec ses deux roues, pédale après une "croissance" totalement absurde pour ne pas se casser la figure). Piliers artificiels qui génèrent chez les individus non seulement de la frustration mais une véritable "peur du vide".
Il a cité
l'exemple des Sublimes du 19e siècle.
Il est pour un "revenu garanti" (en opposition au misérable "pouvoir d'achat" qu'on nous propose), pour le droit à la paresse (apprendre à savoir quoi faire de son temps libre), pour la décroissance et le retour à la gratuité. Son slogan est : "Moins de biens, plus de liens !" S'il faut travailler, alors travaillons à fabriquer de l'humain.
Dominique Méda - plus nuancée - était dans son sillage. Elle a rappelé que le "travail" est un concept ambigu et un mot fourre-tout qui ne se limite pas qu'au salariat et à l'entreprenariat (bref, l'emploi). Il y a toutes sortes d’"activités" nobles comme la création artistique, le bénévolat, élever ses enfants, etc… qui n'ont pas une valeur marchande quantifiée mais une valeur hautement civilisationnelle. Elle estime qu'il faut redonner de la place à la vie familiale, amicale, sociale, citoyenne, politique, et que le "travail" ne doit se limiter qu'à la stricte production des besoins réels, point; certainement pas à la gabegie et à course au PIB.
Le philosophe - Daniel Tyradellis, un peu faiblard - a dit deux-trois choses intéressantes. Il a rappelé en passant que la France n'est pas le pays où l'on se met le plus en grève... Pour lui, le travail dans son sens large est un moyen de répondre à notre besoin de reconnaissance - cf pyramide de Maslow - qui n'est pas forcément lié à l'argent et au pouvoir
(ce qui n'est, hélas, plus vraiment le cas du travail au sens "emploi" du terme…), et qu'il participe à la construction de l'identité des individus
(pour peu qu'on ne sache pas qui on est fondamentalement… d'où cette peur du vide chez ceux qui sont au chômage alors que c'est, justement, l'occasion de se connaître un peu mieux !).
Il s'interroge à juste titre sur l'absence de
conception positive autour du "non-travail" dans notre société. Il estime que nous sommes très mal préparés à ne pas utiliser notre temps autrement qu'en travaillant : il a d'ailleurs avoué que lui-même était atteint de cette "peur du vide" puisqu'il n'imagine pas sa vie sans travail et que, rien que d'y penser, ça le fait pleurer !
A l'instar de Dominique Méda, il pense que la forme la plus noble de travail est de s'occuper d'autrui.
Rigolo : à l'utopie du revenu garanti (qui a ses effets pervers selon lui…), il propose qu'on ne se mette à travailler, au sens productiviste du terme, qu'après 40 ans, après avoir fait des enfants et joui de l'existence !
Quant à la Sophie de Menthon de chez les Bisounours, elle a sorti un chapelet de maximes/citations toutes faites pour défendre le capitalisme, l'entreprise, puis vanté le nouveau statut d'auto-entrepreneur

. Elle a reconnu que l'idéal serait de pouvoir choisir son temps de travail, contredisant ainsi sa haine des 35 heures... Puis elle a avoué qu'elle avait l'appât du gain et qu'en réalité, elle ne bossait VRAIMENT que… 3 heures par jour (tu parles : elle fait bosser les autres

). Quelle dinde, celle-là !