Voyons, tu ne dénonces pas les magouilles dans lesquelles tu trempes au risque d'aller toi-même en prison.
Libération vient de sortir un article sur le profil du gars et ça sent de plus en plus l'escroquerie qui a dérapée à cause d'un autre gars qui voulait faire le buzz en tapant sur les chômeurs et les étrangers.
Qui est Mertel B., ce youtubeur qui propose des formations pour frauder l’allocation adulte handicapé ?
par Jacques Pezet
publié le 20 septembre 2023 à 11h22
Dénichée sur YouTube par l’homme politique et influenceur d’extrême droite Damien Rieu, une vidéo montrant un homme répondant au nom de Mertel B. et proposant une formation pour obtenir l’allocation adulte handicapé (AAH) a suscité l’indignation sur les réseaux sociaux. L’homme s’y vante de toucher près de 1 800 euros d’aides sociales «sans rien foutre».
La viralité de cette vidéo, largement partagée depuis lundi 18 septembre, a fait réagir la ministre des Solidarités, Aurore Bergé, qui a annoncé mardi sur X (anciennement Twitter) avoir «immédiatement diligenté un contrôle Cnaf [Caisse nationale des allocations familiales, ndlr] et saisi la MDPH [Maison départementale pour les personnes handicapées]». Aurore Bergé assure qu’en quelques heures, cet individu a été identifié. «Si une fraude est avérée, des poursuites seront immédiatement engagées et les aides indûment perçues recouvrées.»
L’homme, qui propose contre 300 euros une formation pour toucher l’aide sociale destinée aux personnes en situation de handicap, fait valoir sa propre expertise dans le domaine : «Moi je suis handicapé sur le papier. Je vous rassure je suis en très bonne santé, al hamdoulilah, je suis en très bonne santé. J’ai mes jambes, je marche, j’ai mes yeux, je vois, je respire. J’ai fait valoir quelque chose – après je ne vais pas rentrer dans le détail parce que mon dossier médical, je le garde privé. Mais j’ai fait valoir mon handicap, un handicap invisible auprès de la MDPH, qui a reconnu mon handicap et pour lequel je perçois une allocation adulte handicapé.»
Obsédé par l’e-commerce
La « combine » qui permettrait de toucher «931 euros par mois sans rien foutre», selon lui, consiste à faire valoir un handicap psychique «invisible», dû à un burn-out ou une dépression, et à trouver un médecin peu regardant, qui produira les certificats permettant de décrocher cette aide sociale. Face caméra dans une vidéo partagée sur une plateforme publique, il prétend (sans que CheckNews n’ait pu encore vérifier la véracité de ses affirmations) cumuler plusieurs aides sociales simultanément : «Je perçois le cumul de l’AAH, l’AAS [en fait ASS, allocation de solidarité spécifique], APL [Aide au logement] jusqu’au 31 décembre 2026 soit 1 800 euros net par mois qui tombent dans mon compte sans rien foutre, sans bosser. Vive la France !»
Pris en flagrant délit d’incitation à la fraude sociale, l’homme à l’origine de ces images a supprimé la plupart de ses publications sur les réseaux sociaux. Cependant CheckNews a pu trouver de nombreuses traces de sa vie numérique.
Agé de 39 ans, Mertel B. est un homme obsédé par l’e-commerce, qui cherche à s’enrichir à travers la vente de formations. Il est également à la tête de plusieurs sociétés de commerce en ligne, enregistrées à Trappes dans les Yvelines et spécialisées dans la vente de produits Apple. Au dos d’un de ses livres (auto-édité et en vente sur Amazon) proposant de devenir riche grâce à la vente en ligne, il se raconte comme «un pur produit de la banlieue parisienne», qui «lors d’un voyage au Japon, voulant s’isoler de sa banlieue pessimiste, […] découvre par hasard le fonctionnement de l’e-commerce».
Vendant sa légende, il assure qu’à son retour en France, «il tente d’appliquer, avec plus ou moins de succès» ce qu’il a appris au Japon «jusqu’à ce qu’il adapte le business-model du dropshipping». Se vantant d’avoir triplé son salaire en trois mois et d’avoir généré ses 500 000 premiers euros de chiffre d’affaires en à peine un an, il assure avoir dit ses quatre vérités à son patron avant de se faire virer sur-le-champ. «Mais comme Mertel aime le dire, c’est plutôt lui qui a viré son patron», crâne-t-il au dos du livre.
Ayant pour pseudonyme «Dropmarket Empire» sur YouTube, Mertel B. fait la promotion du «drop-shipping», cette pratique de vente sur internet, pour laquelle le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente de la marchandise. Il ne s’occupe pas de l’expédition du produit qui est fait directement par le fournisseur vers le consommateur final. Pour s’assurer un maximum de recettes, le vendeur va acheter des produits peu coûteux chez des fournisseurs chinois qu’il revend bien plus cher à ses clients. En vogue sur les réseaux sociaux, où les formateurs promettant de devenir facilement millionnaire pullulent, cette pratique est considérée comme légale par la DGCCRF.
«Montage fiscal»
Moyennant des sommes allant de 197 euros (pour une formation) à 697 euros (pour la même formation et sept heures de coaching), Mertel B. propose d’apprendre «à faire du e-commerce sans site internet et sans budget publicitaire» et de se lancer ainsi dans le drop-shipping. Parmi les différents modules proposés, le formateur enseigne aussi la «création de société offshore aux Etats-Unis», «le montage fiscal pour être résident fiscal français et ne pas payer d’impôts», «obtenir un financement de stock quand on est interdit bancaire» ou encore «obtenir un prêt quand on a aucun revenu».
En plus de ces formations, disponible sur un site à son nom, Mertel B. a également proposé de vendre ses connaissances sur d’autres plateformes comme le site de vente de services Come Up (où il vendait sa formation pour frauder l’AAH) ou encore la plateforme de recrutement de freelance Malt, où il se vend comme «Consultant Retail Media & Expert Marketplace» moyennant 2 000 euros par jour. Sur Malt, il se présente comme diplômé depuis 2022 d’un Master of Commerce de l’université Paris-Est Créteil et d’une licence en économie gestion de l’IAE Gustave Eiffel, une école de management située à Créteil.
Ne limitant pas sa diffusion de savoir à des vidéos publiées sur YouTube, Mertel B. est également l’auteur de plusieurs e-books. Au dos de les Zones franches urbaines : paradis fiscal en France. Comment payer jusqu’à 0 euro d’impôts en France en s’implantant dans une ZFU, il raconte qu’«il mène des activités entrepreneuriales dans lesquelles il a dû faire des montages fiscales (sic) pour réduire son imposition. Afin de minimiser son impôt sur les sociétés, il s’est installé dans une ZFU à Trappes.» Dans une de ses vidéos, il assure que son entreprise Mapomverte bénéficie de l’agrément «Entreprise solidaire d’utilité sociale». Contacté par CheckNews, Mertel B. n’a pas répondu à nos sollicitations.
Ce mercredi, Bercy a réagi à la vidéo de Mertel B. Sur Sud Radio le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, a annoncé qu’il souhaite introduire « un délit de promotion de la fraude » dans le projet de loi de Finances pour 2024 « pour condamner ceux qui font la promotion de la fraude fiscale, sociale avec la plus grande fermeté ». Dans le cas de Mertel B, il se pourrait d’ailleurs que l’homme ne soit pas seulement spécialiste de la fraude sociale au handicap, mais aussi de fraude fiscale. En effet, suite à la publication de cet article, Tris Acatrinei du site Projet Arcadie, qui suit l’actualité parlementaire, nous a signalé que Mertel B. s’applique les mêmes conseils d’évitement fiscal qu’il propose dans ses formations.
Lorsqu’il a enregistré sa société Smart Business en 2021 en France, l’homme a indiqué avoir bénéficié d’un apport de 200 000 euros d’une société nommée IPADESTOCK, enregistrée au Nouveau-Mexique aux Etats-Unis.Plusieurs formations de drop-shipping recommandent aux entrepreneurs qui se lancent dans le e-commerce de créer une société offshore aux Etats-Unis sous la forme d’une Limited liability company (LLC) « faire en sorte que les bénéfices soient déclarés dans le territoire où il n’y a pas presque pas ou pas d’impôt dessus ». Elles conseillent d’ouvrir une telle société dans certains Etats, comme le Wyoming, le Delaware ou le Nouveau-Mexique, en présentant la LLC comme avantageuse fiscalement pour éviter de payer de nombreux impôts et qui garantirait un anonymat vis à vis du fisc français (ce qui est faux). D’autres formations recommandent de créer une société au Royaume-Uni pour les mêmes raisons.
Or en quelques clics, on peut découvrir que Mertel B. a enregistré les sociétés IPADESTOCK LLC au Nouveau-Mexique (Etats-Unis) en décembre 2018 et IPADESTOCK LTD au Royaume-Uni en avril 2021. est une société enregistrée aux Etats-Unis par ce même Mertel B. Reste à savoir, si l’homme a déclaré correctement ses recettes au fisc français. Après un contrôle de la CNAF, il pourrait donc se voir contrôler par le Trésor public.
Mercredi, dans le Parisien, l’avocat du youtubeur a affirmé que les aides sociales perçues par son client s’étaient « aucunement le fruit d’une duperie ». « Cette vidéo n’est en rien la reconnaissance bravache d’une escroquerie aux aides sociales, a défendu Me Hakim Chergui, « mais la preuve des importantes vulnérabilités psychiatriques» de Mertel B. « Les pathologies prétendument invisibles qui l’affectent ont été constamment diagnostiquées et traitées par le corps médical : l’inconséquence de cette provocation sur YouTube en fournit d’ailleurs une triste démonstration » a ajouté le conseil.
EDIT : ajout de la réaction de l’avocat de Mertel B. le21 septembre à 7h10
ajout des paragraphes concernant les entreprises enregistrées aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le 21 septembre à 9h40