Je me permets de poster ici un article que je viens de rédiger sur mon site http://lenairu.blogspot.com et qui pose la question de la constitutionalité de politiques fondées sur le concept du NAIRU.
Que le chômage soit un Fléau présenté comme un "vilain dragon contre lequel on fait tout", ou au contraire un choix politique (et même un outil) change totalement la perception de celui-ci au regard de notre Constitution...
Dans un prochain article, je montrerai que le projet de Constitution européenne a bien failli changer la donne sur ce point. Et malgré le rejet français et néerlandais, il est à craindre qu'il ne revienne par la fenêtre.
Bonne lecture, selon le principe "De la reflexion naît l'action..."
NAIRU et Constitution française...
2005 restera sans doute l’année où les françaises et les français auront le plus entendu parler de «Constitution». Ayant assisté à des débats passionnés et engagés pré et post référendaires sur le Traité Constitutionnel Européen (TCE), ils auront sans doute retenu de cette période que manifestement, une Constitution, c’est important. Essentiel même, bien que pas toujours très connu…
Pour tout dire, je dois avouer que cette période fut très instructive pour décrypter certains propos ou écrits, muni de la clé de compréhension du NAIRU.
Commençons ainsi par jeter un œil sur ce que dit notre Constitution française actuelle, qui date de 1958, et dont le préambule, rédigé en 1946, évoque l’emploi dans deux de ses articles au demeurant fort intéressants :
Article 5 du préambule de 1946 : Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.
Article 11 : […] Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.
Je commencerai par le second article qui rappelle à ceux qui l’auraient peut-être oublié, où qui seraient des adeptes inconditionnels des JT de 20 heures et seraient ainsi bombardés de messages un peu parasités par rapport à ce principe, « qu’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » en cas de difficultés personnelles ou économiques n’est pas de l’assistanat (au sens le plus péjoratif du terme) mais -encore- et avant tout un DROIT CONSTITUTIONNEL. Que le vocable « moyens convenables d’existence » soit sujet à interprétation ne change rien, je pense par ailleurs que bon nombre de situations actuelles ne seraient pas reconnues comme convenables par la majorité du peuple, si du moins on lui demandait son avis par sondage ou… référendum.
De même, est donc également inscrit dans le droit Constitutionnel le « devoir de travailler et celui d’obtenir un emploi ». Car si certains (toujours les mêmes) semblent se souvenir du premier devoir, dont ils rappellent à l’envi le caractère éminemment moral, ils ont manifestement une petite faiblesse des neurones au moment de se remémorer le corollaire à ce devoir, à savoir le droit associé « d’obtenir un emploi » ! Difficile en effet d’imposer ce devoir sans respecter le droit en question… sauf à faire tourner le citoyen chômeur en bourrique, ce qui est précisément ce que bon nombre d’entre eux ressentent à juste titre aujourd’hui.
Bien sûr, le droit Constitutionnel est dans sa pratique un droit particulier, compliqué et peu accessible au citoyen qui par ailleurs ne peut seul s’y référer en déposant plainte à titre individuel. Par exemple, il faut au minimum que 60 députés déposent un recours pour que cette contestation soit recevable ! En outre l’interprétation du droit Constitutionnel est un art subtil exercé par de sages experts, ce qui est toujours un peu surprenant puisque que la Constitution française est tout de même un texte simple, court et compréhensible par tout un chacun (ce qui n’est pas tout à fait le cas du TCE rejeté par les français le 29 Mai !), et que le fondement d’une Constitution est de définir les règles d’un Etat qui protège les faibles contre l’arbitraire des puissants !
Si vous allez vous promener sur le site du Conseil Constitutionnel, vous y trouverez des exemples illustrant les arcanes de cette interprétation, dont un concerne précisément… ce fameux article 5, un peu embarrassant semble t-il :
« Ainsi, en France, le Préambule de notre actuelle Constitution, qui renvoie au préambule de la Constitution de 1946, proclame le " droit de chacun à obtenir un emploi ".
S'agit-il d'un simple objectif ? D'une obligation de résultat ? Si le droit à l'emploi constitue une créance de l'individu sur la collectivité, quelle est la valeur de cette créance dans une situation économique donnée, par exemple dans une conjoncture déprimée ? Quelle est, en somme, la portée normative de ce droit ? »
On sent toute la « retenue » du législateur » (pour ne pas dire la gêne) dans cette formulation. L’argument avancé est intéressant et dit en gros : le droit à l’emploi peut-il est respecté de manière normative en cas de situation économique déprimée ? Voilà qui rejoint la vision déjà évoquée -et en fait classique- du chômage dans nos sociétés depuis trente ans : c’est un Fléau, un Cancer, contre lequel de vaillants chevaliers blancs mènent Croisade. Alors, comment dans ce cas imputer à l’Etat une quelconque responsabilité au regard de ce droit constitutionnel ?
Soit.
Mais que pourrait bien répondre le Conseil Constitutionnel face à l’argumentaire selon lequel, au travers de l’usage généralisé et patent du concept de NAIRU pour l’établissement des prévisions économiques et la conduite des politiques économiques au niveau national et européen, le chômage en question ne serait pas un Fléau… mais un Outil?
En clair, ce chômage là, « NAIRUesque », choisi, délibéré, instrumentalisé, serait-il constitutionnel ? Car qu’on le veuille ou non, le droit à l’emploi est dans la Constitution française, ce qui n’est pas le cas de la LUTTE CONTRE L’INFLATION !
L’inversion manifeste des priorités qui prévaut depuis les années quatre-vingt, révélée par l'usage du NAIRU, est-elle bien en conformité avec notre Loi des lois ?
A moins d’être victime d’un trouble de perception de la réalité, il me semble que non…
Guillaume de Baskerville
http://lenairu.blogspot.com
NAIRU et Constitution française...
CQFD
Bluffant !!!
Ton argumentation est - encore une fois - imparable ; BRAVO GdB !
Ton argumentation est - encore une fois - imparable ; BRAVO GdB !
Merci pour ton analyse !
En résumé, nous l'avons dans le bab... s'il nous prenait l'idée de faire appliquer la constitution !
Pétard, réunir 60 députés...
quoique cela vaudrait peut-être le coup de le faire, en allant voir chacn d'entre nous, SON... député !
Cependant, il nous faudrait aller avec des billes identiques... donc une réclamation commune !
afin d'éviter de partir dans tous les sens !
à réfléchir !
En résumé, nous l'avons dans le bab... s'il nous prenait l'idée de faire appliquer la constitution !
Pétard, réunir 60 députés...
quoique cela vaudrait peut-être le coup de le faire, en allant voir chacn d'entre nous, SON... député !
Cependant, il nous faudrait aller avec des billes identiques... donc une réclamation commune !
afin d'éviter de partir dans tous les sens !
à réfléchir !
Si convaincre 60 députés semble trop facile, il est aussi possible de convaincre 60 sénateurs (qui eux ont l'avantage de bien connaître le NAIRU il est vrai...), ou le président d'une des deux assemblées (avec Debré et Poncelet, c'est pas gagné!) ou le Premier Ministre, ou... le Président de la République. En cas de succès, inscription au Guinness Book immédiate!
Bon, mais c'est pas tout. Car le Conseil Constitutionnel ne peut se prononcer que par rapport à une loi (le NAIRU est un concept macro-économique, sa déclinaison dans des lois est indirecte et n'est pas aisée à identifier), et encore, uniquement de manière PREALABLE à la promulgation de cette loi ou à l'occasion d'une modification...
Inutile de dire qu'entre l'idée et l'action, il y a un TRES GRAND PAS!
Le seul point qui pourrait être creusé touche il me semble au point suivant:
"Les engagements internationaux peuvent lui être déférés avant leur ratification, comme le prévoit l'article 54 de la Constitution : « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution. "
Bien entendu, vous aurez peut-être vu sur quoi je lorgne: le Traité Constitutionnel Européen, où le NAIRU est en filigrane très marqué à plusieurs endroits, et qui promeut comme objectif prioritaire la lutte contre l'inflation, unique objectif réaffirmé de la BCE. Or ce TCE va certainement nous être resservi dans les années qui viennent, un peu réchauffé et avec une sauce qui rendra le plat un peu moins bourratif, après 2007, évidemment. Si par le principe du NAIRU, on peut arguer que cet objectif est contraire à la Constitution Française car il instaure de fait un "chômage minimum" puisqu'il fait du chômage la variable d'ajustement de l'objectif d'inflation, alors la saisine devient peut-être possible... par le biais des organes et personnalités prévues!
De toute façon, ce qui importerait ne serait pas d'avoir une chance ou non de "gagner", mais bien de "participer" à la révélation et à la dénonciation médiatique du NAIRU (le baron de Coubertin n'aurait pas dit autrement!). Donc seule est nécessaire l'opportunité, voire le prétexte...
Précisons, je ne suis pas expert en droit constitutionnel, je sais juste lire!
Entre autres cette page:
http://www.conseil-constitutionnel.fr/divers/cours.htm
Bonne cogitation!
Guillaume de Baskerville
Bon, mais c'est pas tout. Car le Conseil Constitutionnel ne peut se prononcer que par rapport à une loi (le NAIRU est un concept macro-économique, sa déclinaison dans des lois est indirecte et n'est pas aisée à identifier), et encore, uniquement de manière PREALABLE à la promulgation de cette loi ou à l'occasion d'une modification...
Inutile de dire qu'entre l'idée et l'action, il y a un TRES GRAND PAS!
Le seul point qui pourrait être creusé touche il me semble au point suivant:
"Les engagements internationaux peuvent lui être déférés avant leur ratification, comme le prévoit l'article 54 de la Constitution : « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution. "
Bien entendu, vous aurez peut-être vu sur quoi je lorgne: le Traité Constitutionnel Européen, où le NAIRU est en filigrane très marqué à plusieurs endroits, et qui promeut comme objectif prioritaire la lutte contre l'inflation, unique objectif réaffirmé de la BCE. Or ce TCE va certainement nous être resservi dans les années qui viennent, un peu réchauffé et avec une sauce qui rendra le plat un peu moins bourratif, après 2007, évidemment. Si par le principe du NAIRU, on peut arguer que cet objectif est contraire à la Constitution Française car il instaure de fait un "chômage minimum" puisqu'il fait du chômage la variable d'ajustement de l'objectif d'inflation, alors la saisine devient peut-être possible... par le biais des organes et personnalités prévues!
De toute façon, ce qui importerait ne serait pas d'avoir une chance ou non de "gagner", mais bien de "participer" à la révélation et à la dénonciation médiatique du NAIRU (le baron de Coubertin n'aurait pas dit autrement!). Donc seule est nécessaire l'opportunité, voire le prétexte...
Précisons, je ne suis pas expert en droit constitutionnel, je sais juste lire!
Entre autres cette page:
http://www.conseil-constitutionnel.fr/divers/cours.htm
Bonne cogitation!
Guillaume de Baskerville