Actuchomage était invité par l'agence internet et de communication de Martin Hirsch (La Netscouade), avec d'autres animateurs et animatrices de sites ou blogs qui parlent du RSA (RégionsJob.com, Retravailller.org, Femmes-emploi.fr, Emploi.france5.fr, Etvoilaletravail.net…). Il s'agissait d'échanger avec Martin Hirsch afin de dissiper les zones d'ombres...
Zones d'ombres dissipées :
• ERREUR reconnue sur le questionnaire RSA, élaboré par un "comité de pilotage" qui a omis de consulter un échantillon d'usagers... Un nouveau formulaire, moins "perturbant", sera prêt dans le courant de l'été.
Martin Hirsch a positivé, mettant en avant les avantages de faire connaître aux futurs bénéficiaires les modalités/démarches à entreprendre afin de demander soit une pension alimentaire au parent défaillant (pour les personnes seules avec enfants), soit faire jouer la loi sur l'obligation alimentaire (pour les "jeunes" de "moins de 30 ans" dont les parents suffisamment riches refusent de contribuer à leur entretien)... Sinon, au delà, a-t-il dit, l'histoire de l'obligation alimentaire n'a pas lieu d'être.
• Au sujet de la déclaration des revenus d'épargne : les montants déclarés sont évalués selon les barèmes fixés par le décret sur le "train de vie" des RMIstes (patrimoine, bijoux, œuvres d'art, etc). Quand on a 20.000 € de côté, par exemple, on ne risque absolument rien. Il m'a certifié que nous n'allions pas sur le chemin de l'Allemagne avec un Hartz 4 à la française : pas question d'amputer quelqu'un du RSA s'il a un LEP à côté, par exemple.
• Au sujet de l'inscription à Pôle Emploi : seuls les ex-RMIstes et APIstes qui sont en pleine mesure de travailler devront s'inscrire. Ceux/celles qui ont de gros freins au retour à l'emploi (pb de santé, de logement, de garde d'enfants etc…) continueront à être "suivis" par les services sociaux habituels.
Pour Martin Hirsch, c'est au nom de l'égalité - égalitarisme ? - entre chômeurs - mêmes droits, mêmes devoirs, tant pis pour la loi sur l'ORE et le PPAE dont il semble ignorer la violence - qu'il en sera ainsi, afin que tous les privés d'emploi aient accès aux mêmes "aides/services" (ha-ha !) offerts par Pôle Emploi alors qu'avant, seuls les chômeurs indemnisés par le régime d'assurance chômage avaient l'honneur d'en bénéficier (ha-ha-ha ! Là aussi, on voit qu'il ne mesure pas totalement de quoi il en retourne en réalité).
Il a également certifié qu'une personne seule qui n'a aucun moyen de faire garder son ou ses enfants ne sera pas contrainte de s'inscrire à Pôle Emploi et risquer, de ce fait, une radiation.
• Au sujet des radiations Pôle Emploi : si un RSAste se fait radier, on ne lui coupera pas les vivres immédiatement. Pôle Emploi enverra un avis de radiation motivé au Conseil général, l'accusé devra alors se défendre, et c'est le président du CG qui tranchera en commission... Un point noir que nous n'avons pu creuser : si c'est la date de radiation de Pôle Emploi qui sert de base, le condamné devra-t-il rembourser un trop-perçu par la suite ?
Nous n'avons malheureusement pas pu creuser davantage bien d'autres aspects techniques du RSA, le temps imparti étant trop court...
Autres zones d'ombres dissipées :
• Martin Hirsch est persuadé que le frein financier est la composante essentielle à la non reprise d'un emploi. Pour lui, le RSA contribuera à ne pas décourager ceux qui bossent… pour des clopinettes. Et il ne remet pas en cause la bassesse des salaires pratiqués : il estime même que, s'il ne faut surtout pas supprimer le Smic, il est juste de revaloriser celui-ci sans "coup de pouce" au minimum légal afin de ne pas alourdir le coût du travail.
Il nous a semblé qu'à ses yeux le Smic ne concerne, toujours, que des salariés peu ou non qualifiés. Il semble ignorer qu'aujourd'hui le Smic est la pitance qu'on propose à des personnes expérimentées, voire à des moutons à cinq pattes.
• Martin Hirsch est conscient de l'effet d'aubaine que peut générer le RSA. Mais, pour lui, "remettre un pied dans l'emploi" - par le biais d'un temps partiel, par exemple… - est primordial : il s'agit de monter l'escalier en douceur (ça passe donc, visiblement, avant la qualité dudit emploi : il a d'ailleurs reconnu que ce n'est pas son rôle de pallier aux déficiences des partenaires sociaux dans les négociations salariales ou aux mauvaises politiques de l'emploi en général. En gros, la précarité qui s'installe et les salaires qui baissent, ce n'est pas son rayon. Le sien c'est le RSA, point. Et pour lui, RSA = améliorer l'ordinaire des plus pauvres, c'est déjà ça). Il ne semble pas imaginer que nombre de chômeurs aux minima sociaux, durablement rejetés et discriminés par le marché de l'emploi, sont expérimentés et tout à fait capables de se replonger dans un travail "normal" à plein temps. Quant à la situation de l'emploi, il espère simplement que la conjoncture va s'améliorer et que la tendance à la précarité et à la médiocrité générales va s'inverser... Il espère que l'escalier ainsi doucement emprunté restera dans le sens de la montée, et pas de la stagnation voire de la descente (mais là dessus, à notre humble avis, il se fourvoie et semble omettre qu'avant la crise, l'ascenseur social était déjà en panne)...
Ce que j'ai retenu, en conclusion :
• Martin Hirsch est conscient du pouvoir d'internet. Il sait que les médias traditionnels ne rentrent pas dans les détails alors que nous oui, et que ça finit par se propager. D'où ce petit "briefing" pour tenter de redorer son blason. D'ailleurs il compte nous revoir à la rentrée, au fil de l'évolution de son bébé...
• Martin Hirsch, qui est d'un abord disponible, sympathique et habile interlocuteur, est un homme politique plus "technicien" que "beau parleur" qui pense, lui aussi, à sa carrière (à un invité qui lui demandait de se justifier sur son rôle de "caution sociale" de Sarkozy il a répondu que son RSA, il l'aurait porté de la même manière sous un gouvernement de gauche). Martin Hirsch se focalise donc sur son projet et tente de le mener à bien contre vents et marées - j'aimerais pas être à sa place ! -, en dépit de tous les facteurs/éléments périphériques (causes du chômage, garde des enfants, formation des chômeurs, abus patronaux et rapport de force en défaveur du salariat, mondialisation et j'en passe…), pourtant cruciaux. On peut juste déplorer cette absence de "porosité", cet étonnant cloisonnement dans sa démarche qui ne s'encombre guère du problème complexe de l'emploi et de la pauvreté dans toute sa globalité.
Maintenant, Pili va prendre le relais pour donner son sentiment et pallier mes oublis. Ensuite, je posterai un article complet en Une de nos actus.
... Pili, à toi de jouer !
