Bonsoir Tchouni,
Nos situations ont quelques points communs, l'âge en moins (j'ai presque dix ans de plus). J'ai vécu 10 ans à Paris, où j'ai construit beaucoup de choses. Il y a dix ans, on pouvait encore y louer un studio même avec un tout petit salaire (au dessus du smic quand même). Mais j'avais un studio qui donnait sur une courette intérieure donc très sombre, et j'avais vraiment juste de quoi vivre et un boulot qui ne me plaisait pas malgré un bac + 4. Un jour j'ai décidé de partir de ce taf, parce que comme toi je n'envisageais pas ma vie ainsi. J'ai eu la chance de rencontrer un homme, qui ayant une bonne situation matérielle m'a sortie de mon trou. J'ai passé un concours, et au bout de deux ans ça a été l'échec total. Et j'ai continué de me plaindre, je voulais toujours ce que je n'avais pas. Ca a ruiné mon couple. On a décidé de se séparer alors que j'étais au chômage, mais comme mon ex-compagnon est quelqu'un de bien, il a fait le sacrifice de me garder un an parce que j'ai réussi in extrémis à décrocher un CDI dans ce que je cherchais. Ma famille vit en effet dans le sud, et je ne voulais pas quitter mes amis. Mais très vite il a été question de licenciement. Donc j'ai fait tout ça pour rien (enfin si pour toucher l'ARE). Aujourd'hui je suis à côté de Nice, chez mes parents, parce qu'en plus d'avoir été licenciée j'ai eu le temps de comprendre qu'en dessous de 2000 euros nets il ne fallait pas espérer se loger même en banlieue. Je me suis dit que je pourrais me construire une vie plus confortable, et que mes amis n'allaient pas payer mes factures. Et aujourd'hui, après sept mois, je fais le même constat que vous : niveau emploi c'est mort. Donc je me retrouve bientôt en fin de droits, sans perspective pro d'autant que je n'ai pas le permis, pas le bon diplôme etc, avec bientôt le problème de l'âge qui se posera. Je ne connais personne excepté mes parents, et je dois faire le deuil en plus de tout ça d'une longue relation amoureuse. J'ai perdu beaucoup, mais j'ai la chance de ne pas être à la rue, de pouvoir mettre de l'argent de côté. La question d'un retour à Paris se pose, mais effectivement comme on vous l'a dit l'IDF n'est pas épargnée par le chômage même si les offres y sont un peu plus nombreuses. Perso je sais très bien que retourner là-bas veut dire accepter la colocation (et ce n'est pas non plus donné), car mieux vaut ne pas rêver à un salaire correct aujourd'hui sauf si on est ingénieur. A un moment, je serai peut-être obligée, comme vous, de rejoindre les rangs de l'usine. Et comme vous, je souffre de cette situation que je juge "anormale". Mais les personnes qui vous ont répondu ont raison et leurs réponses sont très lucides. Votre souffrance est normale mais elle vient en partie du fait que vous portez un jugement négatif sur vous même alors que vous n'êtes en rien responsable de tout ça. Moi même j'ai des amis qui ne savent pas ce qu'est le chômage et qui vivent confortablement. On ne peut nier que c'est une souffrance, et vous allez comme moi devoir faire un deuil douloureux, celui d'une vie normale là maintenant tout de suite. Et visiblement c'est difficile pour vous parce que ça fait quatre ans que vous essayez. Vous êtes encore jeune, vous pouvez envisager de vous former à un métier, (vous ne dites pas quelle est votre formation) et donc réfléchir à un vrai projet à long terme qui vous permettrait de rebondir même si cela prendra un peu de temps. Personne ne peut vous imposer de devenir militant (sauf qu'être lucide sur ce qui se passe peut permettre de conscientiser d'autres personnes), simplement vous pouvez trouver des manières de mieux supporter cette situation (personnellement je fais du sport et ça m'empêche de tourner trop en rond sur mes pb). Les sentiments négatifs que vous éprouvez sont normaux, mais il ne faut pas les ressasser trop longtemps car ils vont contaminer toute votre vie et ce n'est pas comme ça que vous avancerez.
Dites vous qu'il y a une réalité économique qui vous dépasse, et que c'est elle qui est responsable de votre situation. Moi je trouve courageux de votre part de faire des ménages, il n'y a rien d'avilissant à le faire, au contraire c'est tout à votre honneur. Comme le dit très bien SuperUser, cette crise nous impose de trouver d'autres manières d'exister, de se fixer d'autres priorités et c'est très difficile car ce n'est pas le modèle qui nous a été inculqué.
Par rapport au pb du logement en IDF, j'aimerai juste vous avertir d'une chose. J'ai moi même fait appel au service social de mon arrondissement (
il faut une adresse parisienne pour le faire) : je n'ai rencontré aucune assistante sociale, j'ai été reçu par une secrétaire comme un chien dans un jeu de quille, qui m'a informée que je ne pourrais pas avoir un suivi tant que cela ne fera pas un an que j'aurais déposé une demande d'aide sociale. A paris, il y a en moyenne 12 ans d'attente pour obtenir un logement social. Il faut savoir aussi qu'une fois que les personnes prioritaires ont été servies (à savoir les personnes handicapées, les familles avec enfants, et surtout, toutes les personnes suivies par les services sociaux qui bénéficient de dispositifs spécifiques comme les accords collectifs) il ne reste plus rien (j'ai bossé dans le social). Après, qui ne tente rien n'a rien

Donc essayez, mais mettez un pantalon déchiré et dites que vous êtes à la rue. On vous dira d'appeler le 115

Moralité, même pour voir une ASS il faut un passe-droit

Ou sinon il y a la méthode "je harcèle un élu, je campe devant la mairie" qui marchent très bien
Votre colère est légitime et elle peut être utile si vous arrêtez de la retourner contre vous (ça m'arrive aussi mais je veille à ce que ça ne dure pas).
Quand on vous dit "arrêtez de vous regarder le nombril", cela veut juste dire être attentif à ce qui se passe autour, pas tellement par altruisme mais surtout pour voir que la normalité est relative, et que des gens arrivent à trouver du bonheur malgré l'adversité. C'est difficile j'en conviens.
Ce sera long, mais il faudra accepter votre situation pour pouvoir la dépasser. Accepter ne veut pas dire se résigner, mais simplement accepter de ressentir votre colère et votre déception, votre frustration. Mais il ne faut pas vous y noyer, et vous en servir pour agir en trouvant des compensations pour tenir.
Essayez de garder l'espoir, mais restez toujours lucide

Bonne chance !