A titre de métaphore, je vous donne l'exemple d'une personne qui vit en couple avec quelqu'un qui lui fait la vie dure et qu'elle n'aime plus. Ou elle reste avec pour des raisons financières/matérielles ou de bienséance, mais continue à vivre l'enfer. Ou elle s'en sépare pour ne plus souffrir, quitte à en chier financièrement/matériellement et socialement. Dans les deux cas, il y a un prix à payer : celui de la servitude, ou celui de la liberté.
Je ne trouve pas cet exemple approprié. Quand on est victime de violences, les choses sont plus complexes qu'on l'imagine. On peut avoir affaire à une personnalité perverse et manipulatrice. On peut se retrouver malgré soi dans une forme de sidération et être véritablement victime alors qu'on voudrait faire ce qu'il faut pour se protéger.C'est particulièrement le cas quand on est seul, isolé et en situation de faiblesse que l'agresseur ou le persécuteur tourne à son avantage. Ce sont souvent des situations très complexes d'un point de vue psychologique. La victime ne sait parfois simplement pas ce qu'elle devrait faire parce qu'elle a été habituée à un certain mode de relation ou qu'elle se sent honteuse ou coupable. C'est bien plus complexe qu'on le croit. Je pense aussi que cela n'a rien à voir. En ce qui me concerne, je sais bien que je n'ai pas le choix. Je m'en rends bien compte. Le fait même que j'entende sans cesse qu'il "faut" en est une preuve. Les gens ont souvent aussi tendance à simplifier les choses avec la bon vieux principe du "y a qu'à" ce qui prouve aussi d'une certaine manière qu'il n'y a qu'une possibilité de manière générale et que donc il n'y pas de d'autre choix.
Tout choix est difficile et demande des sacrifices. Tout choix implique des avantages et des inconvénients, et ce n'est pas parce qu'on se libère de ses chaînes que la vie redevient facile. Mais ce qui est essentiel, c'est de se sentir
en conformité avec soi-même. Car rien ne fait plus souffrir qu'une position schizophrène (injonctions contradictoires, dissonance cognitive).
Comme le préconise Lordon, il faut ouvrir son angle alpha… pour soi : faire en sorte de s'écarter au maximum du désir-maître. Ce qui est aussi
une lutte de tous les jours.
J'en ai bien conscience mais cela ne résout rien et ce n'est même pas le problème. Toujours est-il que je ne me sens pas en conformité avec moi-même et que je n'ai pas le choix. Ce que propose Lordon me semble assez juste, mais en réalité c'est extrêmement difficile car nous nous n'avons pas le choix, nous sommes obligés de satisfaire aux exigences du capital.
Personnellement, je n'ai pas choisi de me faire virer au bout de 10 ans de maison et 20 ans d'activité professionnelle. Je n'ai pas choisi de me faire éjecter du train et de me retrouver sur le balast sans pouvoir ensuite remonter dans les wagons suivants malgré tous mes beaux efforts.
On ne choisi pas d'être exclu, en tous cas pas toujours mais on ne choisi pas de ne pas l'être non plus. Il faut être le mieux inséré possible quoi quel qu'en soit le prix. Si par malheur on fait partie de ceux qui se retrouvent éjectés, il faut se débrouiller pour revenir dans le système comme on le peut. Il n'y a pas d'alternative malheureusement.
Après des années à vouloir escalader un nouveau train chaque fois plus bondé et à souffrir de mes échecs répétés pour réintégrer la norme, je me suis adaptée et j'ai fait le choix suivant : celui de rester pauvre parce que je n'ai pas d'emploi digne de ce nom plutôt que de rester pauvre tout en me faisant exploiter. Je me suis éloignée du balast pour m'installer dans le pré. Je considère que ma situation, aussi précaire soit-elle, est peut-être plus enviable que celle des voyageurs entassés comme des bêtes dans les wagons que je regarde passer : ils sont emportés à toute vitesse dans un mouvement qu'ils ne maîtrisent plus alors que moi, je garde les pieds sur terre.
Je le comprends bien et je ne crois pas que la situation de ceux qui ont le privilège d'être encore dans le train soit souvent meilleure. Nous vivons dans l'un des pays où les individus souffrent le plus au travail, au point qu'ils sont souvent obligés de consommer des drogues pour supporter leur vie. Cependant, être riche est fondamentale dans notre société car l'argent est le seule chose qui importe vraiment et c'est aussi la seule chose qui vous permette d'être libre.
Et vivre dans la pauvreté, ce n'est pas une vie. Personne à mon avis ne mérite cela, qu'il soit employé ou non.
Certes, de manière on ne s'enrichit pas en produisant mais bien plutôt en spéculant par exemple, mais la majorité des individus adhèrent au principe de la méritocratie, du "travailler toujours plus" et s'il y a de plus en plus de travailleurs pauvres, il faut reconnaître que le travail salarié est pour une majorité malheureusement le seul moyen de survivre dans un système qui repose sur ce principe. Et donc cela implique toujours qu'il n'y a aucune autre issue, aucun véritable choix. La plupart des gens font ce qui est attendu d'eux sans plus interroger et ils ont probablement raison puisqu'ils ont l'habitude de dire qu'il ne faut pas se poser de question. Cela leur permet au moins de dormir en paix bien qu'entraînés dans ce mouvement qu'ils ne maîtrisent plus. Cependant, je doute qu'ils que cela les intéresse.
La pauvreté n'est qu'un état matériel. Ce que j'ai perdu financièrement, je l'ai gagné intellectuellement. Je vis pleinement
les idées exposées dans cette sélection de livres — article dont vous, Anya, êtes à l'origine. Cette résistance que je tente d'appliquer au quotidien me procure de la joie, même si j'en chie. Quand je compare ma vie actuelle avec ma vie d'avant, je me dis que j'ai plus gagné que perdu.
Je comprends bien et si vous estimez y avoir gagné, vous êtes en harmonie avec vous-même. Tout le monde ne peut pas en dire autant malheureusement.
Mais je ne suis pas à votre place. C'est à vous de voir.
Ce n'est même pas à moi de voir en réalité. Ce sont le plus souvent les autres qui voient pour vous. Les gens bien intégré ont tendance à tous savoir. Je suis presque admirative. Le problème est que je ne vois pas comment on peut faire quelque chose sans y adhérer à moins de jouer en continuellement la comédie. Le plus logique serait donc le renoncement même si je trouve cela triste mais si ça se trouve, ce sont les partisans de ce système qui ont raison. Tout semble le démontrer.
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