Cette mission de 15 élus représentant les différents groupes politiques sera présidée par le député UMP de Savoie Dominique Dord et aura comme rapporteure la députée PS de Haute-Garonne Monique Iborra, membre, comme M. Dord, de la commission des Affaires sociales.
La réunion constitutive de la mission est prévue dans une dizaine de jours, selon la même source.
Vice-président de la commission des Affaires sociales et membre de cette mission, le député PS Jean-Patrick Gille esquisse, dans son rapport d'information sur les crédits "Travail et emploi" du projet de budget 2013, de premières pistes pour "rendre efficace la coûteuse création de Pôle emploi", en proie selon lui à "un grand malaise". Evoquant "une fusion onéreuse qui n'a pas tenu ses promesses", il recense les "conditions sine qua non pour que Pôle emploi parvienne à redresser la barre".
Parmi ces dernières, "une personnalisation accrue de l'accompagnement des demandeurs d'emploi", dimension prise en compte dans le plan stratégique de la direction qui prévoit dès janvier 2013 un suivi différencié des chômeurs en fonction de leur degré d'éloignement de l'emploi. "Cette nouvelle politique d'accompagnement pose un véritable défi managérial", selon M. Gille. Le député d'Indre-et-Loire pointe aussi du doigt le "défi de la territorialisation", "aujourd'hui largement insuffisante", reprochant à l'opérateur public de fonctionner "en vase clos", sans coordination suffisante avec les acteurs locaux et loin de la réalité économique des bassins d'emploi.
Sont également soulignés des problèmes de "gouvernance et d'organisation interne" et préconisée une refonte indispensable de l'offre de formation, "point noir unanimement reconnu", qui aboutit à une situation "proprement intolérable".
Jean Patrick Gille remet en cause le principe même de l'EID comme entretien unique
(... tout en soutenant le "plan" de Jean Bassères.

Assemblée Nationale, le 31 octobre 2012
"La seconde partie de mon rapport sera consacrée aux moyens de Pôle emploi. Les nombreuses auditions que j’ai menées m’ont permis de constater que la fusion de l’ancienne Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et des Assedic s’est réalisée dans des conditions difficiles et pour un coût non négligeable — on peut estimer le surcoût à 300 millions d’euros par an —, sans apporter les gains d’efficacité attendus. Le budget de Pôle emploi, hors versement des indemnités chômage, avoisine les 5 milliards d’euros pour 2013, dont presque 3 milliards consacrés à la masse salariale.
Les économies attendues de la réforme ont été entièrement absorbées par la fusion, et en particulier par les conditions avantageuses dans lesquelles a été menée la fusion des anciens salariés des Assedic et des anciens agents de l’ANPE. Cette fusion a, de plus, rendu nécessaire une politique immobilière de regroupement qui, c’est peu de le dire, n’a pas encore produit les effets escomptés. Les locaux choisis, qui doivent être grands, sont souvent excentrés, ce qui n’est pas une bonne chose.
Pôle emploi a donc connu une première phase de mise en place difficile, qui a coïncidé avec un fort afflux de demandeurs d’emploi en raison de la dégradation de la situation économique : les conditions de suivi des demandeurs d’emploi se sont dégradées, alors qu’elles devaient s’améliorer.
L’opérateur se trouve désormais à l’aube d’une deuxième phase dont on peut souhaiter qu’elle soit celle de la maturité, avec le plan Pôle emploi 2015. Il est essentiel que la nouvelle instance puisse offrir un service d’accompagnement aux demandeurs d’emploi digne de ce nom, ce qui n’a pas toujours été le cas. Des réformes profondes sont en cours et il faut espérer qu’elles portent leurs fruits.
Ainsi, la nouvelle convention tripartite procède à de fortes réorientations de la stratégie d’accompagnement et de suivi des chômeurs, privilégiant désormais une approche différenciée des demandeurs d’emploi en fonction de leur profil, au lieu d’une approche unique et systématique, qui n’est pas efficace. Une nouvelle démarche de pilotage par la performance vise à substituer aux indicateurs de mesure de l’activité de Pôle emploi de véritables indicateurs de performance, cette logique devant être déclinée au niveau de chaque agence, avec une marge de manœuvre plus importante laissée aux managers pour adapter les actions de Pôle emploi en fonction des spécificités des bassins d’emploi de leur ressort.
La territorialisation de l’action de Pôle emploi apparaît aujourd’hui très insuffisante : les agences ont tendance à fonctionner parfois en vase clos, sans coordination ni concertation suffisante avec l’ensemble des autres acteurs du terrain, qu’il s’agisse des acteurs du service public de l’emploi comme les missions locales, le réseau des Cap emploi ou encore les maisons de l’emploi, des collectivités locales, et même des entreprises implantées sur les territoires. Sur ce point, la création de Pôle emploi a même constitué une régression ; des progrès sont indispensables.
Il convient également de simplifier des procédures et des outils excessivement complexes. Ainsi — j’ai évoqué hier cette question devant les ministres, qui n’ont pas désapprouvé —, le pilotage régional de la politique de l’emploi pourrait être amélioré par une fusion du conseil régional de l’emploi (CRE) et du comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle (CCREFP). De plus, les opérateurs pourraient être représentés dans cette nouvelle instance : ainsi, il n’y aurait qu’un seul comité où financeurs et principaux opérateurs pourraient définir et mettre en œuvre une politique régionale.
L’application de la convention Unédic pour le calcul, notamment, des droits à indemnisation chômage des demandeurs d’emploi est, par ailleurs, beaucoup trop complexe : elle conduit à un taux d’erreur des premiers calculs d’indemnisation lors de l’entretien initial qui avoisine 20% ! Cette complexité prouve à elle seule à quel point le projet du «métier unique», qui a initialement prévalu lors de la fusion, était une erreur profonde ; mis en œuvre durant un an, il a conduit à de grandes difficultés, pour les demandeurs d’emploi comme pour les salariés de Pôle emploi.
De même, on constate que les agents de Pôle emploi n’ont souvent accès qu’à l’offre de formation proposée par Pôle emploi, alors qu’ils devraient disposer d’un outil global unique permettant de connaître l’ensemble de l’offre de formation proposée et de prescrire ainsi la formation qui sera la plus adaptée. Un projet en ce sens, «Dokelio», existe.
Comment envisager une totale polyvalence des agents, à qui l’on demanderait d’assurer à la fois l’accompagnement des demandeurs d’emploi, leur indemnisation et leur orientation dans les meilleures conditions ? Il faut y renoncer, même si l’existence d’un socle commun de compétences est souhaitable. Cela pose la question du maintien d’un entretien unique, tel qu’il est aujourd’hui matérialisé dans l’entretien d’inscription et de diagnostic (EID), qui ne satisfait pas les demandeurs d’emploi auxquels il est demandé, en 50 petites minutes, d’exposer leur situation avant de se voir proposer la signature du plan personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), alors même qu’ils n’ont souvent qu’une idée très floue du niveau d’indemnisation dont ils vont pouvoir bénéficier — et cet entretien est mené par un conseiller qui ne sera pas celui qui les accompagnera par la suite !
Ces problèmes méritent d’être approfondis et je me réjouis que la Commission ait décidé de créer une mission d’information relative à Pôle emploi. L’enjeu est de taille : l’opérateur central du service public de l’emploi pèse environ 34 milliards d’euros (indemnisation du chômage comprise), avec une masse salariale de 3 milliards d’euros. La mission pourra aussi se pencher sur les rapports de Pôle emploi avec les opérateurs privés de placement.
Les moyens sont donc là et il s’agit d’améliorer l’efficacité de Pôle emploi par un renforcement de sa déconcentration, par un management laissant une plus grande autonomie aux directeurs d’agence sur le terrain et par un renforcement des effectifs et des moyens dédiés directement à l’accompagnement des demandeurs d’emploi et des employeurs.
Ce budget, nul ne peut le nier, est particulièrement volontariste. C’est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à vous prononcer en faveur de l’adoption des crédits de la mission «Travail et emploi», ainsi que de l’article 71 rattaché, qui supprime l’exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d’entreprise instituée par la loi pour l’initiative économique de 2003."
Compte-rendu intégral de la Commission des Affaires Sociales du 31 octobre 2012
(Source : La Fusion pour les Nuls)