Ceux qui ne se souviennent pas

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Modérateurs : superuser, Yves

cybernew

Ceux qui ne se souviennent pas

Message par cybernew »

bjr

«Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre.»

Chômeurs en lutte, de la crise des années 1930 à juin 1936

Quand on évoque les grèves de mai-juin 1936, on ne pense guère aux chômeurs.
Ils sont pourtant un certain nombre : en mai 1936, les chômeurs secourus s'élèvent à 422 000, ce qui pourraient correspondre en réalité à 800 000 chômeurs et à un pourcentage de la population active pas si différent du début du 21ème siècle, peut-être un peu inférieur. On remarquera qu'à cette époque déjà, la moitié des chômeurs n'avaient pas d'''allocations chômage'' (définies et versées par les municipalités) ni d'aides en nature (soupes populaires, bons de nourriture ou de charbon).

La montée du chômage date du début des années 1930 : on estime qu'il y a déjà 450 000 chômeurs en 1931. Le chômage touche en priorité les jeunes, les femmes, les vieux, les immigrés et les moins qualifiés. Le revenu de la classe ouvrière chute de 11 à 18% entre 1930 et 1935. Le nombre de grève et de grévistes diminue également : 1709 grèves recensées en 1930 (soit 858 000 grévistes), seulement 267 grèves (254 000 grévistes) l'année suivante. Notons qu'environ 500 000 travailleurs immigrés seront déplacés ou expulsés au cours de la première moitié des années 1930.

Marches de la faim et autres mobilisations de chômeurs

En 1933 et 1934, plusieurs «marches de la faim» seront organisées, avec un succès relatif.

Une des premières marches de chômeurs, avec celle de Saint-Nazaire à Nantes, part de Lille le 18 novembre 1933. Les comités de chômeurs du Nord et du Pas de Calais ont désigné une centaine de camarades pour aller porter des cahiers de doléances à Paris. A l'initiative de cette marche de la faim, la CGTU, proche du PCF (la CGT et la CGTU se réunifieront quelques années plus tard), et pour slogan : Du pain ou du travail. Au départ, la marche est interdite par les autorités «par souci d'humanité envers les chômeurs et pour les prémunir, en cette période de l'année, contre le froid et les intempéries». L'accueil est plutôt frais lors des premières étapes, mais cela va se réchauffer au fur et à mesure, en même temps que grossit le nombre de marcheurs.

La marche arrive le samedi 2 décembre à Saint Denis (pas question de laisser entrer les chômeurs dans Paris) : 6000 marcheurs rencontrent 7000 sans travail de la région parisienne. Doit-on y voir l'origine des manifestations de chômeurs le premier samedi de décembre ? Pour cette fois, la délégation ne sera pas reçue par les autorités, mais le gouvernement paye le retour en train...

L'année 1934 est marquée par de nombreuses mobilisations locales de chômeurs, qui se regroupent en comités. Le 5 janvier 1934, des heurts éclatent à Calais, alors que 2000 chômeurs exigent de la mairie du charbon. Le 10 février, des chômeurs investissent la mairie de Saint Etienne. Des incidents éclateront tout au long de l'année, à Laon, Rouen, Nîmes, pour culminer avec la prise d'assaut de la mairie de Saint Quentin le 20 novembre 1934.

La mobilisation est suffisamment importante pour que le journal parisien Le cri des chômeurs devienne hebdomadaire.

Après l'arrivée au pouvoir d'Hitler en 1933, de nombreux comités de chômeurs adhéreront au comité antifasciste local. Des immigrés politisés y adhèrent également, sans que cela pose de problèmes.

Mai-juin 1936 : grèves et occupations

En mai 1936, on compte 65 grèves, soit moins de 14 000 grévistes. Plus de 12 000 grèves sont déclenchées le mois suivant (dont près des trois quarts avec occupation du lieu de travail), et ces grèves sont suivies par plus de 1,8 millions de personnes, y compris de nombreux ouvriers agricoles ou de mineurs d'Afrique du Nord, qui contrairement à leurs camarades de ''métropole'' subissent une forte répression des forces de l'ordre, et ont des revendications particulières liées à leurs conditions de travail. Certains demandent ainsi l'application de la durée journalière de travail de 8h, ou des mesures concernant la sécurité dans les mines.

La plupart des grèves débutent alors qu'aucun syndicat n'y appelle. Phénomène intéressant, les ouvriers ne se contentent pas de cesser le travail, mais investissent les usines. Si des précédents existent en Europe, notamment en 1920 en Italie, ou entre 1931 et 1935 en Pologne et en Roumanie, les occupations d'usine étaient plutôt exceptionnelles en France. Elles ont permis de mettre une pression supplémentaire sur les patrons, puisque c'étaient les ouvriers qui gardaient les stocks, les matières premières et les outils de production. Elles ont également permis un arrêt effectif du travail, le patronat ne pouvant embaucher des ouvriers temporairement le temps du conflit. Cela a joué également dans les rapports avec les forces de l'ordre, les affrontements et la répression étant courants dans la rue. Mais les patrons n'étaient généralement pas très chauds pour que la police intervienne dans leurs usines, au milieu de leurs machines !

Les chômeurs de 1936 ne restent pas inactifs

L'ambiance de lutte de cette période se répercute chez les chômeurs. Les actions des chômeurs visent souvent les mairies, qui à cette époque distribuent des secours, sous conditions bien sûr : de résidence, mais aussi parfois en échange d'un certain temps de travail. Les actions vont de l'occupation de mairie à la séquestration des élus. Les revendications : augmentation ou rétablissement des allocations, suppression du pointage ou des heures de travail imposées par certaines mairies...

Ces actions se déclenchent, comme dans beaucoup d'usines, spontanément : ainsi à Lyon, le 13 juin 1936. Un millier de chômeurs fait la queue devant une mairie d'arrondissement pour retirer leurs cartes de secours. Ça discute, ça s'agite et ça vire au meeting improvisé. Les chômeurs envahissent la mairie et décident d'y rester. Ils définissent leurs revendications par écrit. Après plusieurs heures d'occupation et de négociations, ils finissent par quitter les lieux.

C'est contre le travail obligatoire et le contrôle que les chômeurs du Nord se mobilisent. Le 15 juin, la mairie de Lambres est investie par des chômeurs qui exigent et obtiennent la suppression des 3 heures de travail qu'on leur impose en échange des secours. A Hérin, même méthode contre le pointage et le plafonnement des allocations.

A La Rochelle, les chômeurs... font grève ! Ils sont environ 300 à travailler dans des chantiers municipaux. Le 17 juin, ils se mettent en grève pour obtenir une augmentation de leur allocation horaire, et reprennent à leur compte les revendications sur les 40h par semaine et les congés payés.

Mai-juin 1936 n'a donc pas été qu'un mouvement de travailleurs. De nombreuses catégories de gens, qui avaient quelque chose à gagner, se sont mises en lutte, mélangeant leurs revendications particulières et celles que le mouvement avait adoptées.
stm_artin

Re: Ceux qui ne se souviennent pas

Message par stm_artin »

Merci pour ce très bon article. As tu trouvé ces infos sur le net?

cordialement.
bebert

Re: Ceux qui ne se souviennent pas

Message par bebert »

Oui c'est un bon article, je l'ai lu hier... Ca demontre surtout qu'il va falloir innover dans les moyens d'action si on veut obtenir quelque chose de positif un jour... :lol:
stm_artin

Re: Ceux qui ne se souviennent pas

Message par stm_artin »

C'est une guerre médiatique mon béber; médiatique...

Une campagne de diffusion d'actuchômage dans les poles emploi pourrait être une arme redoutable.

A bon entendeur...
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