Animateur (avec d'autres) du site Inter-Emploi très prochainement en ligne [édité par notre association APNEE], le message suivant nous est parvenu :
Je lui ai répondu ce qui suit :Sujet : grève de la faim.
Bonjour,
J’ai 54 ans et au chômage depuis quatre ans. Fonction : assistante de direction.
J’ai épuisé presque toutes les ressources de mon imagination et je n’ai jamais eu de doute quant à la réalité de la baisse du chômage puisque j’ai été radiée moi aussi.
Je viens de faire trois mois dans une petite société de déménagement qui m’a licenciée. J’étais sous contrat CNE et avait dépassé la période d’essai. Le motif indiqué sur mes papiers était faux mais je n’ai pas de preuve ; j’ai tout de même d’aller jusqu’à l’inspection du travail pour qu’enfin on me donne mes documents pour l’Assedic.
Ceux-ci font la sourde oreille. Par ailleurs, ma confiance étant très limitée, je pense que les dossiers ça s’enterrent et c’est curieux on n’a jamais le retour des accusés de réception que les employés doivent mettre directement à la poubelle.
De toute façon ce n’est pas avec l’ASS ou le RMI que je vais vivre dignement car avec cela, soit tu manges et tu dors dehors, soit tu dors dans un lit, mais tu ne manges pas, l’alternative est simple. Donc je n’attends rien des ASSEDIC.
Je suis endettée bien entendu, entre les cours, le temps ou j’ai espéré à me refaire et enfin le moment où je me suis rendue compte que ça ne servait à rien, je vais vers un dossier de surendettement ce n’est pas cela qui me préoccupe le plus.
J’ai une charmante famille, des parents et deux magnifiques petits enfants à qui je ne veux léguer ni mes dettes ni l’image d’une grand-mère disparue sans se battre.
Je mourrais sans doute allongée mais debout dans ma tête. Et si ça peut servir à quelque chose pourquoi pas y mettre mon grain de sel !
Sous le stress certains se suicident, je comprends. Moi, étonnamment peu dépressive devant cette décision (et certainement parce qu’elle existe) je préfère que à mon départ serve à quelque chose. Alors après avoir réglé quelques affaires personnelles (durée : j’ai la ferme intention d’entamer une grève de la faim. J’imagine que je serais fin prête d’ici un ou deux mois : je souhaite bien faire les choses.
Je souhaite donc savoir si vous accepteriez de relayer l’information autant que faire se peux car ce serait dommage que l’expérience de l’une ne serve pas aux autres si peu que ce soit. Je sais qu’il y a quatre associations de chômeurs et ne sais donc pas trop vers laquelle aller c‘est donc à vous que je m’adresse.
Je vous remercie de l’attention que vous aurez apportée à ce « choix de vie » ! Tout en me préparant, je reste à votre écoute car tout conseil est le bienvenu, je le sollicite même car se sera une première ! Je fais environ 80 kg bien gérés, je devrais durer un peu, volontaire puissance, je sais que j’irais jusqu’au bout. Ce n’est pas une question de peut-être ou pas, ça sera fait.
Il faut admettre, lorsqu’on s’est bien battue, que la solution est encore de partir en beauté !
Dans l’attente de vous lire,
Cordialement
Annie
Comme indiqué dans ma réponse personnelle à Annie je relais sa demande de soutien médiatique afin que vous puissiez vous exprimer sur son intention - sans la juger si possible ! -. Je pense que l'expérience collective et la grande expérience des échanges sur ce site peut aider Annie comme toute autre personne murissant un projet de "grève de la faim".Bonjour Annie,
Merci pour votre message et la confiance que vous nous accordez en exprimant votre situation. Vous vous doutez qu’une grève de la faim envisagée ne peut qu’interpeler celui ou celle qui en prend connaissance. Prenant acte de votre décision, et en profond respect de celle-ci, je vais vous répondre à titre personnel tout en me permettant de poser un cadre à notre échange.
Avant d’aborder le « fond » de votre message de manière détaillée, voici succinctement une description du fonctionnement de l’association « APNEE » - Alternatives pour une nouvelle économie de l’emploi - :
Celle-ci édite trois sites :
- Actuchomage : exclusivement consacré aux problèmes du chômage et de la précarité et, plus généralement, à la défense des Droits des actifs avec ou sans emploi ;
- Rénovation-démocratique.org : consacré à la rénovation des pratiques démocratiques et militant pour l’instauration d’une Vie République.
- Inter-Emploi : consacré à l’information sur les droits des actifs avec ou sans emploi ainsi qu’à l’appui par des supports interactifs pour le retour à l’emploi ou le changement d’activité.
Vous nous avez écrit par l’intermédiaire du 3ième site – Inter-Emploi – alors que je pense que votre initiative concerne et trouvera un écho plus solidaire ou contradictoire sur Actuchomage. Je relais votre message sur le forum de ce site tout en préservant votre anonymat afin de vous protéger, libre à vous de vous y exprimer et de lever celui-ci si vous le souhaitez.
A présent parlons de votre situation actuelle et du projet que vous envisagez de mettre à exécution. Si j’ai bien compris, vous êtes au chômage depuis 4 ans et venez récemment d’effectuer un CNE d’une durée de 3 mois dans une société de déménagement ; celle-ci a laissé dépasser la période d’essai et a indiqué un faux motif sur sa déclaration de fin de contrat. Vous avez été à l’inspection du travail pour les faire intervenir auprès de cette société afin de recevoir les documents nécessaires à l’ASSEDIC. Qui, selon vous, freine votre dossier ? Votre ancien employeur ? L’inspection du travail ? L’ASSEDIC ? Par contre, pour un « accusé de réception » la procédure veut que ce soit le facteur qui fasse signer le reçu et le renvoi à l’expéditeur. Certes, une complicité avec le destinataire n’est pas exclue…
Je compatie pour votre situation précaire d’autant que j’expérimente depuis quelques années l’accumulation du RMI et de surendetté « certifié Banque de France » avec une famille à charge. Pour votre grève de la faim envisagée je ne chercherai nullement à vous en dissuader. Tout juste me permettez vous de vous poser plusieurs questions de compréhension accompagnées de commentaires amicaux ?
Vous dites : « Et si ça peut servir à quelque chose pourquoi pas y mettre mon grain de sel ! ». Quelle cause comptez-vous associer à votre grève de la faim ?
- L’injustice du CNE ?
- La précarité obligée après 4 ans de chômage et la « maigreur » du RMI ou de l’ASS face au coût de la vie ?
- L’atteinte à votre dignité par cette succession d’incidents de vie qui vous amènent, à 54 ans, à attacher plus d’importance [légitime] au regard de votre famille –surtout de vos petits enfants – plutôt qu’à celui de la société insensible à votre détresse ?
Vous faites allusion à 4 associations parmi lesquelles vous nous choisissez pour « relayer l’information », quelles sont les autres et qu’est ce qui a motivé votre choix ?
- Vous trouvez qu’Actuchomage ou Inter-Emploi correspond davantage à votre vision d’une association utile aux « chômeurs » ?
- Vous trouvez que nos sites sont davantage lus et donc vous aurez une plus grande médiatisation de votre action ?
- Vous nous accordez une légitimité de média reconnu par ses pairs et par les acteurs sur l’emploi et la précarité ?
Enfin vous écrivez « ce serait dommage que l’expérience de l’une ne serve pas aux autres si peu que ce soit » ; vous parlez de votre expérience de « sénior au chômage » ou bien de celle, future, de gréviste de la faim ? Pour cette dernière hypothèse je vous trouve bien modeste car « donner sa vie » pour une cause quelle qu’elle soit est loin d’être « peu »…
En conclusion de mon propos en écho à votre mail, ma réponse est en copie au Président d’APNEE ainsi qu’à la personne qui anime (le mot est faible !) le site Actuchomage. Il leurs appartient de vous répondre officiellement sur votre demande de soutien médiatique. Vous faites allusion à votre poids ce qui peut indiquer que vous avez anticipé intelligemment un accompagnement physique extérieur comme tout « gréviste de la faim » qui n’entame pas une telle action par déprime ou suicide mais bel et bien pour agir sur un problème collectif bloqué.
Annie, j’admets bien volontiers que « lorsqu’on s’est bien battue, la solution est encore de partir en beauté ! ». Bien que comprenant l’état d’esprit dans lequel vous écrivez cela, je ne résiste pas à vous confier mon autre lecture qui s’appuie sur :
- Une bataille a toujours une fin qui veut qu’un nouveau départ soit la suite logique que l’on soit vainqueur ou vaincu ;
- « Partir en beauté » est relatif à une appréciation de goût ou de valeurs personnelles dont je me garderai bien de juger ou d’anticiper le jugement d’autrui ;
- Mon ressenti qu’il existe une femme telle que vous, digne et intègre, qui n’a de soif face à ses difficultés que d’agir pour ses semblables. La grève est-elle un bon choix de « départ » pour résoudre tant vos difficultés que celles vécues à l’identique par les autres ? Vous seule avez un élément de réponse…
Chaque année il y a l’un de nous qui « agit » médiatiquement soit par une marche à pied, soit en vélo, soit en vélo tractant une carriole. Les médias s’en font écho – pas toujours sympathiquement et souvent avec un « voyeurisme » bien calculé – puis distraient leurs lecteurs par d’autres « faits divers ». Si vous lisez les sites sur le chômage ou la précarité, vous y constaterez qu’il est très difficile de faire « agir ensemble » pour dénoncer, revendiquer, progresser … les chômeurs et précaires sur la triste réalité de leur quotidien.
Restant à votre écoute et vos réactions sur l’attention que je vous porte, vous pouvez compter sur mon sincère et cordial soutien.
Vincent
Animateur site Inter-Emploi
contact@inter-emploi.net
Merci pour vos futurs commentaires !
Le sondage n'a d'utilité que la courbe de réponses ou d'intérêt qui y est portée et ne se veut nullement scientifique ou critique.
Cordialement votre,
Vincent