faribole a écrit :par contre, j'ai l'impression (mais je peux me tromper) que ça concerne moins la génération des trentenaires actuels (dont je fais encore partie, mais plus pour longtemps

), cette question des "souffrances liées à l'inactivité forcée"...
Tu n'as pas tort.
Plus on vient de haut, plus dure est la chute.
Il y a deux gros facteurs qui déclenchent la dépression :
• quand on s'aperçoit qu'on a mangé son "pain blanc" (par exemple, après 20 ans de vie professionnelle où on a bcp donné, on se fait jeter comme une merde et on s'aperçoit qu'on est tombé dans un incroyable cul-de-sac : on est déjà trop vieux, trop cher, c'est retour à la case départ où il faut accepter le déclassement, le Smic et la précarité);
• quand on a subi des échecs répétés (réponses négatives, entretiens sans suite, espoirs déçus — c'est Sisyphe ! — auxquels viennent se greffer des pb personnels et financiers) et que l'usure, le découragement vous gagnent.
Tous les "experts" s'accordent pour dire que les victimes de dépression et de suicide ne sont pas les plus "faibles" : ce sont, au contraire, des gens très consciencieux (trop), très impliqués (trop) et réfléchis. Mais ils sont comme le chêne déraciné par la tempête, alors que le roseau ploie mais ne rompt pas.
Il y a effectivement un conditionnement de départ (la "valeur travail" et l'obligation de "réussite", sinon de "normalité" inculquées par notre société), certainement typique d'une génération arrivée en queue de comète des Trente glorieuses, qui se met subitement à jurer avec la réalité. On se retrouve dans une situation de
dissonance cognitive : ce que l'on croyait vrai et ce que l'on croyait être ne colle plus avec cette réalité, tout cela n'était qu'imposture. On a perdu ses repères, on découvre que les valeurs auxquelles ont adhérait sont fausses, on ne se reconnaît plus là-dedans, on n'arrive plus à se situer et c'est ça qui est déstabilisant, puis de + en + douloureux. Car à cela il faut rajouter le regard des proches et de la société qui peu à peu vous considèrent comme un raté, un paria. C'est cette violente prise de conscience qui fait le plus mal.
Pour s'en sortir, de chêne il faut apprendre à devenir roseau, donc réinitialiser totalement son logiciel. Et cette période de réinitialisation est longue et difficile, surtout quand le logiciel était gros et bien installé.
Il y a des gens qui sont mieux armés que d'autres pour ne pas succomber. Tout dépend de l'éducation et de l'amour qu'on a reçu (la capacité à garder confiance en soi vient de là). S'il y a eu des lacunes dans l'enfance et l'adolescence, elles ressortent, et c'est le travail du psy d'aider ces personnes à les combler au présent. Reconstruire son identité et en être à nouveau fier dans un monde qui marche à l'envers.