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Vous trouverez dans ce texte une analyse montrant la contradiction fondamentale entre:
néolibéralisme et prospérité pour tous.
néolibéralisme et démocratie.
néolibéralisme et liberté.
Je me suis permis de mettre en bleu un passage. J'espere que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.

C'est fou ce qu'on peut trouver en tapant dans un moteur de recherche : concentration des richesses néolibéralisme.Dimitris Fasfalis
29 septembre 2009
Les réformes néolibérales sont toujours plaidées sous le signe de la nécessité. Elles seules peuvent assurer, nous dit-on, la prospérité de la collectivité. Il s’ensuit donc qu’elles représentent le bien commun. Naomi Klein lève le voile sur ce mythe des « retombées de la croissance », invoqué si souvent pour justifier la sainte trinité néolibérale : privatisations, libéralisation, rigueur budgétaire.
La concentration des richesses et du pouvoir
La logique de cette thèse des « retombées » voudrait que l’ensemble de la population profite de mesures favorisant le capital car, au final, les profits d’aujourd’hui seront les investissements (et donc les emplois) de demain, etc. Qu’en est-il après trois décennies de capitalisme néolibéral ? En 2006, une étude des Nations Unies constatait, à l’échelle mondiale, que les 2% de la population adulte la plus riche possédaient plus de la moitié de la fortune des ménages. Aux Etats-Unis, un PDG gagnait en 2006 411 fois le salaire moyen d’un travailleur, alors qu’en 1980 ce rapport était de 43 fois. Au lieu de « retombées », le programme néolibéral génère une polarisation sociale qui, suivant l’analyse de David Harvey, est le corollaire d’un projet de classe visant à concentrer le pouvoir et les richesses entre les mains des plus riches.
Le pillage néocolonial
Cette refondation de l’ordre économique ne se limite pas aux pays industrialisés. Pour les pays du Sud, elle a été en quelque sorte un deuxième pillage colonial. Le front pionnier de cette accumulation primitive est constitué des différentes formes de biens communs : gestion des eaux, gaz naturel, mines et usines, hôpitaux, universités, télécommunications, infrastructures de transport, banques publiques, etc. L’accumulation effrénée des trente dernières années s’est donc nourrie de l’incorporation dans le circuit du capital d’une part toujours croissante de biens collectifs qui en étaient jusque-là exclus.
L’idée que les politiques néolibérales sont dans l’intérêt de la collectivité imprègne toujours le discours public. A un point tel que les débats sur les politiques de relance face à la crise ne font mention d’aucune responsabilité de l’idéologie néolibérale dans le chaos actuel. Certains ont affirmé que cette crise signalait la fin du néolibéralisme. Or la fin de son hégémonie ne peut être assurée que par une critique de ses principales thèses aboutissant à une nouvelle configuration du discours. Pour l’instant, le monde demeure prisonnier de cette camisole de force.
L’idée que le capitalisme et la liberté sont indissociables et complémentaires est au cœur de la pensée néolibérale. Compte tenu des implications de cette idée, l’ouvrage de Naomi Klein tente de réfuter ce noyau dur néolibéral par le recours aux faits. Cette critique empirique ne tente cependant pas de résoudre la contradiction profonde qu’elle met en lumière entre capitalisme et démocratie.
De la théorie à la pratique
Aux yeux des néolibéraux, capitalisme, libertés et démocratie ne forment qu’un seul projet social. Cette vision du monde est contenue par exemple dans la « Stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis » adoptée par l’administration Bush en 2002 : « Les grands combats du XXe siècle entre liberté et totalitarisme se sont soldés par une victoire décisive des forces de la liberté – un modèle durable et unique pour la réussite nationale : liberté, démocratie et liberté d’entreprendre. » Pourtant, la question de la démocratie et des libertés fondamentales pose de nombreux problèmes dans la pratique du néolibéralisme. Dans un rapport destiné aux « décideurs » et datant de novembre 2001, Paul Bremer, avant d’être le chef de l’occupation en Irak, expose la racine de ces problèmes. Le libre-échange, dit-il, a favorisé une création de richesses sans précédent dans le monde, mais ce modèle économique a également suscité « des écarts de revenus croissants et des tensions sociales ». Dans ce contexte, le mécontentement ambiant peut se traduire par des attaques contre les multinationales américaines à l’étranger. S’ensuit donc l’impératif d’investir dans la « sécurité ». Le problème posé est alors celui de l’impopularité du programme néolibéral et des diverses formes de contestation qu’il suscite.
Main dans la main avec l’autoritarisme
L’apport de l’enquête de N. Klein réside justement dans son talent à montrer le visage réel du néolibéralisme, ou plutôt son visage pratique, que n’assument pas les néolibéraux. Afin de résoudre le problème de la contestation que génère le modèle néolibéral, les classes dirigeantes ont opté pour la dictature, la terreur policière, la coercition économique et l’autoritarisme. Paradoxalement, ce sont ceux qui luttent contre le règne sans partage du capital qui incarnent les libertés fondamentales telles que formulées par les penseurs libéraux du XVIIIe siècle, alors que les néolibéraux, quoi qu’ils en disent, sont dans le camp de l’ordre, de la répression et de l’intolérance.
Orlando Letelier, proche collaborateur de Salvador Allende, critiquait déjà en 1976 la dissociation opérée par les néolibéraux entre d’une part, thérapies de choc économique, et d’autre part, suppression des droits et libertés. « Le plan économique devait être imposé et dans le contexte chilien cela ne pouvait être fait que par le meurtre de milliers de personnes, l’établissement de camps de concentration à travers tout le pays, l’emprisonnement de plus de 100 000 personnes en trois ans… Régression pour la majorité et « liberté économique » pour de petits groupes de privilégiés sont au Chili les deux côtés de la même pièce. »
La souveraineté confisquée
Même lorsque les règles du jeu parlementaire sont respectées, l’ordre néolibéral limite sérieusement la souveraineté populaire. N. Klein met en lumière cette limitation à travers plusieurs cas étudiés, notamment celui de l’Afrique du Sud des années 1990. Lorsque l’ANC de Nelson Mandela remporte les élections historiques de 1994 et met fin au régime d’apartheid, les traits de ce qui est à venir sont esquissés par la Charte de la liberté (1955). Celle-ci stipule entre autre que la richesse du pays « devra être restaurée au peuple » et à cette fin les richesses du sous-sol, les banques et la grande industrie deviendront la propriété de la nation. Quinze ans plus tard, l’Afrique du Sud connaît un taux de criminalité record, une pauvreté de masse et des pogroms populaires contre les immigrés – autant dire que la Charte de la liberté n’a pas été réalisée.
Des changements fondamentaux dans la structure du pouvoir de ce pays sont intervenus lors de transition démocratique de 1994. La minorité blanche obtient l’indépendance de la banque centrale, le gouvernement ANC signe le GATT, la dette publique héritée de l’apartheid est reconnue par le nouveau gouvernement et un prêt d’assistance est contracté auprès du FMI. Le projet social qu’exprime la Charte de la liberté ne pouvait dès lors se réaliser faute des leviers nécessaires. Ces derniers ne sont plus dans les mains des représentants du peuple, ils sont passés vers d’autres centres de décision : OMC, FMI, banque centrale indépendante, Banque mondiale, la City de Londres, Wall Street. « On a obtenu l’Etat, où est le pouvoir ? » telle est la blague amère qui circule parmi les dirigeants de l’ANC peu après leur arrivée au pouvoir.
Le capitalisme sans ses excès
La critique formulée par Naomi Klein à l’encontre du capitalisme néolibéral s’inspire toutefois d’une perspective pragmatique et ne permet pas de trancher dans l’antagonisme entre capitalisme et démocratie. John M. Keynes apparaît comme l’économiste ayant trouvé le « juste milieu » entre équité sociale, démocratie et dynamisme capitaliste. Ce qui dérange profondément N. Klein dans le néolibéralisme est son système théorique fermé et absolu, tentant la réalisation d’une utopie et débouchant sur un fanatisme intolérant. A ses yeux, le néolibéralisme est en cela proche du marxisme (qu’elle ne distingue pas du stalinisme). Une telle conception du rôle des idéologies présente le risque de laisser ouverte la porte aux théories du complot, faisant de Milton Friedman et de l’école de Chicago les responsables ultimes de la misère humaine. L’absence d’une analyse soucieuse de l’ancrage social-historique des idées est donc la principale faiblesse de cet ouvrage.
Explorer les raisons d’être sociales du rejet du keynésianisme par les classes dirigeantes dans les années 1970 ou encore les raisons de leur adhésion au néolibéralisme à la Friedman semble être un prolongement nécessaire à l’analyse de Klein ; prolongement qui tend à démontrer que le « juste milieu » équitable est tout aussi difficile à trouver dans le capitalisme qu’il ne l’est de lui interdire ses excès ou bien, comme diraient certains, de le « moraliser ».