Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

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stm_artin

Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

Message par stm_artin »

Bonjour,
Hier j'ai rencontré une personne completement par hazard (du commerce illégal par internet certainement...) et je vous propose la retranscription de cette conversation.
moi: alors vous faites quoi dans la vie?
la personne: Je suis dans l '**** [1]

moi: Et ça va? vous vous en sortez bien financierement?
la personne: En fait je suis au RSA et je travail 6 heures par semaines.

moi: Ah! comme beaucoups aujourd'hui.
la personne: Oui la crise frappe durement.

moi: Avez vous pensé à militer?
la personne: Je passe ma journée à chercher du travail, je n'ai pas le temps de militer; et d'ailleurs militer pourquoi faire la société est comme ça on y peut rien.

moi: la société c'est vous et moi.
la personne: certes mais quand j'entends certaines choses dans le cadre privé (famillial en l'occurence), je crois qu'il n'y a plus rien à faire.

moi: De quoi parlez vous, qu'avez vous entendu?
la personne: Je parle de quelqu'un que je connais tres bien et qui à mis sur son compte facebook qu'elle en avait marre d'avoir du mal à finir le mois alors que d'autre se la coulent douce au RSA. Et cette personne, bien qu'ayant une tres bonne situation (commerçant), conclue en ces termes: "Allez! les parasites au travail"

moi: Si vous ne trouvez pas de travail, ce n'est pas de votre faute, savez vous que le taux de chomage effectif dépasse les 20%? Cette personne est une imbécile. Heu, en fait meme pas; cette personne est une hypocrite qui fait semblant de croire que les précaires sont des fénéants qui ne veulent pas travailler. C'est plus facile de stigmatiser les chomeurs que d'affronter la réalité du chomage de masse. Certains sont prets à tout quand ils vivent dans la peur de descendre l'echelle sociale. Tapper sur les miséreux leur donne l'illusion d'appartenir à une élite mais regarder en face la cause du probleme demande un courage qu'elles n'ont pas.
la personne: C'est rare d'entendre ça.

moi: Eh bien en fait non, ce n'est pas rare d'entendre ça. C'est rare dans les médias, mais dès qu'on eteint sa télé et que l'on va au contact des gens la musique est complétement différente.
Mais si non, franchement, vous ne trouvez pas qu'il y a de l'abus? Je veux dire que le chomage à permis un retour en arrière d'un siécle avec la destruction méthodique des acquis sociaux.

la personne: Oui peut etre, mais en fait ce que je cherche, c'est du travail. Je veux etre active dans la société, je veux participer. Les acquis sociaux ça n'a pas vraiment de sens quand on est en activité réduite.

moi: et la destruction du droit du travail?
la personne: Il ne peut pas y avoir de droit du travail quand on n'a pas accès à l'emploi.

moi: connaissez vous les associations de chomeurs sur Bordeaux?
la personne: non

moi: et bien en fait il y a AC gironde, l'APEIS et le MNCP.
la personne: Oui mais, est-ce que ces associations sont politisées?

moi: Il est difficile de répondre à cette question mais je dirais que oui.
la personne: tres bien, (elle prend un papier et un crayon). Redites moi le nom des associations.

moi: AC gironde, APEIS, MNCP. Mais pour revenir sur la politisation, ces associations aspirent toutes régler le probleme du chomage, c'est la façon d'y parvenir qui à mon sens les différencie. En ce sens oui, ces associations sont politisée car elles mettent en avant des solutions politiques...
On constate une certaine méfiance de récupération politique et d'instrumentalisation des chomeurs à des fins intéressées.
On constate par ailleurs que cette personne est complétement dépolitisée. Elle ne se reconnait dans aucune formation politique associe la notion de lutte des classes au totalitarisme. Elle se sent completement impuissante et attend que le changement vienne par l'opération de la providence. Ce qui explique par ailleurs la méfiance de la récupération politique.
Cette personne qui est dans la trentaine déclare avoir travaillé 2 ans dans sa vie et se montre extrèmement angoissée par cette situation.
Elle est qualifiée au sens ou elle à suivit une formation professionnelle.
Elle ne trouve pas d'emploi malgré ses efforts incessants et qu'elle se soit plié à toutes les exigences de pole emploi en matiere de dispositif d'insertion.
Cette personne n'est meme pas en colere. Elle est abattue et vit dans la peur du lendemain (celle de se retrouver à la rue).
Elle ne se sent pas la force de prendre l'initiative de créer un réseau militant mais il semble qu'elle serait susceptible de s'investir si elle trouvait un message qui lui parle et un encadrement.
Elle déclare qu'elle votera en 2012 mais ce ne sera pas un vote de conviction, ce sera un vote d'opposistion et de résignation.
Elle pense qu'apres cette élection, quellequ'en soit l'issue, sa situation va encore se dégrader et que l'enjeux de ce scrutin est seulement de savoir à quelle vitesse.
Sa résignation se révéle en fait dans cette simple phrase: "qu'est ce qu'on peut faire?".

[1] je ne met pas la branche d'activité parceque ça aurait pu etre n'importe quoi, d'ou les ***
Dernière modification par stm_artin le 25 nov. 2011, modifié 9 fois.
stm_artin

Re: Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

Message par stm_artin »

Nous avons là l'exemple meme de l'inaudibilité de la gauche socialiste ou communiste. Nous payons la chutte du mur de Berlin les révélations sur l'URSS et la compromission du parti communiste français de l'apres guerre. Cependant, la réalité de la lutte des classes n'a pas changée. Elle est meme plus que jamais d'actualité. Ce qui a changé c'est la perception que le publique peut en avoir(ça sert d'avoir 90% du paysage audiovisuel).
Ce concept est remarquablement puissant et dangereux contre une droite qui passe progressivement du bleu au maron; car c'est le seul qui ai réussit à renverser l'odre ploutocrate.
C'est en s'attaquant à ce concepte que l'idéologie néolibérale a remporté son succes le plus phénoménal de quasiment annihiler un siécle et demi de luttes sociales (la lutte des classes). Elle ne fait pas de distinction entre le fascisme et le bolchevisme. Sous couvert de cette imposture elle déclare l'état comme totalitèrogène et toute référence à la lutte des classes porte le germe de la terreur bolchevique ou fasciste. On se moque de savoir si précisément les nazis réfutaient ce concept de lutte des classes. On se moque de savoir s'ils le considéraient comme le pire poison de l'esprit. On se moque que ces derniers aient répondus à ce concept par celui de communauté de peuple. Mais dans les faits, la loi de l'electron libre dans une société dépolitisée n'est autre que la communauté de peuple d'aujourd'hui. A chaque époque son fascisme pourrions nous dire.
J'en profite, tant que je suis sur le point godwin, pour mensionner que l'idéal fasciste est de constituer une élite d'être supérieurs. Je me permet alors de noter que l'électron libre évoluant dans un univers de concurrence dont l'enjeu est sa propre survie, n'est pas tres éloigné des notions de vitalisme de selection naturelle caractéristique de l'idéologie brune.
C'est pourquoi, il ne faut rien lacher sur la de lutte des classes, assumer notre héritage, faire face à ce qu'il a produit de pire mais surtout ne pas oublier ce qu'il a créé de mieux.
Serge Halimi dans son livre le grand bond en arrière dit:
La différence entre les bolcheviques et les nazis, c'est que les premiers trahissaient leurs idées tandis que les autres les appliquaient.
plouculot

Re: Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

Message par plouculot »

je fréquente les chomeurs depuis mon premier licenciement économique en 1977, aujourd'hui le chomeur est désemparé,les syndicats s'en foutent pas mal,les assos sont dans les grandes aggomérations chacun préche pour sa chapelle,il n'y a personne au bout du fil,les chomeurs sont seuls et doivent survivre.
trepalium

Re: Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

Message par trepalium »

@Plouculot :

Il y a une vie avant et après le travail. S'il n'y a pas de travail, une autre vie continue.
Il vaut mieux être en galère actuellement que d'être salarié, parce que l'on est plus débrouillard. Beaucoup de salariés sont immatures sur le monde du travail de requin qui les entourent. Ils ne s'imaginent pas être concernés. Je ne sais pas si je serais capable de tendre la main à ceux qui nous ont craché à la gu... avant, du temps où l'on étaient beaux, performants et compétents.
+++++
AVENIRSENIOR

Re: Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

Message par AVENIRSENIOR »

C'est surtout une roue qui tourne...

Tandis que lorsqu'en 1983, je voyais les "40 - 50 ans" galérer, je pensais que du haut de mes 24 ans, le monde m'appartenait. Je bossais dans les plus grosses boîtes, bon salaire, la joie de vivre...

En 1985, j'ai vu ma mère se faire licencier d'une grosse taule... Alors que mon père l'avait été dès 1966... (même grosse boîte)... Celle dont les travailleurs ne parvenaient pas à l'âge de la retraite !

Ensuite, la crise se durcissait.... Les licenciements, les successions de plans en tout genre nous démontraient que nous étions dans une autre époque. Année par année, avec l'âge tu découvres les ravages...

Aujourd'hui, à 52 ans, je vois que la roue à tournée ! Je vois les jeunes se lancer des challenges pour survivre, démarrer....
Et je me dis, rien à changé. Le monde était déjà comme ça pendant ma jeunesse, mais selon les âges que nous atteingnons, nous n'avons plus la même place ni les mêmes rôles !

Les gens souffrent, trinquent, mais ils sont silencieux. Ils n'en veulent juste qu'à leurs voisins, leurs collègues... Jamais aux organisateurs ! Curieusement...
maguy

Re: Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

Message par maguy »

mais ils sont silencieux. Ils n'en veulent juste qu'à leurs voisins, leurs collègues...
Et oui ! la lâcheté est le propre de l'homme (au sens humain). C'est tellement plus facile d'en vouloir à son voisin que de se poser les bonnes questions !
AVENIRSENIOR

Re: Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

Message par AVENIRSENIOR »

Ce qui donne malgré tout une réponse claire : nous sommes également impliqué dans le déroulement du système.

Tant que nous sommes "inclus" nous ne pensons pas aux autres.
Ce n'est que lorsque nous sommes concernés que nous voulons que le système change.
Honnêtement, je ne pense pas un seul instant à d'hypothétiques changements.
stm_artin

Re: Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

Message par stm_artin »

AVENIRSENIOR a écrit : Aujourd'hui, à 52 ans, je vois que la roue à tournée ! Je vois les jeunes se lancer des challenges pour survivre, démarrer....
Et je me dis, rien à changé. Le monde était déjà comme ça pendant ma jeunesse, mais selon les âges que nous atteingnons, nous n'avons plus la même place ni les mêmes rôles !

Les gens souffrent, trinquent, mais ils sont silencieux. Ils n'en veulent juste qu'à leurs voisins, leurs collègues... Jamais aux organisateurs ! Curieusement...
Les jeunes pensent en effet que l'avenir leur appartient mais le chomage des jeunes est le plus élevé. Il n'est pas rare d'entendre la phrase suivante:
"je n'ai pas assez d'expérience pour etre embauché."
Le mécontentement est présent dans cette tranche d'age. Je crois qu'ils n'ont aucune illusion sur leur avenir à long terme. C'est à nous les ainés d'aller vers eux de leur proposer de travailler ensemble, de s'intéresser à la façon dont ils perçoivent les choses, de leur donner l'opportunité d'avoir des responsabilités dans différents mouvements. A combien estiment ils leur chance d'acceder à l'emploi donc de survivre?
Les jeunes espagnols ont bougés dans le mouvement de indignados. Mais cela n'a pas eu l'issue souhaité. Nous vivons en europe aujourd'hui et il est claire que nous n'arriverons à rien si nous ne prenons pas en compte cette réalité.
Tout le monde perçoit qu'il n'y aura plus jamais de plein emploi, les jeunes aussi. Toute la question est de savoir comment ils comptent gérer cette situation. Sont ils dans une optique de mercenaire, prets à écraser leurs petits camarades et leur ainés dans l'espoir de tirer leur épingle du jeux (jeux ou, par ailleurs, il y a de moins en moins de gagnants)? Ou sont ils dans une optique d'un mouvement intergénérationnel gagnant gagnant?

Quand à toi AVENIRSENIOR, reléve la tete car il y a des solutions, c'est la mobilisation qui pêche. On est dans la force de l'age à 52 ans. C'est parceque les entreprises pratiquent le jeunisme que tu es sans activité, pas parceque tu ne vaux rien. Ce que tu vaux c'est ce que tu vas faire en fonction de ce que tu vas estimer etre ton devoir d'ainé, c'est la foi que tu va avoir pour te moquer du qu'en dira t on et aller au charbon un tracte à la main.
Tu dis que le monde était déja comme ça dans ta jeunesse, et bien il faut savoir qu'en 1983 c'est la que le monde à basculé pour de bon. Mais avant cela, le monde n'était pas comme ça.
Dernière modification par stm_artin le 26 nov. 2011, modifié 2 fois.
Hector

Re: Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

Message par Hector »

La spécificité des jeunes d'aujourd'hui, c'est aussi qu'ils n'attendent plus après un travail pour se réaliser. Déprimer parce qu'on a perdu son taf, c'est surtout un truc de " vieux " je pense ...

Aussi, j'ai ce double handicap,... celui d'être à la fois un " vieux " a qui on ne la fait plus et d'avoir cette mentalité de jeune, sur qui les discours productivistes n'ont aucune prise. Du reste, je ne me suis jamais senti aussi actif depuis que je suis au chômage, merci pour ceux qui s'en inquiètent !
Dernière modification par Hector le 26 nov. 2011, modifié 1 fois.
stm_artin

Re: Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

Message par stm_artin »

Hector a écrit :La spécificité des jeunes d'aujourd'hui, c'est aussi qu'ils n'attendent plus après un travail pour se réaliser. Déprimer parce qu'on a perdu son taf, c'est surtout un truc de " vieux " je pense ...

Perso, j'ai ce double handicap, celui d'être un " vieux " a qui on ne la fait plus, avec cette mentalité de jeune, sur qui le discours productiviste ambiant ( de droite comme de gauche ), n'a plus aucune prise. Du reste, je ne me suis jamais senti aussi actif depuis que je suis au chômage, merci pour ceux qui s'en inquiètent !
La demoiselle de l'entretien est tres active elle aussi, malheureusement, il faut voir ses conditions d'existence. Comment font les jeunes pour avoir un revenu? Parce que sans revenu, dans le dénuement, il me semble difficile de se réaliser. Les jeunes sont la catégorie qui présente le plus fort taux de pauvreté me semble t il. Etre au RSA aujourd'hui c'est la misère assurée. Il faut compter le moindre centime et sauter des repas. Les tres jeunes n'ont pas acces au RSA. Pour ceux là, certains on la chance (si on peut appeler ça une chance) de pouvoir rester chez leurs parents mais les autres... Pour ceux qui n'ont pas de soutien famillial, il est tres difficile voir impossible de trouver un logement il y a des délais de 1an minimum pour avoir acces à un logement social.
On voit des sdf de plus en plus jeunes.
Dernière modification par stm_artin le 29 nov. 2011, modifié 1 fois.
tristesir

Re: Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

Message par tristesir »

Quand quelqu'un obtiendra un entretien avec un très riche on pourra titrer la retranscription: "entretien avec un vampire" 8)
AVENIRSENIOR

Re: Pourquoi le découragement - entretien avec un précaire

Message par AVENIRSENIOR »

Quand à toi AVENIRSENIOR, reléve la tete car il y a des solutions, c'est la mobilisation qui pêche. On est dans la force de l'age à 52 ans. C'est parceque les entreprises pratiquent le jeunisme que tu es sans activité, pas parceque tu ne vaux rien. Ce que tu vaux c'est ce que tu vas faire en fonction de ce que tu vas estimer etre ton devoir d'ainé, c'est la foi que tu va avoir pour te moquer du qu'en dira t on et aller au charbon un tracte à la main.
Tu dis que le monde était déja comme ça dans ta jeunesse, et bien il faut savoir qu'en 1983 c'est la que le monde à basculé pour de bon. Mais avant cela, le monde n'était pas comme ça.

Je te rassure, je m'occupe de mille manières... Je valide un deuxième bac + 5 en droit social. J'aide les gens (uniquement les salariés, ex-salariés) à monter leurs dossiers...
Je m'occupe des proches, des amis de mes proches...
Une activité "artificielle" car non rémunérée.

Je suis formatrice à l'occasion (qui devient de plus en plus rare, même dans les hôpitaux !) et je prends les missions seulement si elles me semblent intéressantes pour moi et uniquement pour moi. Il ne sera plus jamais question que j'aille me faire embaucher dans un buibui pour ensuite finir en Référé, ou autre tribunal ! Terminé. Le devoir de l'Etat est de veuiller au respect des lois sur son territoire. Faute de voir cette première obligation se pratiquée, j'estime en mon devoir de ne pas servir dans de telles conditions.
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