Ce lieu pourtant historique des mouvements sociaux et révolutionnaires serait il en effet devenu un parc de bovins en attente de passer à la moulinette du chomage et des bas salaires, anesthésiés devant une oligarchie clairement perçue comme un pouvoir oppresseur. Car on ressent au quotidien cette prise de conscience, que ce soit par le propos d'un voisin ou que ce soit en surprenant une conversation au coin de la rue. Malgré cela, personne ne descend dans la rue avec fourches et pioches au son des "ah! ça ira": Pourquoi?
Cette question revient souvent dans les réunions militantes. Pourquoi, alors que tout le monde a compris, les gens ne viennent ils pas en masse renverser cette dictature ploutocrate?
S'il n'y a pas de réponse absolue à cette question on peut cependant mettre en perspective quelques éléments.
Ian Kershaw dans son livre: l'opinion allemande sous le nazisme fait état de l'abattement et de la résignation que l'on peut observer chez des populations oprimées:
Et qu'avons nous aujourd'hui?La dislocation de la société n'engendre jamais qu'apathie, confusion et désespoir. Si elle a toute les chances de rendre la population maléable, elle peut la rendre maléable à des formes d'autorité nouvelles et oppressives. En fait, la destruction complète des institutions et des formes de coopération traditionnelles peut rendre toute résistance impossible, voir impensable en détruisant la base meme sur laquelle elle pourrait se former.
Nous constatons effectivement une dislocation de la société ainsi que la confusion, l'apathie et le désespoir qui en découle. Pourtant, il n y a pas eu cette destruction totale des formes de coopération traditionnelles mentionnées dans cet extrait de Kershaw. En effet, les syndicats, les partis politiques meme anticapitalistes, et les associations diverses et variées sont toujours présente dans le paysage social. Non, les causes de la dislocation sont à chercher ailleurs dans modèle de développement néolibéral et ses représentations symboliques. C'est d'ailleurs là que cette idéologie montre toute sa puissance et quelque part son géni.
Les mécanismes de l'individualisme radical et leurs conséquences sur la nature du lien social [1] sont tout aussi efficaces pour anesthésier les masses que la destruction autoritaire et brutale des institutions et des formes de coopération traditionnelles.
Sans pour autant considérer qu'a lui seul ce mécanisme explique la démobilisation, il ne fait à mon sens aucun doute qu'il y participe largement.
Il reste alors la question de la forme nouvelle d'autorité et de répression. Sur ce sujet, le constat est accablant car il existe bel et bien une forme nouvelle de répression. La fin logique pour celui qui ne trouve pas sa place dans cet environnement de concurrence est, soit parcequ'il ne fait pas allégence soit parcequ'il ne présente pas les caractéristique physique de force, de beauté plastique ou les qualités intellectuelles requises, de finir à la rue. Nous sommes face à un mode de répression particulièrement incidieux et brutal. Grace au travail de longue haleine des associations de chomeurs au sein des cll notamment, nous pouvons affirmer que les personnes sans domicile fixe le sont bien souvent parce que le marché du travail ne permet plus d'absorber tous les demandeurs d'emploi. Malgré tout cela, la société disloquée, maléable, en butte à l'apathie accepte sans réagir.
A venir:
-> Les restes des trentes glorieuses atténuent l'onde de choc de la crise:
-> La panne idéologique et le grand chantier de la reconstruction sociale:
[1] l'individualisme radical neutralise politiquement le lien social en faisans de son prochain un objet de consommation
stm_artin
