Je reposte ici le communiqué du MUNCI sur le chômage des informaticiens, publié à l'occasion de la récente prise d'otages dans une agence Pôle Emploi du XIe ardt...
Tout en condamnant et regrettant vivement l’acte de ce "désespéré" (informaticien parisien de 45 ans, chômeur de longue durée), le MUNCI rappelle que le secteur n’est en aucun cas dans une situation de plein-emploi avec plus de 31.000 informaticiens au chômage en France et une discrimination à l’embauche des seniors qui perdure malgré les "difficultés de recrutement" (14% de seniors seulement dans l’informatique, contre 25% sur l’ensemble des métiers).
En présentant régulièrement le secteur informatique comme un eldorado pour l’emploi, où la "pénurie d’informaticiens" et les "difficultés de recrutement" font rage (et amènent notamment nos employeurs à chercher nécessairement de la main d’œuvre à l’étranger…), les médias prêtent exclusivement l’oreille à nos seuls dirigeants - notamment ceux des SSII et du Syntec numérique - et occultent deux réalités :
• LA PREMIÈRE est celle d’un marché du travail fortement cyclique où le chômage est une réalité (on dénombre fin août 2011 plus de 31.000 informaticiens au chômage en France, soit environ 6,3% de la profession) et où le plein emploi ne dure jamais bien longtemps.
Les "difficultés de recrutement" y sont relatives et concernent principalement les SSII - principaux employeurs du secteur - en raison d’un déficit d’attractivité lié principalement à des problèmes de salaires, de management/GRH, de contraintes et spécificités propres à la prestation de services (telle que la recherche de profils “sur mesure” avec des critères de recrutement particulièrement sélectifs comme le jeunisme) et, plus généralement, de modèle socioéconomique trop souvent basé sur le moins-disant social et professionnel (intérim déguisé, réduction des coûts…).
• LA SECONDE est celle d’un secteur où la discrimination à l’embauche sur l’âge est particulièrement fréquente et où le taux de seniors ne dépasse pas les 14% (contre 25% sur l’ensemble des métiers), soit l’un des taux les plus faibles de tous les secteur d’activité.
Elle commence dès l’âge de 35/40 ans dans nos métiers, principalement pour les profils les plus techniques (à savoir les développeurs, ingénieurs systèmes/réseaux, administrateurs… qui représentent la grande majorité des postes d’informaticiens) et résulte le plus souvent du dictat des clients qui laissent aux SSII la responsabilité d’assumer le recrutement et la gestion des compétences des informaticiens, tout en leur imposant leurs critères de sélection avec une présentation préalable des candidats (et sélection sur CV).
Ainsi, le secteur s’enfonce toujours plus dans un modèle économique basé sur le jeunisme, avec une accélération rapide et illusoire des débuts de carrière qui s’avère dangereuse au final pour l’allongement des durées d’activité, où les marges sont faites principalement sur les jeunes et où les plus expérimentés se retrouvent paradoxalement les moins employables, notamment pour des questions de maitrise des coûts salariaux, de mobilité professionnelle /géographique et d’actualisation des connaissances.
Selon les conditions de marché (mais aussi le profil et le bassin d’emploi bien sûr), les reconversions d’informaticiens sont fréquentes passé la quarantaine.
En réalité, le profil type du candidat recherché sur notre marché du travail est l’ingénieur informaticien francilien, jeune et expérimenté (mais pas trop non plus). Il est vrai que ce profil n’est généralement pas le plus en difficulté… mais c’est là une vision parisianiste et réductrice de la réalité puisque ce stéréotype ne correspond grosso-modo qu’à 40% des postes.
Dans un contexte de chômage de masse perdurant en France depuis plusieurs dizaines d’années, le mythe des “pénuries de main d’œuvre” est en fin de compte un triple fond de commerce :
• Médiatique : la “pensée unique” est particulièrement forte sur ce sujet !
Or, relayer les difficultés de recrutement dans l’informatique sans en rechercher les causes (autres qu’un hypothétique manque de diplômés), c’est méconnaître les réalités de notre marché du travail, ou plutôt ne pas chercher à les connaître.
Propager le mythe de la pénurie d’informaticiens relève d’une véritable indécence qui porte un réel préjudice moral aux chômeurs de nos professions. Certains journalistes oublient hélas leur plus élémentaire déontologie professionnelle quant ils n’ont d’oreille que pour les “sources patronales”…
• Patronal :
Le patronat craint par dessus-tout le plein emploi car c’est contraire à la flexibilité et aux profits. Un marché du travail équilibré est forcément un marché de… "pénurie" !
Exagérer sciemment les “difficultés de recrutement” a toujours été un moyen stratégique pour les SSII de légitimer davantage le recours à l’
offshore et à l’immigration économique depuis les pays à bas coûts (très souvent synonyme de dumping social…), réduction des coûts oblige !
Autre intérêt : bénéficier des fonds publics (Pôle-emploi, régions…) pour former à la va-vite des non-informaticiens à nos métiers.
• Politique :
Une aubaine pour le gouvernement, car cela permet de détourner l’attention de l’opinion portée sur le chômage de masse… mais aussi d’exaucer les lobbies patronaux en toute légitimité.
http://munci.org/Prise-d-otage-Pole-emp ... ns-seniors