Eric Woerth veut harmoniser la tarification des appels surtaxés vers les services publics au prix d'une communication locale. Le ministre du Budget pourrait ainsi mettre fin à une pratique à la limite de la légalité.
Eric Woerth vient d'ouvrir la chasse aux numéros surtaxés. Le ministre du budget a annoncé, jeudi 6 septembre, le lancement d'un travail d'évaluation de l'impact d'une facturation au prix d'une communication locale de tous les appels vers les services publics.
Pour l'instant, seuls les appels vers les services du ministère du Budget seront prochainement facturés au prix d'une communication locale. Cette mesure concerne deux services : le Centre impôt service (0,12 € par minute) et Info Douane Service, qui reçoivent, à eux deux 1,3 million d'appels par an.
Eric Woerth a ainsi réagi à un rapport d'audit coordonné par l'Inspection générale des finances, sur l'accueil à distance dans les services publics. Ce document, publié en juin dernier, souligne la diversité "inutile et très opaque" des pratiques de tarification des appels vers les administrations. Ses auteurs estiment d'ailleurs possible un abaissement "assez général et substantiel" des tarifs.
Impossible pour l'instant de savoir combien l'utilisation de ces numéros a rapporté aux services de l'Etat. Néanmoins, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) estime qu'ils ont généré près de 2,4 milliards d'euros de revenus à leurs éditeurs et aux opérateurs en 2006.
Au cours des dernières années, les numéros à tarifications spéciales se sont développés au sein des entreprises privées et se sont propagés à l'administration. Pourtant, depuis la loi sur l'économie numérique de 2004, certains services sociaux devraient mettre en place des numéros d'appels gratuits depuis des téléphones fixes et mobiles. Un décret en Conseil d'Etat doit déterminer chaque année la liste des organismes concernés. Or trois ans après le vote de la loi, aucun décret n'a encore été publié. Deux sénateurs, Roland Courteau (PS, Aude) et Jean-Louis Masson (NI, Moselle) s'en sont ému au cours du mois d'août, en questionnant par écrit la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, dont la réponse se fait toujours attendre.
"Les usagers acceptent de moins en moins de devoir appeler des numéros surtaxés autrement que pour payer la fourniture d'un service marchand", note l'Arcep dans un avis envoyé en juillet dernier à l'Inspection générale des finances. Selon le gendarme des télécoms, qui travaille depuis plusieurs mois sur cette question, le mécontentement des consommateurs "devrait s'accroître de façon prospective".
Le Centre régional des Œuvres universitaires et sociales (Crous) de Paris en a récemment fait les frais. Le numéro que l'organisme mettait à disposition des étudiants pour obtenir des renseignements sur le logement ou les bourses était facturé 0,34 € la minute depuis un téléphone fixe. Face à la montée des réclamations d'étudiants désargentés, le Crous a dû annoncer la mise en place d'un numéro moins cher et le remboursement de certains étudiants ayant passé de trop nombreuses minutes avec ses services.
Paul Roman, un des co-fondateurs du défunt site Geonumbers, se félicite de l'annonce du ministre. "C'est un premier pas en avant. La notion de surtaxe était incompatible avec celle de service public", estime-t-il.
Fermé en juillet 2007 sous la pression d'une dizaine d'entreprises, Geonumbers recensait près de 5.000 numéros géographiques (commençant par 01, 02, …) correspondant aux numéros de sociétés commençant par 08 (numéros gratuits, au prix d'une communication locale ou surtaxés.). Depuis, ses fondateurs ont ouvert une pétition sur Internet pour protester contre les numéros surtaxés. Plus de 67.000 internautes ont signé cette pétition en l'espace d'un mois et demi. "Le plus grave, c'est que ces numéros sont désormais utilisés par presque tous les services sociaux, ce qui pénalise les populations les plus vulnérables", regrette-t-il.
De son côté, l'Arcep n'a pas souhaité commenter les annonces du ministre. Néanmoins, le régulateur note indirectement dans l'avis envoyé à l'IGF, qu'Eric Woerth n'a fait que souhaiter une évolution prudente de ces tarifs : "Il n'existe aucun cadre juridique permettant aux administration et services publics de faire partager l'usager au financement des structures d'accueil téléphonique", au-delà du seul coût d'une communication locale. "Dans ces circonstances, l'utilisation accrue par l'administration de numéros surtaxés, et les marchés publics qui en découlent, est sujette à un risque juridique certain."
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