Le 26 février 2007.
Chère Madame,
Votre mission de Déléguée à l'expression républicaine auprès de la candidate socialiste et la considération que j'ai depuis 2002 pour la justesse de vos engagements me permettent d'espérer que mon témoignage recevra quelque écho.
Je suis conseillère à l'emploi à l'ANPE et j'ai «mal à mon service public». Au-delà du scandale de la manipulation des chiffres du chômage, je veux témoigner des maltraitances faites aux chômeur sous couvert de traitement du chômage. Les plus choquantes pour moi qui ai appris un métier d'aide et de conseil sont les «punitions» que l'ANPE inflige aux demandeurs d'emploi sous le moindre prétexte, sans prise en compte de la réalité de leur situation, sans aucun égard pour leur dignité. Les radiations administratives sont un déni de citoyenneté.
Ainsi, 579.558 chômeurs ont été rayés en 2006 de la liste des demandeurs d'emploi suite à des radiations administratives : il s'agit du chiffre brut, concernant la France entière (dont les DOM) et les chômeurs «disponibles immédiatement pour un emploi» (catégories 1, 2 et 3). Il saute aux yeux que sans le demi-million de radiations administratives, il n'y aurait pas eu de «baisse du chômage» en 2006 !
La majeure partie des radiations, de l'aveu même des dirigeants de l'ANPE, est consécutive à une absence à convocation. Depuis la mise en place du suivi mensuel (ordonnances Villepin d'août 2005), le nombre de convocations a été multiplié par 6. La radiation administrative est une sanction prévue par le Code du travail, qui dit explicitement qu'elle peut intervenir en cas de «refus sans motif légitime» de se rendre à une convocation. Or, parmi ces 579.558 radiés, combien n'ont pas été mis en situation de justifier la légitimité de leurs motifs ? Combien n'ont jamais reçu de convocation ? Combien sont découragés par ces convocations multiples, souvent inutiles, vécues par beaucoup comme du harcèlement moral ? Combien ont des soucis de mobilité ou de garde d'enfants qui ne sont pas pris en compte ? Combien ne sont pas informés de leurs droits, combien n'ont ni les moyens ni le courage de les faire valoir ?
Présomption d'innocence, bénéfice du doute, ces principes de justice élémentaire n'ont pas cours à l'ANPE !
La procédure de radiation est le plus souvent déclenchée automatiquement par le système informatique. Les demandeurs d'emploi sont gérés comme des «stocks» ou des «lots» (termes utilisés fréquemment en interne, tant à l'ANPE qu'à l'Assedic). Les pressions exercées sur les agents de l'ANPE pour atteindre des objectifs de production de «bons» chiffres imposent la stricte application des règles en matière de radiations. En revanche d'autres règles, plus respectueuses des usagers (comme l'envoi par lettre recommandée des avis de radiation) sont tout simplement ignorées par l'ANPE.
Pour les personnes indemnisées par l'Assedic au titre de l'assurance-chômage ou du régime de solidarité, la radiation se traduit par la suppression brutale de tout revenu. Le crime est-il donc si grave pour justifier une sanction aussi exorbitante, aussi lourde de conséquences ? Il m'est insupportable que l'ANPE, dont la principale mission est d'aider les personnes privées d'emploi, génère aveuglément encore plus de précarité, encore plus d'humiliation, encore plus d'exclusion. Le chômeur radié n'existe plus, il n'est plus rien, il ne «compte» plus.
S'il doit y avoir un contrôle des chômeurs, il ne peut pas se faire dans ces conditions indignes des valeurs républicaines.
Au titre de ma contribution aux débats citoyens pour :
- l'application équitable des règles et des lois,
- le respect des droits élémentaires des usagers,
- le recentrage de l'ANPE sur ses missions,
- la vérité sur les chiffres,
Je propose que soit mise à l'étude la décision d'un moratoire sur les radiations administratives.
Certaine de trouver en vous un porte-voix convaincant, je vous prie d'accepter, chère Madame, mes remerciements.
Catherine C.
NYVES a écrit :
Bravo chère collègue. Votre analyse est d'une justesse époustouflante. Tous les jours nous (agents ANPE encore doués du sens du service public) sommes soumis à des pressions inaceptables pour nous comporter comme des FLICS sociaux. C'est intolérable! Mais part delà cet état de fait, c'est le service public de l'empoi qui est remis en cause. Par le rapprohement, pour ne par dire distilation de l'ANPE dans l'assedic (je le rappelle dirigée par le MEDEF)
A ce propos, fait marquant, les huit syndicats (fait exceptionnellement rare) de l'ANPE appellent conjointement à un mouvement de grève le 29 mars pour endiguer la privatisation larvée de l'ANPE au travers de la création de filiales commerciales de droit privé, ce qui videra à terme l’établissement de ses missions. Les exemples de La Poste et de France Télécom prouvent, hélas, qu’avec des filiales le Service Public ne résiste pas aux intérêts commerciaux
jbguennec a écrit :
Salut collègue
Catherine C soulève un pb récurrent et pourtant qu'il est difficile de résoudre.
Je suis actuellement CM ds une DD (pardon pour les sigles bizarroïdes) et, entre autres choses; je suis chargé des recours que font les DE radiés. Je participe aussi aux CRG et, depuis un an aux commissions tri partites.
je lis chaque courrier et consulte chaque dossier avant de demander au Dale de maintenir ou revenir sur sa décision.
Ce qui me frappe (et là Catherine C. a raison) c'est le fait que la décision de radiation (GL3) est souvent signée sans que le Dale prenne la précaution de regarder le dossier.
Par aileurs, dans nombre de recours, la personne dit avoir téléphoné, voire adressé un courrier et ceci (malgré les assurances) n'est pas pris en compte.
Les conséquences sont evidemment terribles puisque 2 mois d'allocations sont suspendues.
J'estime, pour la petite partie que je connais, à 50% de décision pour lesquelles une décision de retrait est prise et je m'efforce de faire comprendre aux Dales l'importance et la responsabilité qu'ils prennent lorsqu'ils signent une GL3.
Malheusement, ces retraits ne sont pas pris en compte dans les statistiques, ce qui est fort dommage.
Je ne discuterai pas sur les raisons qui aboutissent à celà, mais, pour ma part, je n'ai pas connaissance (depuis 15 ans d'ANPE) d'instructions, de directives et autres incitations à radier... Mais peut-être suis je sourd, aveugle ou sans mémoire.
Il reste cependant (et là je sais que Catherine C. va hurler) 50 % de cas justifiés.
Non pas de faux chômeurs (il y en a mais à la marge); Non pas de DE qui se la coule douce (il y en a également mais à la marge) . Mais des DE qui oublient que s'ils on des droits ( allocations et autres "avantages" sociaux), ils ont également des devoirs; et ces devoirs (désolé pour vous Catherine), ils ne les respectent pas, alors même qu'ils exigent au travers de leurs recours que nous respections les nôtres.
Voila
C'était une petite réponse d'humeur sachant que vous et moi nous travaillons dans un enironnement difficile, et que je sais, avec le SMP, les difficultés que vous rencontrez.
Très cordialement
J'ai écrit :
Ca se passait iciCe n'est pas Catherine qui va hurler... c'est moi... une chômeuse de longue durée.
Et pourquoi, j'hurle... parce que ça suffit, il y en a marre et je refuse qu'on me balance que j'ai des devoirs de la part d'une institution qui est sensée m'accompagner dans mon parcours de recherche d'emploi avec le résultat que l'on connait.
Pas d'emploi ou des emplois précaires qui rendent encore plus pauvre, refus de formation par l'ANPE, rejet des candidatures par les pré-selections de l'ANPE, accompagnements bidons...
Par contre, il va de soi que le pauvre bougre de chômeur, lui, a des devoirs et notamment celui de se rendre à son contrôle mensuel de la même manière qu'un délinquant auprès d'un JAP.
Allocations et autres "avantages" sociaux ne sont pas un cadeau, ils sont une contre-partie de la privation d'emploi que je subis quotidiennement dans une société incapable d'assurer un emploi pour tous dans son fonctionnement. Ces mesures répondent à une carence de la société et permettent tout simplement de ne pas avoir 5 millions de mendiants et délinquants dans la rue... rien de plus. Il faut aussi préciser que ces "avantages" sont à mille lieues de remplacer un salaire décent qui permettrait de vivre dignement.
Quand l'ANPE commencera à sélectionner mes candidatures sur des offres, quand elle sera en mesure de m'accorder la formation dont j'ai besoin, elle commencera à faire preuve de respect envers sa mission de service public que je finance avec mes concitoyens et à ce moment-là, on pourra me parler de "devoirs".
Eh oui, ce n'est pas que dans un sens !
Nous avons eu droit à la stigmatisation des chômeurs comme fainéants, profiteurs, tricheurs... voilà que maintenant nous serions indignes de notre citoyenneté, n'accomplissant pas nos devoirs. Bientôt, on va nous demander de quitter la France si nous ne l'aimons pas.
Le mot est presque officiellement lâché... nous sommes des sous-citoyens qui ne méritons aucune considération.
Mais qui est responsable du désastre économique de la France ?
Voilà, mon coup de gueule du matin... ça met tout de suite de bonne humeur pour la journée.
Une DELD de plus en plus en colère.
J'ai retrouvé cette lettre sur le site de désir d'avenir de Ségolène Royal ici dans la rubrique 21 dans la file intitulée "Respect pour les chômeurs".
Je lance un appel aux chômeurs volontaires qui souhaiteraient appuyer cette interpellation aux politiques en leur demandant de bien vouloir évaluer l'intérêt de ce message par un système d'étoiles. Plus le message a d'étoiles, plus il sera pris en considération par les synthétiseurs des forums qui le feront remonter jusqu'à la candidate.
On peut aussi se rendre compte qu'un intervenant n'était absolument pas au courant de ce qu'il se passe avec les stats du taux de chômage et qui dit mieux comprendre les chiffres à la baisse du chômage.
Communiquons le plus largement possible pour informer un maximum de concitoyens.
Hélas, trop de personnes sont encore dans l'ignorance et je pense que nous devons utiliser tous les moyens qui nous sont disponibles pour commmuniquer.
Ceci me fait également dire que, bien que le chômage soit la première préoccupation des français, ils ne savent pas encore ce qu'est réellement la réalité du chômage de nos jours.