Mère divorcée, fraiseur ardennais : les archétypes sarkozyens
C'est le dernier arrivant dans la galerie des personnages de Nicolas Sarkozy : "fraiseur, trente-six ans de boîte, et 1 200 euros net à la fin du mois". Le ministre de l'intérieur l'a rencontré à l'occasion de sa visite dans une forge des Ardennes, le 18 décembre 2006. Aussitôt, il s'est retrouvé dans le discours du candidat à l'élection présidentielle prononcé le soir même à Charleville-Mézières pour illustrer, à lui seul ou presque, les difficultés de "la France qui souffre".
Au-delà du poids des mots, M. Sarkozy aime à faire jouer le choc des images. Un exemple, une tranche de vie, une parabole font parfois plus, aux yeux du président de l'UMP, qu'une idée, fût-elle exprimée avec vigueur. Pascale, "une mère divorcée élevant trois enfants", a elle aussi fait son entrée dans le petit monde de Nicolas Sarkozy. Cette jeune femme, il l'a rencontrée sur le plateau de France 2 au soir de l'annonce de sa candidature (Le Monde du 2 décembre 2006). Depuis, elle vient illustrer les discours du candidat, plus spécifiquement préposée à la défense du droit opposable au logement.
Plus loin de nous, en 2005, le président de l'UMP a eu souvent recours à "la femme de Strasbourg" lors de ses discours en faveur du oui au référendum constitutionnel. "Dans cette histoire, avait expliqué à l'époque M. Sarkozy, dont les propos avaient été rapportés par Le Figaro, tout repose sur le rythme, les silences. Au départ, il n'y a rien. Juste une femme qui m'aborde dans la rue et qui me cueille à froid en me disant qu'elle va voter non et que ça l'ennuie parce qu'elle m'aime bien. Je marque le coup, et puis je lui dis : "Votre mari, vous l'aimez bien ?" Elle répond oui. Et je lui dis : "Et parfois il vous énerve ? - Oh là là oui", qu'elle me répond.
"Est-ce que vous divorcez pour autant ?" Elle me dit : "Evidemment non." Alors je lui dis :
"C'est comme avec l'Europe. Parfois on se dispute, on s'énerve, mais on ne divorce pas, parce que l'Europe, c'est la famille." "M. Sarkozy avait expliqué qu'il avait raconté cette histoire à sa femme, Cécilia, puis à l'essayiste (et président du conseil de surveillance du Monde) Alain Minc, qui l'avait convaincu de l'intégrer à ses discours.
A cette époque, le président de l'UMP faisait appel à la figure aimée de son grand-père, Benedict Mallah. Il racontait à longueur de meetings comment cet homme qui "l'avait élevé", qui "avait fait la guerre de 14-18", parlait des "boches" au lieu de dire "les Allemands". Il concluait alors invariablement par : "Vous voyez, l'Europe, c'est la paix."
Philippe Ridet
lemonde