HLM : l'auto-satisfecit de Benoist Apparu

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superuser
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HLM : l'auto-satisfecit de Benoist Apparu

Message par superuser »

Selon le secrétaire d'Etat au logement, 131.509 HLM ont été financés en 2010. Du jamais vu depuis trente ans, selon lui. Mais les associations relativisent cette annonce.

S'exprimant jeudi au micro d'Europe 1, Benoist Apparu ne cachait pas sa fierté d'avoir décroché un quasi record de créations de logements sociaux. "Entre 1978 et 2003, droite et gauche confondues, on en faisait en moyenne 50.000 par an. Depuis 2004, on en fait 100.000. Cette année, 131.500, c'est le record absolu depuis 30 ans". Soit également une hausse de 9,7% par rapport à 2009.

Engagée dans la lutte contre le mal-logement, la Fondation Abbé Pierre se félicite aussi de cette annonce. "C'est très appréciable", commente son directeur général Patrick Doutreligne qui voit même une certaine ironie à entendre le gouvernement se féliciter d'un résultat "dont l'un des moteurs principaux est la loi SRU, que la majorité a beaucoup contestée". Depuis 2000, le texte oblige les communes de plus 3.500 habitants à respecter un quota de 20% de logement social. L'Etat assure certes une partie du financement via les aides à la pierre et des exonérations de taxe, mais les collectivités locales, la Caisse des dépôts et le 1% logement couvrent le reste.

Des logements "intermédiaires" plus que sociaux

Le détail des financements montre un succès plus contrasté. 45.692 d'entre eux concernent des PLS, ou "prêts locatifs sociaux", dont le plafond de ressources des bénéficiaires dépasse les 28.400 euros par an pour une personne seule. A titre de comparaison, celui du PLAI - dit logement "très social" - est de 12.163 euros pour le même type de foyer. "On peut vivre en PLS avec un revenu équivalent à trois Smic, note Patrick Doutreligne. Il s'agit donc d'un type de logement intermédiaire qui est pris en compte dans une définition élargie du logement social." En Ile-de-France, zone de pénurie de logements où Benoist Apparu se félicite d'avoir fait porter les efforts, les PLS représentent même 43% du total des logements "sociaux" annoncés pour 2010.

Des résultats visibles d'ici quatre ans

Autre nuance, le chiffre de 131.509 logements correspond aux HLM financés en 2010, et non construits. Or plusieurs années s'écoulent entre le financement des logements et leur mise en service. Le secrétariat d'Etat confirme dans un communiqué "un décalage moyen de quatre ans environ correspondant au délai nécessaire à la concrétisation des opérations".

"Au fil des ans, on observe un allongement entre la date de financement et l'ouverture des HLM, ce qui pose problème", déplore Patrick Doutreligne. En 2009, autour de 71.000 logements sociaux ont été mis en service.

Un avenir incertain

Les bons résultats affichés en 2010 doivent beaucoup à des données conjoncturelles. "Il y a eu cette année une mobilisation assez importante liée au plan de relance. Mais il est à craindre que l'on ait atteint un palier", commente-t-on à l'Union sociale pour l'habitat (USH), qui rassemble cinq fédérations de bailleurs. Le plan devait permettre à l'Etat de débloquer 4,7 milliards d'euros pour la construction de 140.000 logements sociaux et le rachat de 3.000 logements vacants en Ile-de-France. La Fondation Abbé Pierre cite également la fin du plan de cohésion sociale qui a financé 30.000 HLM.

La capacité de financement des collectivités locales nourrit aussi les inquiétudes. "Elles assurent en moyenne 10% du plan de financement d'une opération mais rien ne dit qu'elle pourront maintenir ce niveau", prévient l'USH. Les organismes HLM eux-mêmes se plaignent régulièrement d'une diminution de leurs moyens. L'annonce cet été de la suppression pour 2011 d'une exonération de la contribution sur les revenus locatifs - dont les HLM bénéficiaient jusqu'alors - avaient ravivé les tensions entre les bailleurs et Benoist Apparu, déjà exacerbées par la baisse des aides à la pierre. "Les objectifs de financement pour 2011 seront sûrement revus à la baisse", confirme Patrick Doutreligne. Les besoins restent pourtant criants, avec plus d'1 million de demandes de logements toujours en attente.

Pour le PS, une "autocongratulation"

Le Parti socialiste estime que Benoist Apparu fait preuve d’"autocongratulation" en publiant des chiffres "à la gloire du gouvernement". Les socialistes demandent que soient mis en regard des 130.509 HLM annoncés "le nombre de logements vendus par les organismes HLM sous pression du gouvernement", qui dépasse toutefois rarement les 4.000 par an. Le PS réclame aussi "l’affichage de la répartition du financement de [ces financements] : part de l'Etat, des collectivités locales, des collecteurs, des bailleurs HLM sur fonds propres".

http://www.lexpansion.com/patrimoine/ce ... 47313.html
superuser
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SRU : votre ville fait-elle partie des mauvais élèves ?

Message par superuser »

En bonus :lol: , une carte interactive des 931 communes françaises comptant moins de 20% de logements sociaux en 2009
avec leur taux de logement social, l'amende effective payée (830 communes concernées) et le coût par habitant :

http://labs.liberation.fr/maps/carte-SR ... ciaux-2011
nanard

Re: HLM : l'auto-satisfecit de Benoist Apparu

Message par nanard »

COMMUNIQUE Droit Au Logement
Paris le 20 janvier 2010

APPARU le magicien!
Une manœuvre pour faire main basse sur le Livret A ???

Bonne nouvelle, Benoîts Apparu nous annonce ce matin que « 131 500 logements sociaux » ont « été fait » en 2010 en France. Il est évident qu’il annonce les financements qui ont été « réservés » en 2010, en vue de leur réalisation future. Ce n’est donc pas le nombre de nouveaux logements sociaux livrés, ni même celui des HLM mis en chantier .

Chaque année, les ministres du logement nous font des annonces démagogiques , sans qu’il soit possible de vérifier, quelques années après, combien de logements HLM ont été réellement « livrés ». Nous demandons depuis plusieurs années la transparence, de telle sorte à mettre un terme à ces communications « faire valoir » ou « tactiques ». Concrètement, il faut instaurer la traçabilité des financements HLM : c’est à dire, que l’on puisse connaître 3, 4 ou 5 ans plus tard, avec quels budgets ont été réalisés les logements sociaux livrés, et leur nature.

D’autre part, cette annonce fait très certainement abstraction du nombre de logements sociaux qui ont été démolis (hors ANRU), vendus, ou dont l’affectation a changé .

Elle ne détaille pas non plus la nature des logements « sociaux », réalisés par les bailleurs sociaux, notamment le nombre de PLS (logements pour les classes moyennes) et de logements en accession à la propriété, soit plus de 30% de la production. Les chiffres concernant les PLAI doivent aussi être relativisés, car pour la plupart, ce n’est pas des logements familiaux, mais des studios, ou des studettes, de type « résidence sociale », ou « maison relais », ou « pension de famille », qui ont vocation à accueillir les personnes seules.

Selon les enquêtes annuelles sur le parc de logements sociaux (enquête EPLS), on constate que le nombre de logements sociaux augmente chaque année de 50 à 60 000 unités, PLS compris. Celle au 1er janvier 2010 fait état d’une augmentation générale d’environ 54 000 logements supplémentaires depuis le 1er janvier 2009, parmi lesquels, environ 30% sont des PLS. Une année présentée en sont temps comme un record...

http://www.statistiques.equipement.gouv ... erche=EPLS

Baisse des financements publics pour les HLM, et menaces sur le Livret A :

Droit Au Logement dénonce la baisse chaque année des subventions d’État dédiées à la réalisation de logements sociaux, y compris pour 2011, qui passent de 1 milliard il y a 10 ans, à moins de 500 millions d’euros en 2011, et auxquels il faut retrancher la ponction de 245 millions opérée sur les fonds propres des HLM !

Plus grave encore, la menace qui pèse sur le cœur du financement des HLM, le LIVRET A, que le Gouvernement envisage de céder pour une grande part aux banques. Déjà 30% de l’épargne populaire est laissée au banques depuis 2009, sans contrepartie, réelle, soir environ 60 milliards d’euros qui sont partis dans les circuits de la spéculation financière notamment sur les matières premières …

Et si cette communication bruyante ne visait qu’à préparer un nouveau holdup up sur le Livret A ?

Nous demandons :

* la transparence sur la production des HLM en France,
* des aides conséquentes pour les construire, au lieu de subventionner les spéculateurs,
* l’utilisation de 100% de l’épargne populaire à des fins sociales et d’intérêt général, notamment un nombre élevé et réel de logements sociaux.
superuser
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à propos du Livret A

Message par superuser »

Les sommes collectées pour le Livret A ont atteint moins de 8 milliards en 2010 contre plus de 16 milliards en 2009. Une baisse spectaculaire qui s'explique par la faible rémunération de ce placement.

http://www.lexpansion.com/economie/les- ... 47454.html
superuser
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Apparu veut modifier les quotas SRU

Message par superuser »

Le taux de 20% de logements sociaux imposé par la loi de Solidarité et de renouvellement urbain (SRU) aux communes de plus de 3500 habitants "appliqué partout n'a pas de sens", a déclaré le secrétaire d'Etat au Logement Benoît Apparu, interrogé par le Journal du Dimanche.

Il estime qu'il "faut garder [la] philosophie [de la loi] mais probablement changer ses modalités d'application", affirmant que "l'élection présidentielle sera l'occasion d'en débattre". Benoist Apparu se dit "prêt à étudier un taux de 25% à Paris et en région parisienne, mais un taux inférieur à 20% à d'autres endroits. Dans les communes où la démographie est faible, où l'écart entre loyers HLM et privé est minime, pousser à faire du logement social n'a aucun intérêt. Le taux de 20% appliqué partout n'a pas de sens".

De même, le secrétaire d'Etat pose la question de savoir "ce qu'on comptabilise dans les 20%". Mais "si on passe à 25% de logements sociaux dans certaines zones, je pense que la loi SRU devrait y intégrer l'accession sociale à la propriété", a-t-il dit. Il estime par ailleurs que les "mauvais élèves devraient avoir des sanctions plus lourdes".

http://lexpansion.lexpress.fr/immobilie ... 62952.html
tristesir

Re: HLM : l'auto-satisfecit de Benoist Apparu

Message par tristesir »

Cela n'a pas de sens de loger des gens qui n'ont pas d'emploi décemment rémunéré parce qu'il n'y a plus d'emplois décents n'est-ce pas? :shock:
superuser
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Re: HLM : l'auto-satisfecit de Benoist Apparu

Message par superuser »

Du baron Haussmann à Nicolas Sarkozy - Logement social, une pénurie entretenue
par Olivier Vilain - Le Monde Diplomatique, avril 2009.


Avec la fin de la trêve hivernale des expulsions, le 15 mars, la question du logement est revenue au cœur du débat public. Face à ceux qui réclament une intervention de l’Etat pour garantir ce bien de première nécessité, les conservateurs d’hier et d’aujourd’hui préfèrent laisser jouer le marché. Locataires aidés ou petits propriétaires endettés ? De la Restauration au récent projet de loi de la ministre du logement, Mme Christine Boutin, c’est la tension qui structure l’histoire de l’habitat social en France.

« Rendre possible l’accès à la propriété pour tous », notamment par le développement du crédit hypothécaire. C’est la réponse proposée, en septembre 2006, par M. Nicolas Sarkozy, à une crise du logement qui est loin de se résumer aux 150.000 sans-logis complaisamment filmés chaque hiver. Loyers et traites représentent près de 25% de la dépense des ménages, contre 12,5% à la fin des années 1980. Un couple de salariés modestes avec deux enfants, gagnant chacun 1.500 euros par mois, doit dépenser près d’un quart de ses revenus pour se loger dans le parc social et jusqu’au double dans le parc privé [1]. « Le discours dominant identifie la crise du logement à la baisse des prix de l’immobilier. Il n’y a rien de plus faux : la vraie crise a lieu lorsque les prix sont à la hausse », grince un fonctionnaire du ministère du logement. Sous une forme ou une autre (exiguïté, logement indécent, divers impayés...), 10,1 millions Français en 2008 contre 9,3 millions en 2007, sont touchés.

Cette situation ne résulte pas de la simple confrontation entre l’offre et la demande. Comme le soulignait le sociologue Pierre Bourdieu, « l’Etat contribue de manière déterminante à faire le marché immobilier, notamment à travers le contrôle qu’il exerce sur le marché du sol et les formes de l’aide qu’il apporte à l’achat ou à la location [2] ». Or les pouvoirs publics ont laissé s’effondrer la production d’habitations, générant une pénurie évaluée à un million de logements, dont 400.000 pour la seule Ile-de-France. Il y sort de terre rarement plus de 40.000 constructions par an depuis 1992, soit autant qu’en Bretagne, une région pourtant quatre fois moins peuplée. En outre, les démolitions de logements sociaux ne cessent de se multiplier, aggravant encore le déséquilibre.

Vent de fronde contre les « proprios »

Déjà, sous la Restauration, des brochures dénonçaient : « Les propriétaires traitent les habitants d’une ville peuplée comme les accapareurs de grains traitent des assiégés réduits à la famine [3] ! » Plus tard, Friedrich Engels analysait la pénurie chronique frappant Londres, Paris, Berlin ou Vienne : « Ce qu’on entend de nos jours par crise du logement, c’est l’aggravation (...) des mauvaises conditions d’habitation des travailleurs par suite [de leur] brusque afflux (...) vers les grandes villes ; c’est une énorme augmentation des loyers ; un entassement encore accru de locataires (...) et pour quelques-uns l’impossibilité de trouver même à se loger. Et si cette crise (...) fait tant parler d’elle, c’est (...) qu’elle atteint également la petite bourgeoisie [4]. »

La construction repose alors sur les particuliers. Le propriétaire d’un terrain empruntait auprès d’un notaire de quoi construire une maison, ajouter une pièce, surélever un immeuble. A partir du milieu du XIXe siècle, les sociétés de promotion immobilières font leur apparition et drainent l’épargne des banques. Cet afflux de capitaux fait exploser le prix des terrains des quartiers populaires, les réservant à la construction des très chics logements haussmanniens.

Autour des années 1880, la production de logements chute, accentuant la pénurie et la hausse des prix. Ainsi se révèle, selon le sociologue Christian Topalov, une « inadéquation structurelle entre la production et le pouvoir d’achat » des ouvriers et des artisans [5]. La révolte gronde contre les « proprios » décrits comme « des usuriers, des concussionnaires, des agioteurs, d’infatigables agents d’oppression [6] » et caricaturés sous les traits de « Monsieur Vautour ».

Lors de la première guerre mondiale, l’Union confédérale des locataires, dont les militants sont adeptes du syndicalisme révolutionnaire, impose le quasi-blocage des loyers. Ballon d’oxygène pour les familles, la mesure ne favorise ni la reprise de la construction ni l’entretien du parc existant. Après les destructions engendrées par la seconde guerre mondiale, et alors que le parc de logements doit augmenter d’un tiers, la IVe République tente de redonner aux capitaux privés le « goût de la pierre » : les augmentations de loyer sont à nouveau autorisées en contrepartie de la mise en place d’une allocation-logement pour les familles. Mais la spéculation s’en mêle. Les coûts dérapent, en particulier ceux du foncier : la relance avorte.

Il faut attendre les années 1950 pour qu’un consensus s’établisse sur la nécessité de mettre sur pied des circuits de financement public capables de subventionner directement la construction. En effet, les capitaux publics, prêtés à des taux plus bas que les capitaux privés et pour une durée supérieure, permettent de diminuer et de mutualiser les coûts. Ce système d’« aides à la pierre » fonctionne grâce aux prêts de la Banque de France et aux subventions du Trésor.

Une autre source de financement bon marché naît dans la foulée : le prélèvement de 1% de la masse salariale des entreprises de plus de dix salariés. Enfin, le système est complété, d’un côté, par le Crédit foncier qui accorde des prêts à taux préférentiel aux accédants à la propriété ; et, de l’autre, par la Caisse des dépôts et consignations qui, grâce au livret A des Caisses d’épargne, accorde des prêts plus intéressants encore aux organismes d’habitation à loyer modéré (HLM), et devient le principal promoteur immobilier au travers de l’une de ses filiales, la Société centrale immobilière (SCIC). L’effort consenti est considérable. Le pic est atteint en 1973 avec 556.000 logements neufs. Le parc augmente de moitié entre 1953 et 1975. Sur les 8 millions d’habitations sorties de terre, note l’historienne Sabine Effosse, près de 80% ont bénéficié d’une aide publique [7].

A partir de 1972, la légitimité de l’intervention de l’Etat est ouvertement contestée par un groupe de hauts fonctionnaires [8]. Le plus influent d’entre eux se nomme Valéry Giscard d’Estaing. Secrétaire d’Etat aux finances en 1959, ministre de l’économie de 1962 à 1966, puis de 1969 à 1974, il s’emploie à restaurer les « mécanismes “naturels” du marché [9] ». En rationnant notamment les « aides à la pierre » et en retirant au Crédit foncier le monopole des prêts à l’accession à la propriété, il organise le transfert du financement de la construction de logements entre les mains des banques privées.

Devenu président de la République en 1974, M. Giscard d’Estaing confie à Raymond Barre une commission de réforme des « aides à la pierre », accusées de grever le budget de l’Etat. Deux proches du président, M. Pierre Richard (le futur dirigeant de Dexia, qui sera contraint à la démission en septembre 2008) et le rapporteur général de la commission, l’inspecteur des finances Antoine Jeancourt-Galignani, appellent à la suppression de ces dernières. Séduit, M. Jacques Barrot, secrétaire d’Etat au logement (1974-1978), estimera que « la construction de logements, leur localisation, leur (...) qualité eussent alors été déterminées par le jeu du marché : c’était donc une solution libérale, la plus libérale qui fût [10] ». L’augmentation des coûts à la charge des ménages aurait été trop brutale pour que cette logique soit concrètement mise en œuvre, mais le processus est entamé. M. Barrot opte en 1977 pour un « retour progressif à la liberté des loyers », accédant ainsi à une vieille revendication de l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI). Pour le secrétaire d’Etat, il faut donc ne « pas supprimer les aides à la pierre, mais les alléger. Et compenser cette réduction par la création de l’aide personnalisée au logement » (APL), à destination des salariés les plus pauvres, le temps que leur niveau de vie augmente.

Las, le chômage se développe, la construction plonge et le coût du logement s’envole. La réforme oblige les organismes HLM à augmenter fortement leurs loyers et à diminuer leurs investissements.

Le système d’intervention publique va progressivement favoriser davantage le propriétaire privé. Le financement public du logement social deviendra plus cher durant les années 1980 et 1990. Parallèlement, à partir de 1986, la loi autorise les propriétaires à aligner leurs loyers sur les prix les plus élevés à chaque renouvellement de bail. Le bilan est lourd : « Sur les trente dernières années, le loyer des locataires (...) les moins riches (...) a augmenté plus rapidement que celui des [autres], estime en 2005 l’économiste Gabrielle Fack. Entre 50% et 80% des allocations-logement perçues par ces ménages auraient été absorbées par les augmentations de loyer [11]. » L’APL subventionne donc en réalité les propriétaires. Depuis 2002, ces derniers voient se multiplier les exonérations fiscales dans l’investissement locatif, avec les dispositifs de Robien et Borloo [12], et à destination des sociétés foncières cotées en Bourse dont la principale, Gecina, était jusqu’à récemment dirigée par… M. Jeancourt-Galignani. Ces dernières ont pu vendre leur parc de logements à la découpe, sans payer d’impôt sur les bénéfices, à condition d’assurer un fort dividende et de payer une petite compensation fiscale pour solde de tout compte.

« Jamais les familles n’ont consacré d’efforts financiers aussi importants pour se loger et, à l’opposé, l’effort financier de l’Etat n’a jamais été aussi réduit », constate la Confédération nationale du logement (CNL) [13]. L’effort public représente moins de 2% des richesses produites, taux qui d’ailleurs ne cesse de diminuer. Par comparaison, la proportion était double sous la IVe République, et Pierre Mendès France prévenait déjà en 1968 : « Vouloir résoudre la crise du logement en faisant passer celui-ci dans la catégorie des “biens rentables”, c’est préconiser des solutions de la Belle Epoque. » Pour ce responsable politique, la solution exigeait des investissements élevés et donc la fin de la limitation de la contribution de l’Etat ; il s’agissait aussi de « porter atteinte aux profits spéculatifs [14] ».

Casser les HLM, chasser les habitants

Jamais ces derniers n’ont été aussi élevés. La propriété foncière et immobilière constituait, en 2005, la moitié du patrimoine national, soit 5.500 milliards d’euros [15]. Sur ce total, 3.000 milliards étaient directement issus de la spéculation foncière.

Depuis les années 1970, le logement n’est plus un enjeu du débat politique alors que le secteur représente 23% de l’économie nationale. Ce n’est pas la dernière campagne présidentielle qui démentira ce constat. Les deux principaux partis — l’Union pour un mouvement populaire (UMP) et le Parti socialiste — se sont bornés à promettre la construction de 120.000 logements sociaux par an, pendant cinq ans, c’est-à-dire la moitié des besoins reconnus par la commission logement d’Attac, la Ligue des droits de l’homme ou la CNL. Plus grave, au nom de la « mixité sociale », les deux partis s’accordaient sur la nécessité de casser les HLM, ce qui implique généralement de repousser leurs habitants plus loin encore des centres-villes.

Le candidat Sarkozy ajoutait la promesse de la propriété pour tous, devant un PS qui n’a jamais combattu la politique néolibérale du logement. « J’ai vainement tenté de convaincre Lionel Jospin que, au nom de la justice sociale, la gauche devait se préoccuper autant du logement que des 35 heures », s’est dédouanée la dernière ministre du logement de la gauche plurielle, Mme Marie-Noëlle Lienemann, lors d’une rencontre avec des socialistes de Massy (Essonne) fin 2005. Elle a également confié aux militants silencieux : « Vous savez comment cela se passe. En France, rien ne bouge tant que les classes moyennes ne sont pas touchées ! »


[1] Entre 1997 et 2007, le prix du mètre carré a plus que doublé (+ 140%) et les loyers ont augmenté de moitié (+ 43%). Cf. Fondation Abbé-Pierre pour le logement, rapport « L’état du mal-logement en France. Rapport annuel 2009 », Paris, 2008.

[2] Pierre Bourdieu (sous la dir. de), La Misère du monde, Seuil, Paris, 1993.

[3] Jean-Paul Flamand, Loger le peuple, La Découverte, Paris, 1989.

[4] Friedrich Engels, La Question du logement, Editions sociales, Paris, 1957.

[5] Christian Topalov, Le Logement en France. Histoire d’une marchandise impossible, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, Paris, 1987.

[6] Roger-Henri Guerrand, Propriétaires et locataires. Les origines du logement social en France, Quintette, Paris, 1987.

[7] Sabine Effosse, L’Invention du logement aidé en France, CHEFF éditions, Paris, 2003.

[8] Bruno Lefebvre, Michel Mouillart et Sylvie Occhipinti, Politique du logement, cinquante ans pour un échec, L’Harmattan, Paris, 1992.

[9] Sabine Effosse, L’Invention du logement..., op. cit.

[10] Sabine Effosse, L’Invention du logement..., op. cit.

[11] Gabrielle Fack, « Pourquoi les ménages à bas revenus paient-ils des loyers de plus en plus élevés ? », Economie et statistique, n° 381-382, Paris, 2005.

[12] Dispositifs fiscaux permettant de déduire des impôts une grande partie des sommes consacrées à la construction d’un logement en vue de le louer à un tiers.

[13] Congrès de la CNL, « Le coût, le financement du logement », Paris, 2008.

[14] Préface de Mendès France, dans Louis Houdeville et Jean-François Dhuys, Pour une civilisation de l’habitat, Les Editions ouvrières, Paris, 1969.

[15] Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, La France en transition, 1993-2005, La Documentation française, Paris, 2006.


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superuser
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Le 1% logement poursuit l'État en justice

Message par superuser »

Action logement (l'ex 1% logement) vient d'attaquer les pouvoirs publics devant le tribunal administratif de Paris pour lui avoir prélevé 3,7 milliards d'euros entre 2009 et 2011.

Après avoir longtemps tempêté au sujet des ponctions de l'État sur son budget, Action logement vient de passer à l'offensive. Selon nos informations, l'organisme paritaire a attaqué vendredi dernier devant le tribunal administratif de Paris la décision de l'État de lui retirer 3,7 milliards d'euros entre 2009 et 2011. Ces sommes sont utilisées pour financer l'Anah (Agence nationale de l'habitat) et l'Anru (Agence nationale de rénovation urbaine). «Nous avions fait un recours gracieux auprès des pouvoirs publics contre le décret fixant cette ponction mais nous n'avons jamais reçu de réponse, explique Jean-Pierre Guillon, président du conseil de surveillance d'Action logement. Nous avons donc décidé d'attaquer l'État pour excès de pouvoir.»

Dispositifs astucieux

Si Action logement porte l'affaire devant la justice aujourd'hui, c'est avec une idée derrière la tête. En juillet dernier, l'État lui a précisé qu'il lui prélèverait 3,25 milliards d'euros sur la période 2012-2014. Pour faire passer la pilule, le secrétaire d'État au logement, Benoist Apparu, s'est engagé à mettre en place des dispositifs d'ingénierie financière astucieux permettant de gonfler la trésorerie d'Action logement. «Mais nous n'avons aucun document précisant cet engagement, avance Jean-Pierre Guillon. Si le ministre changeait, le suivant pourrait ne pas se sentir engagé par cette promesse.»

De façon plus globale, Action logement, qui perçoit 0,45% de la masse salariale des entreprises, estime que cette ponction l'empêchera de remplir sa mission. Par exemple, il ne voit pas comment il pourrait financer 45.000 logements pour jeunes comme il s'y était engagé il y a quelques mois.

Avec cette action en justice, il cherche à faire pression sur l'État qui doit sortir dans les prochaines semaines le décret fixant les modalités de la ponction de 3,25 milliards entre 2012 et 2014.

http://www.lefigaro.fr/immobilier/2011/ ... ustice.php
Invité

Re: HLM : l'auto-satisfecit de Benoist Apparu

Message par Invité »

Réponse de la FEANTSA à la plainte de l’UNPI concernant l’aide d’État en matière de logement social en France

L’UNPI, l’Union nationale française de la propriété immobilière, a soumis à la Commission européenne une plainte contre le secteur français du logement social, prétendant que celui-ci bénéficie d’une aide d’État illégale.

http://www.feantsa.org/files/freshstart ... e%20FR.pdf

PS : La Fédération Européenne d’Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri fait partie du même type d'organisation qu'EAPN.
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