C'est ceci que je préfère retenir : des juifs et des arabes ensemble pour la paix
ISRAËL
Manifestation antiguerre à Tel-Aviv
Le mouvement antiguerre israélien a marqué un premier point. 6 000 personnes ont manifesté à Tel-Aviv, le 22 juillet, pour dénoncer l’agression israélienne.Tous les mouvements anticolonialistes étaient là. Beaucoup de jeunes gens très déterminés. Et même, au dire de certains, des gens que l’on n’avait pas vu manifester depuis très longtemps. Vers 18 heures, le poète et écrivain Yitzhak Laor est déjà là. En tout, ce samedi 22 juillet, la manifestation contre la guerre rassemblera 6 000 personnes, à partir de la place Rabin de Tel-Aviv. Beaucoup de télévisions étrangères, mais pas de télés israéliennes en vue. Uri Avneri, de Gush Shalom (« Bloc de la paix ») - noyau dur du mouvement pacifiste israélien -, est déjà en interview. Michel Warschawski, du Centre d’information alternative (AIC), Gadi Algazy, du mouvement judéo-arabe Ta’ayush (« Vivre ensemble » en arabe), Khulood Badawi, de Hadash (parti dont la principale composante est le Parti communiste israélien), l’acteur palestinien Muhammad Bakri, Juliano Mer-Khamis, le fils d’Arna, etc., sont là.
Les bus arrivent de Haïfa, de Jérusalem, de Nazareth et des villages palestiniens du nord et du centre du pays. Les gens continuent d’affluer sur la place. Tout le monde surveille et compte : cette manifestation est un enjeu majeur, car elle doit lancer le mouvement antiguerre israélien. Ces derniers jours, une certaine mobilisation était palpable mais, dans la crainte d’être trop optimistes, les organisateurs estimaient qu’avec 1 000 personnes, une manifestation serait bien, avec 2 000 très bien... Les militants sont bien conscients que l’effondrement de la gauche israélienne et de La Paix maintenant, depuis 2000, ne permet pas d’espérer des manifestations de masse pour l’instant. Mais la présence, remarquée sur le parcours par des gens qui les connaissent, d’un certain nombre de « main stream » - des gens proches de La Paix maintenant - est encourageante.
La police est aussi très présente. Ses chevaux sont attachés à l’ombre. Pour cette manifestation, les consignes sont très strictes. Les participants ont interdiction de déborder, ni dans le temps - 19 h-21 h -, ni dans l’espace - pas question de manifester hors du parcours, de marcher sur une plate-bande ou de poser un pied en dehors des limites imposées à gauche et à droite des files, sous peine de rappel à l’ordre immédiat.
Deux groupes attirent tout de suite l’attention. Les jeunes Anarchistes contre le Mur, ceux de Bil’in, viennent en cortège bariolé et font du bruit avec leurs tambours et leurs sifflets, en mettant en avant leur banderole : « Assez de tuer des civils ». Un autre groupe s’appelle Ha Kvissa Hassani : « La lessive noire », c’est-à-dire le linge sale (celui qui ne se lave qu’en famille), avec un jeu de mot autour de kvissa/kivssa, qui signifie le mouton noir, celui qui est exclu du troupeau. Ce sont des homosexuels de Tel-Aviv, très actifs contre l’occupation. Des jeunes refuzniks, d’un groupe judéo-palestinien, Les combattants pour la paix, constitué récemment par Gaï El Hanan (objecteur de conscience israélien), sont également là, tout comme les groupes de travailleurs communistes arabes et de jeunes Palestiniens de Hadash. Les drapeaux rouges foisonnent. Leur énergie est magnifique et leurs slogans aussi. Tadjamo (Front national démocratique) est devant, suivi de Yesh Gvul (le mouvement du refus de la première guerre du Liban), la Coalition des femmes, Ta’ayush, New Profile...
La manifestation s’ébranle et le cortège s’empare de l’avenue Ibn-Gvirol. Aux fenêtres, des gens nous regardent défiler, inquiets et navrés. Des guirlandes de drapeaux israéliens signalent les balcons hostiles. Les jeunes leur adressent directement le slogan « Non à la guerre, oui à la paix ». De son balcon, un garçon d’une quinzaine d’années menace le cortège avec un revolver - en plastique ou réel ? - et multiplie les gestes obscènes. Les jeunes Palestiniens du cortège s’échauffent et veulent sortir. La police intervient. Il faut les calmer. Pendant ce temps, les chiffres des manifestations européennes circulent : 25 000 à Londres, c’est bien !
Le rassemblement final remplit la place et les rues autour de la cinémathèque. À la tribune, on entend Uri Avneri, de Gush Shalom, Shulamit Alloni, ancienne ministre de l’Éducation et ancienne députée du Meretz, Issam Mahoul, secrétaire du Parti communiste et ancien député, Ishai Menuhin, de Yesh Gvul, Awad Abdel Fatah, secrétaire de Tadjamo...
Le message de cette manifestation a été entendu dans les rues de Tel-Aviv et à travers Israël, depuis la place Rabin jusqu’à la cinémathèque de la capitale et, peut-être aussi, à Beyrouth et à Gaza, en Cisjordanie et dans les capitales du monde. Il a été crié, ce soir-là, par 6 000 Juifs et Arabes palestiniens d’Israël, ensemble : « Non à la guerre, oui à la paix, négociations immédiates ».
De Tel-Aviv, Michèle Sibony
http://www.lcr-rouge.org/article.php3?id_article=4441