
mais bon sujet grave

prélèvement A.D.N. ?
Par Petaramesh, jeudi 22 juin 2006 à 11:35 :: Big Brozeur :: permalien #309
Cela fait deux soirs successifs que les journaux télévisés nous vantent la merveilleuse histoire d'un violeur et meurtrier (présumé, n'oublions pas le "présumé") qui vient d'être arrêté près de vingt ans après les faits, confondu par un prélèvement A.D.N. à retardement...
La belle et édifiante histoire que nous prêchent les curés journalistes télévisuels en chaire est la suivante :
Il y a près de vingt ans, une jeune fille a été violée et assassinée. Des échantillons de l'A.D.N. présumé du criminel furent récoltés sur la scène du crime. Le criminel ne fut pas retrouvé à l'époque, mais la famille de la victime ne renonça pas, et "relança" régulièrement l'instruction (pour éviter la prescription).[1]
Un homme fut récemment arrêté et placé en garde à vue à la suite de faits banals et de peu d'importance (une rixe), et un prélèvement d'A.D.N. lui fut policièrement imposé à cette occasion.[2]
Le fichier informatisé FNAEG fit le reste et mit en rapport le nouveau prélèvement A.D.N. avec l'ancienne affaire. Le nom du criminel présumé sortit du chapeau informatique, et il fut arrêté.
Certes, on peut se féliciter avec la famille de la victime que le violeur et meurtrier présumé de leur fille ait enfin été arrêté après tant d'années, et que cette famille puisse espérer voir un jour la fin judiciaire de cette affaire, et ne reste pas dans une incertitude et dans une interrogation éternelles. C'est certainement une bonne chose pour cette famille, et c'est certainement un beau succès policier.
Si l'on croit et adhère aux principes et au fonctionnement même de notre système judiciaire et pénitenciaire[3], alors on pourra même se féliciter à l'idée que le criminel présumé sera prochainement jugé et, le cas échéant, condamné, et incarcéré.
Toutefois, la manière dont ce fait divers nous est aujourd'hui présenté dans les journaux télévisés sonne comme une véritable propagande, une véritable campagne de publicité : Le fichage A.D.N., ça permet d'arrêter les criminels, c'est beau, c'est bon, mangez-en !
Cela m'inspire une première réflexion : Encore heureux que cela permette d'arrêter des criminels ! Sinon à quoi cela servirait-il donc ? Il n'est donc pas étonnant que l'on puisse trouver, et l'on en trouvera d'autres à l'avenir, un certain nombre d'exemples de cas pour lesquels cela aura admirablement fonctionné, et permis l'arrestation d'un criminel. Bien.
Mais à quel coût pour la société ? A quel coût, non pas en termes financiers, mais en termes de libertés ?
Quand le fichier A.D.N. FNAEG fut initialement créé, il ne devait contenir que des prélèvements effectués sur des personnes condamnées pour des crimes sexuels envers les enfants.[4]
On voit que désormais, vous pouvez être inscrit au fichier A.D.N. à la suite d'une arrestation pour une rixe ou un tapage nocturne.[5]
Sachez par ailleurs que le refus de vous soumettre à un prélèvement génétique constitue désormais un délit puni d'un an d'emprisonnement et 15.000 Euros d'amende[6].
Hier soir à Soir 3, Marie Drucker interrogeait le dirigeant du labo de police scientifique de la Gendarmerie Nationale. Ce monsieur, d'une part, affirmait que les comparaisons A.D.N. offraient un taux de certitude de 99,9%, et se réjouissait ensuite de voir croître sans cesse le nombre de prélèvements A.D.N. présents dans notre fichier national FNAEG, citant en exemple l'équivalent britannique de ce fichier, dans lequel figureraient plus de 2 millions d'échantillons d'A.D.N. de citoyens britanniques, montrant cela comme l'exemple, la voie à suivre pour notre pays.
Pour des raisons d'efficacité sans doute.
Commençons par considérer que si notre fichier FNAEG comportait 2 millions d'entrées, cela voudrait dire qu'un citoyen français sur 30 serait fiché, et en quelque sorte considéré comme "suspect favori permanent" du fait de ce fichage. Est-ce acceptable ? Dans le cas du Royaume-Uni, doit on considérer qu'un anglais sur 30 est un criminel potentiel ?[7] On devrait dans ce cas vite reboucher le tunnel sous la Manche... Si l'on ne doit pas considérer qu'un anglais sur 30 est un criminel potentiel, doit-on alors considérer qu'il est normal, souhaitable, de fichier les empreintes génétiques d'innocents ?
Considérons que si notre fichier comportait 2 millions d'entrées, les mêmes raisons d'efficacité policière conduiraient à souhaiter qu'il en contînt 10 millions, et que le crime antisocial de non-paiement de stationnement à l'horodateur devrait bientôt suffire à un fichage en règle.
Fichage que l'on généralisera ensuite à l'ensemble de la société, dès la maternité, cela sera plus simple. Voilà tout simplement le chemin que l'on prend, la voie sur laquelle nous sommes bien engagés, dans ce domaine comme dans d'autres : biométrie, caméras de surveillance, systèmes de localisation, écoutes informatiques (Echelon, "Frenchelon"), fichier STIC, notre bel et ubiquitaire ami Big Brother.
Alors, oui, le fichier FNAEG permettra certainement l'arrestation d'un certain nombre de criminels. Combien au fait ? Combien qui n'auraient pas pu être confondus par d'autres moyens d'enquête, par d'autres indices ou d'autres preuves ? Cela, nul ne le sait, le nombre ne doit pas être énorme. Mais cela n'empêche que l'on vous montera en épingle au journal télévisé le cas typique, le cas d'école où l'empreinte génétique aura joué un rôle crucial.
Mais à quel prix ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? L'arrestation d'un ou deux criminels de plus vaut-elle le fichage A.D.N. de centaines de milliers d'habitants de ce pays, de millions demain[8] [9] [10], de tous, peut-être, un jour ?
Sommes-nous réellement, selon l'expression de Benjamin Franklin, prêts à échanger nos libertés fondamentales contre un peu plus de sécurité, fût cette dernière illusoire ?
Ces questions, on pourrait penser qu'il incomberait aux journalistes de se les poser, de les poser pour nous. Mais non, dans les grands médias, radios et télévision, ils ne font que dérouler la propagande gouvernementale, ils se contentent de nous vendre le bel outil, le beau fichier du Miniam[11], ces aimables lecteurs de communiqués de presse du Miniver[12]
Une fois donc que des centaines de milliers, des millions de nos concitoyens seront fichés au FNAEG, quelles seront les conséquences ? Quel est le risque ?
Même ceux que la seule idée d'un fichage A.D.N. aussi large de la population ne choquerait pas en soi (Eh oui, on s'habitue à tout...) devraient bien réfléchir aux éléments suivants:
Suspects privilégiés permanents
Le fichage au FNAEG d'une partie notable de la population constituera celle-ci en corps de suspects privilégiés permanents.
Ces personnes, non condamnées, innocentes aux yeux de la justice dans leur immense majorité, verront cependant leur profil génétique automatiquement comparé (par ordinateur) avec les prélévements A.D.N. opérés sur les scènes de tous crimes et délits, rendant ces personnes infiniment plus susceptibles que d'autres d'être victimes d'une éventuelle erreur du système, car nul système n'est infaillible.
La scission de notre société en deux groupes, celui des innocents-innocents et celui des innocents-suspects est-elle tolérable dans une démocratie ? Dans le pays qui prétend être "celui des Droits de l'Homme'' ?
Boulevard de l'Erreur Judiciaire
Quand on voit le responsable du laboratoire scientifique de la Gendarmerie affirmer fièrement à Soir 3 que la comparaison d'empreintes génétiques est fiable à 99,9%, on imagine aisément un tel expert, ou l'un de ses avatars, plastronner avec le même argument devant un jury de cour d'assises : Fiable à 99,9%, mesdames et messieurs les jurés !
On imagine aisément l'impact de tels propos sur des jurés, les effets de manches du procureur. l'A.D.N. ! La Reine des Preuves ! Le coupable est certain ! Raccourcissez-le, Monsieur Deibler ! Ah non, c'est vrai, en France, on ne guillotine plus. Enfin, pour le moment.
On imaginera sans peine que la présence d'une telle "Reine des Preuves" dans un dossier contribuera fortement à la fermeture de celui-ci, à l'arrêt des investigations "puisqu'on tient le coupable", avec l'aide de la tendance humaine naturelle à la facilité, et de la surcharge de travail des juges d'instruction[13].
Mais voilà, il suffira peut-être d'être passé deux heures avant un crime, par le plus grand hasard, sur le lieu où se déroulera celui-ci, et d'y avoir laissé un mégot imprégné de notre salive, pour que celui-ci ne devienne "le mégot de l'assassin", et nous, ah ben merde... l'assassin, tiens. Avec la Reine des Preuves, puisqu'il y a notre ADN dessus.
Si nous sommes dans le fichier, ce n'est vraiment pas notre jour.
Ce qui ressemble de prime abord à une certitude scientifique ou technologique peut n'être que du vent du fait d'erreurs humaines dans une procédure, du fait de déductions hâtives, certitudes mal étayées et autres "Omar m'a tuer"...
Du vent... Mais revêtu du poids de la certitude scientifique.
La naissance de la "preuve ADN" ouvre la voie à la "falsification de preuve ADN", voire au dépôt volontaire d'un cheveu, d'un mégot... sur la scène d'un crime pour brouiller les pistes ou faire incriminer tel ou tel.
La justice aura-t-elle toujours la sagesse d'en tenir compte, ou sera-t-elle parfois tentée par la simplicité et la rapidité ? Se laissera-t-elle convaincre par la "Reine des Preuves" pour peu que le suspect soit indigent ou défendu par un avocat débutant de l'assistance juridictionnelle ?
Ceux qui se poseraient la question pourront lire avec fruit l'ouvrage de Me Jacques Vergès "Malheur aux pauvres", ou pourront tout simplement relire La Fontaine: selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir[14]...
L'arrivée massive de la surveillance technologique, de la preuve technologique, c'est aussi l'arrivée à prévoir de quantité d'erreurs judiciaires imputables sinon à la technologie elle-même, du moins à l'excès de confiance en cette technologie, ou à sa mauvaise utilisation. Votre téléphone GSM aura cafté que vous étiez près du mauvais endroit, au mauvais moment ? Une caméra de surveillance, votre badge informatisé de transports en commun, ou l'un de vos cheveux aura dit la même chose ? Pas de chance mon ami, ce n'était pas votre jour.
Mais cet aspect de ces questions n'intéresse guère le peuple, bien sûr, et encore moins les journalistes. C'est sans doute pour cela qu'on ne vous en parle pas.
ha ,le rezo , faudra les decorer un jour de l'ordre du merite de la defense democratique et des libertés tout court , des sentinelles ces mecs la .
je rajouterais a cet article , que comme les empreintes digitales ont radicalisées en leurs temps ,la delinquance puisque dans les années 70-80 ,apres avoir volé une voiture ,on ne se donnait pas la peine de l'incendier et elle revenait souvent nickel a son proprietaire

les progres de la police scientifique ont fait qu'aujourd'hui ,on brule systematiquement !
alors la question que je me pose avec l'ADN , c'est a quand l'incendie de la scene de crime ,va plus ya voir besoin d'incinerer les victimes , ce sera dans la prestation

encore une fois ,l'enfer va etre pavée de bonnes intentions et vu la logique delinquante qui veut qu'il faille toujours garder une longueur d'avance sur un fonctionnaire meme scientifique ,je me pose des questions sur les reels desseins du fichage de masse .