suite entretien fabienne Brutus (interv. en page d'accueil)

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desman65

suite entretien fabienne Brutus (interv. en page d'accueil)

Message par desman65 »

Bonjour,

Je viens de lire l'interview de Fabienne Brutus et elle reflète assez bien ce que j'ai pu voir dans ma vie professionnelle. J'ai travaillé pendant près de 4 ans comme Conseiller en insertion pour des structures travaillant avec l'Anpe.
Il faut savoir que cette grande "administration" sous traite divers types de prestations d'accompagnement à l'emploi ou à l'orientation à des structures privées et qui, souvent, se cachent derrière le statut associatif.
Ces structures sont rémunérées pour accueillir des demandeurs d'emploi qui "ne sont pas autonomes dans leur recherche d'emploi". Ce système marche par conventions. Une "association" sera, par exemple, chargée d'accompagner vers l'emploi 20 personnes. Quand je bossais dans l'insertion (2002) les "Objectifs emploi individuel" (OEI) avaient la côte. Le principe en est simple : durant trois mois on est censé recevoir le demandeur d'emploi environ une fois par semaine. Il faut lui déballer la panoplie totale : cv, lettre de motivation, entretien d'embauche. Souvent tout cela il l'a déjà fait ailleurs.
Alors notre grand rôle est de l'aider dans ses démarches vers
les entreprises en le poussant à faire acte de candidature. Car, bien entendu, s'il est dans sa situation c'est qu'il n'a pas su "candidater" comme il convient. Le problème ne vient pas du marché du travail, il vient forcément de lui : pas assez souriant, , pas assez réactif, ne sait pas se vendre etc...et j'en passe, il y en a des dizaines de ces expressions type. D'ailleurs quand un conseiller Anpe positionne un chômeur vers une prestation il fait une "prescription", un peu à la manière d'un toubib.
Cerise sur le gateau, la structure sous traitante, a des objectifs à atteindre. Du style 80% des gens reçus doivent avoir un emploi à la sortie de la prestation, ou dans les mois qui suivent.
Là, le problème se corse car les personnes a qui est prescrit un OEI sont par définition ANPE des gens qui ont beaucoup de "freins à l'emploi". Mais il faut les caser sinon, objectifs nuls et attention à la remise en cause de la convention. Et si le Conseiller en Insertion ne fait pas bien son travail il n'aura pas la fameuse "habilitation" . Et on donnera les prestations à une autre "association" plus à même de les mener à bien.
Alors pour continuer d'exister une structure doit faire du chiffre, le marché de l'accompagnement des chômeurs peut être juteux pour certaines. Les autres, qui ont un côté trop humaniste, sont vouées à la disparition.
De sorte qu'il ne reste sur le marché que des associations qui sont là pour faire du fric et qui embauchent, ou plutôt gardent ( il faut les rester) des Conseillers en insertion qui ne se posent quasiment aucune question le bien fondé de ce qu'ils font.
Dans la réalité cela se traduit par des Conseillers en insertion qui poussent les chômeurs à prendre n'importe quel emploi, à n'importe qu'elles conditions.
Sur 20 chômeurs il y en a une partie qui va réagir et dire "pas question que j'aille travailler dans ces conditions" qui, soit dit en passant, sont parfois proches de l'escalage. Et puis il y en a une grande majorité qui va accepter car elle est sous domination de l'institution qui donne de ma'gres revenus style allocation spécifique de solidarité qui va accepter. Même topo pour les formations qui ne mênent nulle part.
A ce niveau le conseiller devient presque un spécialiste du STO. Résultats obligent.
Et puis il y a les Conseillers qui refusent de rentrer dans cette logique et se retouvent en marge de la philosophie de la structure qui les emploie. Et la structure finit par les rejetter. De sorte qu'on ne retrouve dans les "associations" que de bons petits gentils mercenaires de l'insertion à tout prix. Même celui de la casse humaine.
Peut être, pour certains, je peux passer pour quelqu'un qui crache dans la soupe. Mais je crois qu'il est important de pouvoir le faire si elle n'est pas bonne. même si par la suite cela nous oblige à manger un peu moins bien...

Philippe Execolatz
chris

Message par chris »

Peut être, pour certains, je peux passer pour quelqu'un qui crache dans la soupe. Mais je crois qu'il est important de pouvoir le faire si elle n'est pas bonne. même si par la suite cela nous oblige à manger un peu moins bien...
bravo ,on peut tous se tromper sur la gueule de la soupe a un moment de sa vie ,pour de bonnes et de mauvaises raisons mais ce qui fait de quelqu'un un mec bien ,c'est de s'en apercevoir et d'en prendre la mesure .

et cette description du systeme par du vecu en a d'autant plus d'utilité :wink:
structures privées et qui, souvent, se cachent derrière le statut associatif.
quand c'est pas subventionné par les partis politiques :idea:
gaia

Message par gaia »

Et alors c'est quand le changement où on gardera les associations etc "humanistes" et où on jetera les autres," les vautours" lol ? ouais je rêve, le changement ne se fera pas, ça évoluera juste en pire pcq bizarrement tout le monde subit sans broncher une machine déjà bien huilé. Ca me rappelle quelque chose tout ça
victorine83

Message par victorine83 »

Pour rejoindre le discours de Philippe, parmi les conseillers en insertion, il y a les bons, ceux qui ont une bonne formation et qui font un vrai travail en profondeur avec le demandeur d'emploi. Et puis, il y a les mauvais, ceux qui sont mal formés, voire pas du tout, pour l'insertion. Je parle par expérience ayant eu affaire à une formatrice chargée d'un accompagnement en groupe à l'afpa sans aucune formation dans ce domaine (je la connaissais personnellement) et exercent leur mission sur la base de ces fameux clichés décrits par Philippe et qui placent le demandeur d'emploi dans son incapacité à se vendre pour telle ou telle raison et dont il est responsable. Là, le travail de culpabilisation est de rigueur et il faut l'avoir vécu pour le croire tellement le traitement est odieux.

Pour les structures, c'est la même chose et je pense que le problème est encore plus flagrant dans les grandes villes où la concurrence joue en défaveur du demandeur d'emploi.

En tant que demandeur d'emploi, il m'est très facile de repérer si, au sein d'une structure d'insertion, je suis un produit ou un client. En fait, cela se dévoile dès l'accueil. Quand on est un produit, celui-ci est inexistant, voire méprisant et quand on est un client, il se fait dans le plus grand respect.

J'ai connu les deux cas de figure dont 2 accompagnements en groupe catastrophiques et un accompagnement individuel avec un conseiller formidable.

Par contre, j'ai tout de même l'impression que l'anpe tient compte de la qualité des prestations qu'elle sous-traite et il ne faut surtout pas hésiter à faire remonter les informations quand il y a des dysfonctionnements mais... ne pas hésiter aussi valoriser une bonne prestation.

Plus l'anpe a d'infos, plus ça couvrira, en partie, le demandeur d'emploi ; c'est le cas pour mon agence.
superuser
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silence assourdissant

Message par superuser »

Merci Philippe !

J'ai reçu récemment un mail de Dominique ("Écrire à la rédaction", comme si on y pouvait quelque chose…) qui, à la lecture de ma chronique sur le livre de Fabienne Brutus, revendiquait sa fierté de bosser pour le Service Public de l'Emploi et accusait Fabienne Brutus de "cracher dans la soupe"... Elle a surtout tilté sur ma phrase : "L'agent ANPE est devenu un robot silencieux (ou un tortionnaire qui s'ignore…) parce que tout est fait pour qu'il en soit ainsi."

Fabienne Brutus appelle, me semble-t-il, à la révolte (pacifique et citoyenne) : quand on bosse dans une machine qui ne correspond plus à rien de ce qu'on était censé y faire, alors pourquoi continuer en se taisant ???

On sait que, dans quelques circonstances historiques décisives, c'est le silence qui a permis l'impensable.

Philippe, je te remercie d'être venu ici dire ce que tu penses.
A mon tour je te demande : pourquoi les agents ANPE se taisent-ils dans un silence assourdissant ? POURQUOI ?

Sophie HANCART
chris

Message par chris »

pourquoi les agents ANPE se taisent-ils dans un silence assourdissant ? POURQUOI ?
sans doute le credit sur la maison , le credit sur le scenic ,l'eternelle excuse des chtis nenfants a elever , ca rejoint l'endettement des trentes ans :D

ca en fait des tetes baissées ,du silence assourdissant :idea:

peu de gens choisissent de vivre debout ,ca demande de l'abnégation et du sacrifice a l'autel de la vie sociale imposée comme norme .

y en sont conscient , certains resistent par remords en clicquant comme il faut quand il le faut !

d'autres sont carrement a genoux ,des penitents a vie 8)

en italie ,je sais plus qui avait fait un excellent film dont j'ai toujours adoré le titre :

le conformiste !!!!!!!
tristesir

Message par tristesir »

Quand l'huissier est passé chez toi et qu'il t'a tout pris, même les chaises, peut être alors commences-tu à vivre debout? 8)
chris

Message par chris »

bof ,ceux la ,ca leur arrive point :D

ca rejoint le post sur l'allegeance lors du recrutement :idea:

si ca leur arrivera peut etre vers 45 ans ,quand malgré des années de fayotage ,seront virés quand meme !!

ca ramene a certains post de senior vu un moment qui meme la n'ont pas encore pris la mesure du systeme :)

je connais pas mal de gens qui ont fait plusieurs fois faillite et ont connu les saisies ,autrefois y avait meme l'interdiction d'exercer ,donc de bosser et qui se sont relevés quand meme .

moi meme ,faillite une fois directement et une fois en tant qu'associé ,et toujours ..debout :D :D
malok

Message par malok »

Atteint d'obsessionnite aigue mâtinée de paranoïa chronique, je me permets très amicalement de faire une observation à Victorine...
Attention à ne pas perdre la bataille des mots engagée par le management langue de bois.
Ton opposition produit/client me choque, je préfère produit/usager ou produit/personne ou produit/être humain, enfin n'importe quoi d'autre...
Je ne considère absolument pas les chômeurs ( appelés DE à l'assedic aussi ) comme des clients.
Le piége sémantique est redoutable. Un client est un consommateur de produits ou de services ( vision toujours utilitariste et marchande de la société ).
Passons sur le fait qu'un client a la liberté de choix de la boulangerie oû il achète son pain, ce qui n'est pas le cas vis-a-vis de l'Assedic ou l'Anpe, passages obligatoires dans le parcours du combattant du chômeur.
Par ailleurs si le choix existait vraiment, je serais le premier à ne pas lui conseiller d'acheter sa baguette chez nous, tellement on empêche sciemment ces deux structures d'apporter une véritable qualité de service.
L'apparition de ce terme de "client" ( qui vient de l'industrie et des services marchands ) est plus que trompeur, il n'induit qu'hypocritement ( et seulement dans les paroles ) une meilleure qualité de service ( on en sait tous quelque chose dans des positions différentes ).
En fait, sa véritable utilité est de culpabiliser les personnels des services de l'emploi et les rendre honteux de renacler à d'incessantes dégradations des conditions de travail ( dont le chômeur paie aussi le prix fort en bout de chaîne )
En effet, que refuser au client-roi ? Si tout va si mal, ça ne vient pas d'un choix politique ou managérial, c'est la faute au client jamais satisfait !
Circulez, y'a rien à voir...
Mécanisme analysé par Paul Aries " harcélement au travail et néo-management"
Voilà, vous penserez peut-être que je coupe les cheveux en quatre, mais je ne pense pas ( forcément puisque je vous ai dit que j'étais malade mental )
Les combats à mener sont multiples, celui des mots et des idées est peut-être un des premiers à mener.
Reamicalement à Victorine ( aux autres aussi, soyez pas jaloux )
victorine83

Message par victorine83 »

Bonjour Malok,

J'avais écrit :
En tant que demandeur d'emploi, il m'est très facile de repérer si, au sein d'une structure d'insertion, je suis un produit ou un client.
Je me considère comme cliente dans ce cas puisque la structure d'insertion qui dépend du secteur privé, dispense une prestation facturée dont j'attends une qualité de service qui m'est due.

Je ne parlais ni de l'anpe ni de l'assedic qui dépendent du service public où je suis effectivement usager et non client. :wink:
malok

Message par malok »

Autant pour moi, chère Victorine
Je suis d'ailleurs content que vous n'ayiez pas mal pris mon intervention, la prochaine fois je réfléchirai deux secondes avant de m'emballer ( qui a dit "c'est pas possible" ?)
Pour autant le problème reste entier, celui de l'intrusion des méthodes et verbiage du privé ( qui n'a pas forçemment plus de sens dans ce secteur d'ailleurs ) dans le public .
Ceci ne revient pas à réclamer le retour à une bureaucratie aveugle qui n'a d'ailleurs jamais disparu. Mais Anpe et Assedic cumulent les plus mauvais aspects des deux systèmes, une lourdeur technocratique obsoléte d'une part et une méthodologie d'inspiration uniquement marchande incongrue pour un "service public" d'autre part.
Pour en revenir à mon obsession ( ben ouais, et en plus j'en ai d'autres ), aucune des structures n'a le courage d'assumer la terminologie "client" lors de sa communication extérieure ( parce qu'on communique, c'est jeune, moderne, comptez sur nous pour faire de la pub mensongére pour le PARE mais pas pour indiquer les jours de fermeture exceptionnelle ).
C'est pas un vieux reste de respect de soi-même ( "on peut quand même pas être aussi obscène !" ) mais une question de manque de c...lles ( là y'a un gros mot )
ARAMIS2

BRAVO ! CA ME FAIT PENSER A UNE CERTAINE EPOQUE

Message par ARAMIS2 »

A Malok : Pour peu qu'on adapte quelque peu le texte en le ramenant 65 ans en arrière, on retrouve assez les mêmes renoncements, peurs, hypocrisies ou au contraire désir de dénoncer les dérives, surpassement des peurs, rejet d'hypocrisie, comme en cette période trouble où il y avait plus de neutrons que de résistants.

Comme à l'époque, il y a en effet ceux qui ont peur de leur ombre, ceux qui se méfient de celle des autres, ceux qui agissent dans l'ombre pour un camp ou l'autre et ceux qui commandent sans état d'âme en ne produisant plus aucune ombres.

Perso, il ne me reste plus que mon ombre (RMI) et j'ai choisi le maquis combatif depuis 7 ans (et je ne le regrette pas), alors chapeau pour votre texte (où je reconnais bien une certaine assos payée grassement pour apprendre à se vendre) et n'ayons pas peur de lutter par tous moyens imaginables, pour conserver notre dignité. ARAMIS :twisted:
victorine83

Message par victorine83 »

Autant pour moi, chère Victorine
Je suis d'ailleurs content que vous n'ayiez pas mal pris mon intervention, la prochaine fois je réfléchirai deux secondes avant de m'emballer ( qui a dit "c'est pas possible" ?)
Pas de problème, Malok :D et je comprends parfaitement votre discours.

Sauf là :
C'est pas un vieux reste de respect de soi-même ( "on peut quand même pas être aussi obscène !" ) mais une question de manque de c...lles ( là y'a un gros mot )
Il me semble comprendre que vous parlez de votre impuissance face à la grosse machine mais il ne faut pas non plus être trop dur avec soi-même surtout dans le contexte actuel. Résister n'est pas simple alors chacun fait ce qu'il peut comme il peut en son âme et conscience et parfois ce sont des petits-riens qui font beaucoup de bien. :wink:
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