La bataille sera longue

Vous pouvez poster ici vos articles de presse, communiqués, bons plans, etc... et réagir à ceux des autres.

Modérateurs : superuser, Yves

gaia

La bataille sera longue

Message par gaia »

"Plus récemment encore, l’économiste André Sapir, de l’Institut de recherche bruxellois Bruegel, a publié une étude («Globalisation and the Reform of European Social Models») qui a fait grand bruit: il distingue en fait quatre modèles européens, sur la base de deux critères fondamentaux: l’efficacité et la justice («equity» en anglais qu’on a traduit ici par «justice» plutôt que par «équité»): le modèle nordique (niveau élevé de dépenses sociales, syndicats forts, resserrement des salaires, facilité de licenciement mais forte indemnisation des chômeurs) est le seul qui soit à la fois juste et efficace, tandis que le modèle anglo-saxon (syndicats faibles, éventail large des salaires, protection sociale limitée au minimum) est efficace et injuste. Le modèle continental (fortes dépenses sociales, licenciements très encadrés et indemnités de chômage élevées) auquel on peut rattacher la France est inefficace mais juste, et enfin le modèle méditerranéen (fortes dépenses, licenciements limités mais indemnités faibles) est, lui, peu efficace et injuste. Quand on lit cela on se dit qu’il n’y a pas d’hésitation à avoir, inspirons-nous du modèle scandinave!
C’est là que les problèmes surgissent... Tout d’abord, les nations ne sont pas des entreprises, et le poids de l’histoire, des traditions, des mentalités rend impossible la simple transposition de modèles venus de l’extérieur. C’est faire bien peu de cas des spécificités nationales façonnées pas des siècles de politiques, de guerres, d’évènements, c’est oublier la géographie, la culture, la religion - aspect fondamental dans le rapport à l’argent et au travail - et les hommes.

Ensuite, les modèles sont souvent passagers: qui donnerait aujourd’hui le Japon en modèle, alors que tout le monde souhaitait le copier dans les années 1980? Plus près de nous, qui louerait les vertus de l’Allemagne, devant laquelle nous faisions si souvent des complexes d’infériorité économique et sociale, et qui est aujourd’hui considérée comme le pays malade de l’Europe? Par définition, dans un monde en mutation très rapide, ces modèles sont souvent déjà «dépassés» une fois qu’on souhaite s’en inspirer.

Enfin, en ce qui concerne la France, son insertion dans l’Europe - ce qui est beaucoup moins vrai que pour les pays scandinaves, qui ont toujours été en marge de la construction européenne - fait que la copie ou l’adoption d’un modèle indépendamment de ses voisins n’aurait pas de sens. Pour prendre un exemple, une fiscalité encore plus élevée créerait des problèmes encore plus aigus d’exode vers nos voisins, pour reprendre un thème souvent débattu ces derniers temps.

A l’ensemble des ces remarques générales, viennent s’ajouter des aspects plus spécifiques: la taille de ces pays et leur très forte homogénéité socio-politique, avec une forte culture du consensus (très forte syndicalisation, mêmes partis au pouvoir depuis plusieurs décennies), en font des cas à part qui rendent très difficile une transposition.

Finalement, on voit bien que ce modèle, aussi intéressant soit-il, n’est pas copiable. Dès lors, on peut se demander si sa mise en avant, pour constater ensuite l’impossibilité de le transposer, ne sert pas finalement à promouvoir plutôt le modèle anglo-saxon, en tout cas des politiques de type anglo-saxon. Il est par exemple intéressant de noter cette phrase de Eric le Boucher dans sa chronique du Monde du 26 novembre dernier «Le modèle anglo-saxon est efficace, mais inéquitable, le modèle franco-allemand est équitable, mais inefficace (trop cher), et le modèle latin est à la fois inefficace et inéquitable. Le choix est donc de glisser soit vers l’anglo-saxon, soit vers le nordique.». La possibilité de choisir l’équité au détriment de l’efficacité n’est même pas considérée!

Regarder ailleurs est utile, voire indispensable, mais si évolution de notre société il y a, c’est au sein de celle-ci qu’il faut en imaginer les contours et les modalités. Il y a là un formidable défi à relever, pour que nous adaptions, réformions, transformions notre propre modèle, et qu’on puisse enfin parler de renouveau du modèle français."

article en entier ci dessous :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=4916

Est ce que ça passera par une 6 republique, par une modification des institutions ...parce qu'il y a une fracture de plus en plus apparente entre le peuple et ses représentants
Répondre