Laetitia dit :
Et bien je suis contente de voir que notre sujet ne tombe pas dans les méandres du forum dès son premier jour, et que certains points de notre poste soulève des questions ou des réactions !
Je vais tâcher de donner une réponse qui tentera d'aborder tous les points dont vous avez parlé me concernant (Barbara interviendra peut-être aussi pour donner son avis) :
- En ce qui me concerne, je veux continuer de croire que l'organisation du travail telle qu'on la connaît va devoir subir des transformations (et ça rejoint plusieurs points détaillés après) : pourquoi les pays Scandinaves arrivent à avoir des taux de chômage aussi bas ? Pourquoi Ils arrivent très bien à intégrer les deux tranches d'âge les plus touchées par le chômage (les jeunes et les seniors) ? Pourquoi il n'y a qu'en France où rester tard à son travail est synonyme de "bon travailleur" alors qu'ailleurs, ça veut juste dire qu'on a pas été assez rapide pour finir son travail (ailleurs, ça veut dire que les horaires de fin de journée sont plus tôt, et donc on peut aller chercher les enfants à l'école, etc.. avoir un vie hors travail en somme) ? Pourquoi en France, retraites, pré-retraite et chômage des seniors sont assimilés ? Pourquoi on se suicide sur son lieu de travail ? Etc... Il y a pleins de questions qui font qu'aujourd'hui, des politiques (malheureusement pas les plus influents...) des chercheurs, et tout une ribambelle d'experts exhortent le monde du travail à muter vers un nouveau modèle, où le management serait différent, le recrutement aussi, et l'accompagnement également.
Je suis consciente qu'en étant une future diplômée, je fonce direct dans une des catégories les plus touchée. Je ne l'appréhende pas avec sérénité, comme je l'ai dit, le chômage n'est pas une situation "naturelle" (comprendre par là socialement ancrée comme peut l'être le travail, petit on nous apprend à travailler, pas à être au chômage). Mais j'aime à croire que les choses peuvent changer, ou qu'on peut les faire changer, même un chouilla, sinon à quoi bon... (on aura l'occasion de toute manière de revenir là dessus et d'échanger ensemble

)
- Visiblement, notre post a amené quelques divergences sur le vécu du chômage. Je rejoindrai Yves : cette situation est aliénante, car on ne travaille pas alors qu'on le souhaiterai, le rythme des journées change, la perte de sociabilité et les difficultés matérielles s'installent, le contrôle et le jugement deviennent constants, etc. Le sens du travail, un des points qu'on souhaite aborder, à un rôle extrêmement fort dans ce côté aliénant : c'est un état de paradoxe constant, car on sait ce que le travail peut avoir comme valeur pour soi (j'imagine plus fort que quelqu'un en poste), mais en même temps, on y est pas. Or le cerveau humain déteste les états de paradoxes, le déséquilibre. C'est pourquoi il va tenter de le réduire en acceptant cette situation. Chez certains ça va passer par la rationalisation, en essayant de trouver des points positifs à cette situation. Et puis chez d'autres, d'après ce que je lis (et que je que je peux imaginer aussi), c'est quasi inévitable que dès que le chômage de longue durée s'installe, la réalité se fait alors difficilement positive et laisse la place à des états de santé (physique et psychologique) plutôt négatifs (insomnies, dépression, etc.). Puis il semble qu'après, ce soit de la résignation à cette situation, ce qui permet vraisemblablement de retrouver un état interne un peu plus stable, toujours d'après ce que je lis de vous bien évidemment.
Ce qui m'amène à répondre aux dernières interrogations : ce vécu cité au dessus, ces conséquences sur l'être humain que peut avoir le chômage, nous le prenons en compte, bien évidemment. Toujours dans nos hypothèses, l'origine même du chômage n'implique pas la même manière de réagir face à ce phénomène. Quelqu'un qui démissionne anticipera peut-être mieux sa situation de chômage que quelqu'un qui vient d'être licencié ? Dans un cas il y a un choix (bien que des fois la démission soit un non-choix...) et dans l'autre, il y a quelque chose de subi et surtout de soudain et de violent. L'un peut ne pas affecter la personne à retrouver un emploi, tandis que l'autre provoque un traumatisme qui peut démotiver à retrouver un emploi. Ne serait-ce qu'avec ce vécu là, les méthodes et les outils qui vont être employés seront différents. Le sens accordé au travail aussi.
Il ne faut pas oublié que nous somme en psychologie, et qu'une action trouve toujours sa source dans une réflexion mentale, même inconsciente. Notre but, c'est d'expliquer cette réflexion qu'on ne voit pas : pourquoi les seniors préfèrent-ils tel outil pour retrouver un emploi que les jeunes ? Si on se contentait de quantifier, ça ne serait qu'un mémoire de statistiques

Ceci m'amène à répondre au conseil qui nous a été donné de rejoindre PE : en admettant que ce soit matériellement possible, rejoindre PE ne serait pas une bonne méthode pour nous. Pour une étude sociologique, pourquoi pas, après tout comme ça qu'ils fonctionnent en Sociologie : ils se fondent dans la masse et font part des observations et de ce qu'ils ont ressenti. Sauf que nous, on veut observer une partie ce qui n'est pas observable : le ressenti de la situation, le pourquoi de telle action, etc. C'est votre regard sur votre pensée qui nous intéresse, autrement, nous ne vous aurions pas sollicité
Et je finirais par boucler la boucle : je ne pense pas que cette étude puisse servir un jour à pointer ou fliquer quiconque. Ce qu'on cherche à mettre en lumière, c'est de savoir quel outil est le mieux adapté à quel âge ou sexe ? Avec la crise que subit PE (et surtout les employé de PE qui crisent

) je pense qu'au contraire, ça ne peut qu'améliorer la situation de chacun. Aujourd'hui, on parle du recrutement 2.0, par réseaux sociaux sur internet : combien d'atelier de PE existent sur ce thème ? Peu je le craint. Pourquoi obliger tout le monde à suivre tel atelier alors qu'il n'est pas adapté aux besoins et aux envies de tout le monde ?
Au delà de ça, il ne faut pas perdre de vue que ce travail reste un mémoire. Au mieux, il ne sera qu'une pierre à l'édifice d'autres psychologues qui travaillent sur le sujet, ce qui implique qu'une éthique y est acollée. Ces psychologues font pour la plupart partis d'observatoires, et leurs conclusions ne pourront pas être reprises comme ça sans devoir leur rendre des comptes. Je ne pense pas que ce soit dans l'intérêt de l'Etat (et de l'intérêt de la survie de PE) de rajouter à cette structure un objectif supplémentaire de fliquage : tout comme l'organisation du travail semble se remettre en question, la politique de lutte contre le chômage va devoir y arriver aussi, car il est évident qu'elle n'est pas bonne. Ce qui finit par rejoindre ce que disait Ongles_noirs, il va falloir produire une politique de lutte globale (s'attaque au fonctionnement discriminatoire des entreprises, notamment) et adéquate. Mais si ce contexte et cette réflexion sera partie intégrante de notre mémoire, il ne pourra pas apporter toutes les réponses. Un mémoire se veut forcément parcellaire par défaut, puisqu'il répond à une question et observe un phénomène bien particulier d'une population bien particulière.
A notre niveau, nous ne pouvons qu'apporter un angle de réflexion auquel personne n'avait pensé et qui rajoutera à l'édifice de la recherche en psychologie du travail sur a thématique du chômage (N'oublions pas que la recherche par définition se veut parcellaire, puisque chaque discipline observe sous son angle d'expertise avec ses propres outils

). Une étude systémique sur toutes la population Française reste malheureusement le rôle de l'Etat (je dit malheureusement parce qu'il semblerait qu'à chaque fois, les gens qui possèdent les moyens de faire changer les choses à grande échelle ne sont jamais ceux qui s'en préoccupe !) et surtout en son pouvoir "matériel" que nous n'avons pas. Mais nos recherches, combinées les unes aux autres peuvent leur apporter des pistes de réflexion pour trouver des solutions, qui seront là adaptées puisqu'elles tiendront compte du vécu des personnes les plus victimes de cette situation (je dit les plus victime, parce que je pense que les gens qui travaillent à PE le sont aussi un peu : leurs moyens sont dérisoire, et pourtant ils doivent régler une situation plus qu'urgente. Ils doivent faire face à leur empathie envers vous, leur éthique et leurs principes, face à ce qu'on leur demande de faire : c'est-à-dire pointer et en pas prendre le temps d'aider pour qu'il y ai du rendement).
Mais je peux comprendre que ce soit perçu comme inutile : à force de témoigner pour faire avancer les choses, et ne pas les voir bouger, ça devient frustrant et énervant. Je ne peux pas vous dire autre chose que : vous avez raison de l'être ! Sans doute qu'aujourd'hui, on a tous une raison de l'être vu comment les choses avancent peu rapidement dans le bon sens (voir rarement dans le bon sens...). En ce qui me concerne, je suis quand même ravie de pouvoir échanger avec vous sur ce sujet, je ne peux concevoir d’écrire un mémoire sur le chômage sans avoir pu en parler avec des gens qui le vivent auparavant
Laetitia.