source et suite:Chaque semaine, dans trois hôpitaux publics de la région parisienne, une psychologue et deux médecins reçoivent des hommes et des femmes malades de leur travail (...).
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source et suite:Chaque semaine, dans trois hôpitaux publics de la région parisienne, une psychologue et deux médecins reçoivent des hommes et des femmes malades de leur travail (...).
sourceTélérama a écrit :Symptôme du malaise social, le mal de vivre au boulot est devenu l'affaire du corps médical. "Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés" : un documentaire magistral, dénonciation accablante des souffrances endurées au travail.
Elle parle vite comme pour fuir un danger et s'en excuse. «Mon corps s'est adapté au rythme de la machine du travail… Ça m'énerve chez moi quand tout le monde ne bouge pas aussi vite que moi. […] Je suis devenue une machine.» C'est Mme Alaoui, ouvrière à la chaîne depuis l'âge de 17 ans. Elle déballe sa souffrance et quelqu'un – une psychologue – l'écoute. Enfin. C'est une consultation, dans un hôpital. Mme Alaoui n'en peut plus : elle raconte les cadences infernales, les réductions de personnel, l'exigence de rendement croissant. Et, surtout, la peur, la solidarité qui n'est plus, l'isolement de chacun. On boit ses paroles précipitées, on est frappé par leur portée collective et l'on pressent très vite que ce film modeste sera une date.
Marqués par un livre de Christophe Dejours, "Souffrance en France" (lire Télérama n° 2505), qui analysait «la banalisation du mal dans le travail», Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil ont décidé d'agir à leur tour, avec leurs outils à eux. Ceux qui s'étaient déjà distingués avec "Pardevant notaire" (1999) et "Arbres" (2001) ont installé leur caméra dans un cabinet médical pour filmer les consultations de personnes malades de leur travail et qui, un jour, ont craqué. Sur les trente-sept patients rencontrés, quatre seulement ont été gardés au montage. Et ce qu'ils disent fait froid dans le dos.
Outre Mme Alaoui, il y a un directeur d'agence qui a «pété les plombs» à la suite d'une pression trop forte, une aide-soignante rabaissée à passer la serpillière en silence, une gérante de magasin rétrogradée en manutentionnaire. Malgré les différences de professions et de statuts, une souffrance commune se fait jour. Elle se traduit par des arrêts maladie répétés, dus à des pathologies physiques (douleur au dos) mais surtout psychiques (dépression). Tous sont atteints psychologiquement, tous sont blessés et humiliés. Ce sont les victimes d'une guerre dévastatrice qui ne dit pas son nom, celle du néolibéralisme. Guerre économique fondée sur un nouveau productivisme sauvage qui modifie en profondeur une organisation du travail de plus en plus désordonnée.
Un fléau sévit et personne ne dit rien. Sauf ici. C'est un grand soulagement que procure ce film d'écoute. Pas n'importe quelle écoute, celle-là est «risquée», comme le dira un moment un praticien. Cela signifie que rien n'est sûr, que les solutions sont difficiles, bref qu'il faut un certain courage, aux patients comme aux médecins, pour affronter le mal en cours. Et le regarder en face, sans faillir, à l'instar du dispositif sobre mais attentif mis en place par les deux réalisateurs.
On parle beaucoup de crise de l'emploi en masquant souvent celle du travail. Avec la menace du licenciement qui plane vient la soumission, l'intimidation, le chantage ou le harcèlement. Ce qui domine ici, c'est bien l'angoisse, parfois même l'effroi. Lorsque le médecin demande à la gérante si elle souhaite retourner au magasin, sa réponse est une supplication paniquée : «Oh, non, non, non !» «Ça va nous coûter la vie», dit aussi Mme Alaoui. Les quatre reviennent d'un enfer et ne veulent pas y retourner. Le système n'épargne personne, pas même ceux qui font le plus honneur au travail. De là le mot réconfortant du praticien à la gérante du magasin – «Il n'y a pas de culpabilité à avoir. C'est vous qui êtes porteuse d'une histoire et de valeurs qui ne sont plus en accord avec celles de vos supérieurs».
Valeur, morale, reconnaissance, autant de mots étrangers à la logique de la rentabilité à tout crin qui n'implique plus d'être entreprenant mais agressif, non plus consciencieux mais tueur, et ce au prix d'une solitude terrible. Sur les ravages du chacun pour soi dans le monde du travail, sur la paranoïa alimentée par des grilles d'évaluation dignes de l'espionnage, sur le consentement passif, le film est d'autant plus parlant qu'il interpelle et implique tout le monde. Pas de regard surplombant de juge ou de justicier, ici, mais un véritable questionnement directement débattu dans l'épilogue intitulé «Viatique», sorte de table ronde animée par Christophe Dejours et réunissant les trois praticiens vus auparavant. Où l'on apprend, entre autres, comment ces médecins ou ces psychologues se sont entraidés et constitués en réseau pour répondre à une détresse croissante qui ne rentrait pas dans les tableaux cliniques habituels.
Le travail permet à chacun de se construire, de se forger une identité, une dignité. C'est cette fonction même qui apparaît ici gravement dénaturée, rendant vulnérable chaque travailleur, de l'ouvrier au patron. Si les vrais films politiques sont plus rares qu'on ne le dit, celui-là en est un : tout en pointant l'absence cruelle de débat public, Ils ne mouraient pas tous… soulève énormément de questions qui sont à la fois d'ordre social, juridique, économique et même philosophique.
hum... ça me troue trop cette chute !superuser a écrit :Télérama a écrit : Le travail permet à chacun de se construire, de se forger une identité, une dignité.