Je pense qu'il est important que vous, nous, lisions ce qu'a à dire J.Bové, un des rares avec A.Montebourg qui propose des solutions novatrices à nos problèmes. A ce propos on verra que J.Bové prône lui aussi la creation d'une 6eme république et qu'il a un avis sur le chômage contrairement à l'image du monomaniaque écolo que certains lui collent à la peau.
Dabord le lien vers le tchat enregsitré sur le Monde
Le contenu (collé ici pour archive) :
Pierre : Que pensez-vous des débats en cours sur les caricatures de Mahomet ?
José Bové : Pour moi, il y a deux éléments dans ce débat : le premier élément est celui de la liberté de la presse. Pour moi, la liberté de la presse est une et indivisible. Cette liberté-là ne se limite pas et ne se négocie pas. La deuxième partie de ma réponse consiste à dire qu'on est dans un monde où la culture générale a évacué l'histoire des religions, et qu'à partir de là, je suis persuadé que les premiers qui ont fait ces dessins n'avaient pas conscience que, dans l'islam, la représentation d'Allah était interdite. Ils pensaient certainement faire une critique de l'islam radical, mais pas forcément de la représentation d'Allah. Je pense que c'est une méconnaissance profonde de la tradition islamique. Donc c'est un phénomène, me semble-t-il, de plus en plus présent, cette acculturation chez de plus en plus de personnes. Pas simplement par rapport à l'islam, mais globalement, par rapport à l'ensemble des religions.
Perdiccas : Pouvez-vous nous donner les trois premières mesures que vous attendez d'un président de gauche élu en mai 2007 ?
José Bové : Je pense que la première mesure qu'il devrait prendre serait de s'engager à remettre à plat la Constitution française et d'amener, à partir de là, un vaste débat général pour mettre en place une 6e Constitution qui rapproche les citoyens de l'ensemble de l'exercice de la démocratie. La deuxième mesure serait d'abolir l'ensemble des lois et décrets qui auront été pris par le gouvernement actuel contre les intérêts des salariés au point de vue économique et au point de vue des droits, notamment le texte en débat actuellement au Parlement, s'il était mis en place. Troisièmement, je pense que ce gouvernement devrait prendre dans les tout premiers jours de son élection une décision de moratoire sur la dissémination des OGM en plein champ. Dans le même ordre d'idée, il devrait mettre en place un moratoire sur le projet de centrale nucléaire EPR.
Aship : Que reprochez-vous au contrat première embauche ?
José Bové : Je pense que ce contrat première embauche, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, est une régression par rapport aux droits des salariés dans la mesure où il remet en cause le principe même du contrat à durée indéterminée et qu'il s'impose à tous comme la nouvelle forme de contrat pour les jeunes de moins de 26 ans. Il crée ainsi une insécurité sociale qui modifie complètement le rapport du jeune salarié à l'employeur.
"CONSTITUER UNE FORCE À LA GAUCHE DU PARTI SOCIALISTE"
Nini : Vous sentez-vous prêt à être candidat à l'élection présidentielle ?
José Bové : Je ne suis candidat à rien, comme je l'ai souvent répété. Par contre, je suis prêt à soutenir tout travail collectif qui permettrait de rassembler et de constituer une force à la gauche du Parti socialiste pour être sûr qu'une victoire soit possible en 2007, victoire d'une alternative de gauche qui pourrait rassembler l'ensemble des forces sur un programme. Je suis donc prêt à participer à l'élaboration et à la dynamique autour de cette perspective.
Aship : Que pensez-vous des circonvolutions des Verts au sujet de la réunion du 8 février ?
José Bové : Je pense que ces circonvolutions sont révélatrices, malheureusement, du mode de fonctionnement des Verts et de leurs difficultés à être entendus sur la scène nationale. Personnellement, je le regrette.
Crouks : Pensez-vous que cette alternative de gauche puisse être un projet mettant au centre une politique de décroissance soutenable ?
José Bové : Je crois que si une véritable alternative se met en place, elle doit de manière évidente poser la question de la croissance et la question du modèle économique dans lequel on est. On a vu depuis des années que le mythe de la croissance du PIB n'a jamais en réalité changé quoi que ce soit par rapport à la courbe du chômage ou à l'amélioration des conditions de vie des gens les plus démunis. Donc à partir de là, il faut remettre en cause tout le modèle. Que l'on appelle cela "décroissance" ou qu'on essaie de trouver un autre terme, peu importe. L'important est de bien montrer que, aussi bien du point de vue économique, social ou environnemental, notre modèle est à bout de souffle. Et que la planète ne pourra pas supporter ce modèle pour les générations futures. (Il faudrait quatre planètes si l'on veut que tous les habitants de la Terre aient le niveau de vie des Européens.)
Moon : Est-ce réaliste avec nos partenaires européens ?
José Bové : Le problème du réalisme, c'est qu'en général on cache le fait qu'on refuse de rompre avec des réalités existantes à un moment donné. Il me semble qu'il y a nécessité de rompre, notamment, par exemple dans le cadre des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, avec la logique qui est imposée par les transnationales. Il est évident qu'au niveau européen la logique du dumping social et du dumping fiscal que nous avions dénoncée pendant la campagne du référendum en 2005 est toujours d'actualité et montre qu'il y a nécessité de changer les règles du jeu, y compris avec nos partenaires.
Sly : Ségolène Royal pourrait-elle être porteuse de vos idées ? Et seriez-vous prêt à l'épauler ?
José Bové : Je pense qu'aujourd'hui la question n'est pas une question de femme ou d'homme, mais plutôt de créer une dynamique pour transformer la réalité. Donc ce qui me paraît le plus important aujourd'hui, c'est qu'aussi bien au niveau des partis politiques que des syndicats ou des associations, une véritable dynamique se mette en place pour faire des propositions. Et c'est à partir de ce socle de propositions et de cette dynamique qu'un candidat pourra être mis en avant, puisque c'est la règle du jeu de la Ve République, malheureusement.
Moon : La jeune génération qui arrive sur le marché de l'emploi peut-elle encore croire en la capacité de la gauche (totalement transparente, inexistante depuis la présidentielle) à réduire le chômage ?
José Bové : Je pense que c'est à chacun de se réapproprier le débat et que partir du principe qu'on attend que les autres agissent et qu'on se contente de mettre un bulletin dans une urne tous les cinq ans, c'est une très mauvaise attitude. C'est plutôt par l'action, par l'engagement qu'on peut changer la réalité des choses, y compris redonner un sens à la gauche. Gauche qui ne se limite pas à sa représentation institutionnelle telle qu'on peut la voir aujourd'hui.
Jeanphi : Le potentiel retour de Jospin ne risque-t-il pas d'être catastrophique pour la gauche ?
José Bové : Je pense que M. Jospin n'est pas celui qui peut le mieux représenter cette dynamique aujourd'hui. Je crois que ce qui est important, c'est que ceux qui représenteront cette dynamique puissent être en accord avec la réalité de ce qu'est la gauche aujourd'hui, et pas avec une vision dépassée, me semble-t-il.
Nikolasz : Le forum social de Bamako (forum mondial qui s'est déplacé du Brésil au Mali) n'a eu quasiment aucune couverture médiatique. Qu'en est-il premièrement de l'altermondialisme actuellement, et deuxièmement, quelle est votre place dans ce mouvement?
José Bové : Je pense que si le forum de Bamako n'a pas eu beaucoup d'échos médiatiques, c'est parce que les médias ne s'y sont pas intéressés, ce qui n'a malgré tout pas empêché le forum de se tenir. Et des milliers de débats et de rencontres d'avoir lieu. Je regrette pour ma part qu'il n'y ait pas eu plus d'attention sur ce qui s'est passé à Bamako, dans la mesure où c'était la première fois qu'autant d'organisations de la société civile africaine venant de l'ensemble du continent étaient présentes, et que le dynamisme de ces mouvements a été très important pour alimenter la réflexion de ceux qui étaient venus des autres endroits dans le monde. Et des expériences concrètes ont pu être échangées. Pour ma part, j'ai participé, avec Via Campesina, à plusieurs débats que nous avions mis en place sur l'agriculture, et notamment sur la souveraineté alimentaire. Il a été décidé d'organiser au mois de février 2007 un forum mondial de la souveraineté alimentaire, avec des délégations du monde entier, au Mali, pour continuer de faire pression sur les institutions internationales et les Etats pour assurer le droit des peuples à se nourrir à partir de leur propre agriculture.
Lucas : Comment peux-tu te rallier au PC pronucléaire et productiviste ?
José Bové : Je ne me rallie à personne, pas plus aux Verts qu'au PC. Mais je crois qu'il est possible aujourd'hui de faire débattre, y compris de la question du nucléaire et de l'énergie, des gens aussi différents que les Verts, les responsables du PC ou d'autres, et de poser les problèmes non plus en termes uniquement traditionnels pour ou contre, mais en termes de définition de ce qu'est l'énergie, de ce que sont les besoins, des problèmes posés par l'environnement et l'avenir des générations futures. Et ce qui a été possible comme débat dans d'autres pays, comme l'Allemagne notamment, doit être possible en France. Et je n'ai jamais, pour ma part, eu de blocage avec qui que ce soit pour aborder les questions de cette manière-là.
Gwendoline : Qui peut le mieux alors porter cette dynamique ?
La_fine_gueule : Que pensez-vous de Laurent Fabius ?
José Bové : Comme je l'ai dit, je crois que le moment n'est pas de savoir quelle est la personne qui peut le mieux incarner des idées, mais de savoir comment on met en place un programme, comment cette dynamique autour de la volonté de changer les choses peut se réaliser, et, à partir de ce moment-là, le choix des personnes se fera. Il est très dangereux, je pense, de mettre la charrue avant les bœufs. La réponse que j'ai faite tout à l'heure par rapport à Mme Royal vaut aussi pour M. Fabius. Je les connais tous les deux, et donc ce n'est pas une question de personne, c'est pour moi une question prématurée. D'autant plus que je ne suis pas membre du Parti socialiste et que, jusqu'à présent, ce sont les adhérents du PS qui ont à se déterminer sur leur propre candidat.
Jeanphi : Que pensez-vous des récents succès électoraux en Amérique latine, de la Bolivie au Venezuela en passant par le Chili et le Brésil ? Ce qui est en train de se passer là-bas ne peut-il pas être fédérateur en France ?
José Bové : Je pense que ce qui se passe en Amérique latine est quelque chose de très important qui n'est jamais arrivé dans l'histoire de ce continent. Et que c'est le fruit de plusieurs décennies de combats, souvent difficiles, et qui ont amené à la fois des centaines de personnes à perdre la vie ou à s'exiler. Aujourd'hui je crois qu'une modification en profondeur est en train de naître et que les différents pays d'Amérique latine sortent d'une longue léthargie dans laquelle les avaient fait tomber les dictatures militaires et les institutions multilatérales comme le FMI et la Banque mondiale. Les expériences dans chacun de ces pays sont différentes, mais, me semble-t-il, sont complémentaires dans la mesure où elles représentent un véritable contrepouvoir à la volonté d'hégémonie des Etats-Unis.
Sofy : Quelles propositions pourriez-vous faire au sujet de la question de l'immigration ?
José Bové : Je crois que sur la question de l'immigration, il y a beaucoup de fantasmes qui circulent et que la réalité, par exemple, de l'immigration clandestine, est véritablement quelque chose de très marginal par rapport à l'ensemble du flux des personnes étrangères qui entrent sur le territoire français. Je pense donc qu'il faut dédramatiser ce débat en permettant à ceux qui sont aujourd'hui dans la clandestinité parce qu'ils n'ont pas de papiers de pouvoir retrouver leur dignité en leur allouant des papiers qui leur permettent de travailler et d'avoir un logement décent sans être exploités soit par des employeurs peu scrupuleux soit par des marchands de sommeil.
En même temps, en revenant du Mali, où j'ai rencontré plusieurs centaines de personnes qui faisaient partie de ceux qui avaient été chassés des camps espagnols au Maroc et renvoyés dans leur pays, je me suis rendu compte de la situation catastrophique dans laquelle ces personnes étaient et du sacrifice qu'elles étaient prêtes à faire pour essayer de venir en Europe pour ensuite faire vivre leur famille au Mali. Je crois que notre pays n'a pas pris conscience des dégâts qu'il a pu faire par rapport à ces populations dans les 150 années qui viennent de passer, et qu'aujourd'hui il ne faut pas simplement faire une journée de mémoire sur l'esclavage. Faut-il encore rendre aux victimes de l'esclavagisme et du colonialisme les moyens de pouvoir construire dignement leur avenir.
Enritka : Que pensez-vous de la révolte des banlieues et quelles propositions feriez-vous sur ce terrain-là ?
José Bové : Je pense que la révolte des banlieues, comme toute révolte, est imprévisible, mais qu'elle a montré de manière évidente tous les maux qui sont dénoncés dans les banlieues depuis plus de vingt ans aujourd'hui. Que ce soit par rapport au racisme, au chômage, à la dégradation des conditions de vie ou à la ghettoïsation. Cette révolte intervient pour montrer qu'aujourd'hui la situation est insupportable et qu'il faut des réponses multiples. A la fois en termes d'emplois des jeunes, de suivi scolaire et de formation appropriée, de logement et de modification de conception du logement urbain, de pouvoirs financiers y compris pour les mairies pour les infrastructures. Bref, c'est une remise en cause du projet autour de la ville qu'il faut faire, et je crois que c'est aussi un échec de la politique répressive et de la stigmatisation faites par le ministre de l'intérieur M. Sarkozy.
Tau : Quelle serait pour vous la stratégie énergétique (viable) pour sortir du nucléaire ?
José Bové : Je pense qu'il n'y a pas qu'une seule source d'énergie. Aujourd'hui, il y a des sources d'énergie pour produire de la chaleur, d'autres pour produire de l'électricité, d'autres pour faire tourner des moteurs. Et par rapport à l'ensemble de ces sources, il faut différents types d'énergies. La première chose, c'est de pouvoir élargir au maximum l'éventail et limiter les gaspillages. Plus on fait circuler d'électricité dans les fils sur de longues distances, plus il y a de déperdition : plus de 50 % se perdent dans les circuits. Il y a donc nécessité de répondre le plus localement possible aux besoins. Aujourd'hui, il y a énormément de sources possibles d'énergies pour les villes, par exemple pour les chauffages de bâtiments publics ou les transports en commun, avec le biogaz issu des ordures ménagères, avec la géothermie, dans certaines régions avec le solaire. Il faut au maximum réfléchir de manière diverse. C'est pour moi l'essentiel. Et faire en sorte que les énergies renouvelables soient la base des besoins énergétiques, et non pas le complément une fois qu'on a rempli tous les besoins.
Aship : Vous parliez tout à l'heure de mettre un terme à la Ve République. Quel serait le contenu de la sixième ?
José Bové : Je pense d'abord qu'il faudrait que cette VIe République soit débattue collectivement, et que les institutions émanent du débat public. Bien évidemment, tout le monde ne pourra pas élaborer l'ensemble des articles, mais le débat sur leur contenu devra se faire sur le terrain au niveau de la commune, comme nous avons débattu sur le traité constitutionnel européen en 2005.
Un exemple important, me semble-t-il, c'est que les députés puissent effectivement proposer des lois – chose qu'ils ne font pas aujourd'hui – et que tous les projets de loi qui seront déposés devant l'Assemblée nationale soient débattus dans les circonscriptions et qu'au moment des débats parlementaires, les députés retransmettent quelles ont été les propositions et les remarques des citoyens sur le terrain. C'est une des propositions.
Je crois qu'il faut aussi remettre en cause la présidence de la République telle qu'elle existe aujourd'hui, qui ressemble plus à une monarchie républicaine qu'à une véritable institution démocratique. Enfin, il faudrait de manière générale réaffirmer l'indépendance des pouvoirs les uns par rapport aux autres, et s'assurer qu'il n'y ait pas de possibilité, comme aujourd'hui, qu'il n'y ait plus de contrepouvoir au sein des institutions.
Syl20 : En constituant une force à gauche du Parti socialiste, ne risque-t-on pas d'assister une nouvelle fois à un second tour à l'image du 21 avril 2002 ?
José Bové : Je crois que si le 21 avril 2002 est arrivé, ce n'est pas tant de la faute des gens qui se sont engagés pour tel ou tel candidat à la gauche du PS que de la faute de la candidature Jospin de n'avoir pas été capable de faire se déplacer aux urnes son électorat traditionnel. Et donc je ne crains pas cet effet 21 avril si l'ensemble des mouvements à gauche sont capables de mobiliser leur électorat, et même au-delà. Je ne pense pas qu'un rassemblement à la gauche du PS puisse affaiblir une alternative pour 2007, bien au contraire. Il pourrait être la condition qui permettrait de rassembler beaucoup plus de monde, et donc d'assurer de la sorte une meilleure possibilité pour un deuxième tour victorieux.
Shabatim : Quel sera, selon vous, le visage de l'agriculture française dans vingt ans ?
José Bové : Si la situation actuelle continue, je serais très pessimiste. Nous nous orientons vers une agriculture française avec moins de 250 000 exploitations. C'est-à-dire un désert rural. C'est pourquoi il nous paraît indispensable de changer les règles du jeu de la politique agricole commune afin d'installer des nouvelles générations de paysans qui puissent avoir un revenu et qui puissent effectivement avoir un avenir.
Moon : Appellez-vous à manifester le 7 février ?
José Bové : Je ne fais pas partie d'une organisation syndicale de salariés, donc il nous est difficile d'appeler à manifester de prime abord. Néanmoins, nous appuierons en tant que Confédération paysanne les mobilisations là où elles se feront. Et d'ores et déjà, nous avons décidé de nous mobiliser pour la manifestation du 11 février contre la directive Bolkestein. Car il me paraît important de ne pas saucissonner les mobilisations et de bien montrer qu'une atteinte aux droits des salariés peut avoir des répercussions sur ceux des paysans et vice versa.
Chat modéré par Constance Baudry et Eric Nunes
A lire : l'intégralité du débat avec José Bové sur Le Monde
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"tant que le lion ne saura pas écrire, les histoires de chasse glorifieront le chasseur"