http://www.agoravox.fr/tribune-libre/ar ... t-un-65624Le travail est-il vraiment un droit ?
En France comme partout ailleurs, des entreprises ferment qui employaient beaucoup de main d’œuvre et de nouvelles industries naissent qui en emploient très peu. La travail s’automatise de plus en plus. Est-ce une société de chômage qui se met en place ? Ou une société qui libère du temps pour vivre ?
Qu'est-ce que le travail ?
Qu'est-ce que le travail ?
Re: le titre est mal choisi
Le travail n'a jamais été un droit mais plutôt un devoir... Et l'article parle tout à fait d'autre chose !
J'ai aimé :
J'ai aimé :
Le travail est malade. Il traverse une crise dont les aspects sont multiples : économique (le chômage), écologique (la destruction des ressources naturelles) et culturelle (la perte de sens).
Par la désaffection qu’il provoque à l’égard d’une vie de travail de plus en plus précaire et vide de sens, le chômage, finalement, devient un danger pour l’ordre établi.
bonne nouvelle !
On assiste en ce moment à la montée d'un débat qui remet le travail sérieusement en question, et c'est plutôt réjouissant.
Par exemple, la semaine dernière, le "Débat Paris-Berlin" sur Arte a mis les pieds dans le plat avec un aplomb insoupçonné.
Et "Envoyé spécial" sur France 2 va prochainement faire de même avec un reportage sur les "chômeurs heureux" (le phénomène du funemployment aux USA, des portraits de personnes qui ont soit choisi de ne plus vivre pour travailler et s'organisent en fonction, soit assument leur éviction du monde du travail et vivent autrement...). Je dois rencontrer le réalisateur qui a lu mon "Manuel du chômeur décomplexé", connaît aussi Pierre Carles et Guillaume Paoli, et veut que je participe à son film.
Si la crise permet l'émergence de ces idées d'avant-garde, alors je dis : Vive la crise ! Profitons-en !
Par exemple, la semaine dernière, le "Débat Paris-Berlin" sur Arte a mis les pieds dans le plat avec un aplomb insoupçonné.
Et "Envoyé spécial" sur France 2 va prochainement faire de même avec un reportage sur les "chômeurs heureux" (le phénomène du funemployment aux USA, des portraits de personnes qui ont soit choisi de ne plus vivre pour travailler et s'organisent en fonction, soit assument leur éviction du monde du travail et vivent autrement...). Je dois rencontrer le réalisateur qui a lu mon "Manuel du chômeur décomplexé", connaît aussi Pierre Carles et Guillaume Paoli, et veut que je participe à son film.
Si la crise permet l'émergence de ces idées d'avant-garde, alors je dis : Vive la crise ! Profitons-en !

Re: Le travail est-il vraiment un droit ?
Il me semble me rappeler qu'une personne avait eu l'initiative de mener sur le terrain de la justice le combat pour que l'Etat, la collectivité remplisse son devoir vis à vis des citoyens de leur trouver un emploi comme la Constitution semble l'indiquer.Le travail n'a jamais été un droit mais plutôt un devoir
Sauf erreur, cette initiative n'a débouché sur rien de positif, puisque la justice, si j'ai bien compris, considère que l'Etat n'a seulement pour obligation que la mise en oeuvre de moyens et non pas de garantir le résultat sur la question de l'emploi.
Au final, vous avez le devoir de travailler, c'est à dire que pour un individu bien-portant il a une quasi obligation à le faire mais en ce qui concerne l'Etat, il n'a aucune obligation de résultat pour vous en trouver un.
C'est du moins ce que je comprends.
Comme toujours, il s'agit d'un contrat social de dupes: le devoir qui pèse sur l'individu est plus lourd que celui qui pèse sur l'Etat et la collectivité, qui en outre contrôlent que les deux parties (dont eux-mêmes) à ce contrat ont bien rempli leur devoir. C'est tout simplement une pantalonnade !
Le prix du Sourire
http://www.agoravox.fr/actualites/econo ... rire-65717Au moment où le chômage en France vient de passer le cap des 2,6 millions, (lien) il est temps de s’interroger sur le travail.
L’histoire nous prouve que travailler n’amène pas le bonheur, puisque de tous temps, l’homme a tenté de le rendre moins pénible.
N’est-il pas devenu sédentaire, cultivant, produisant, élevant sur place des plantes et du gibier pour économiser ses efforts ?
Il a toujours privilégié la paresse, même s’il éprouve quelque difficulté à le reconnaitre, puisque la morale le condamne d’avance.
Quitte à prendre le contrepied du projet sarkozyste qui promettait de « travailler plus pour gagner plus », pourquoi ne pas envisager de « travailler moins » ?
Morale de classe
Chapitre troisième du manifeste "Le sabotage" d'Emile Pouget (1897) :
Il est compréhensible que, de la différentiation radicale dont nous venons de constater la persistance entre la classe ouvrière et la classe bourgeoise découle une moralité distincte. Il serait, en effet, pour le moins étrange, qu’il n’y ait rien de commun entre un prolétaire et un capitaliste, sauf la morale. Quoi ! Les faits et gestes d’un exploité devraient être appréciés et jugés avec le critérium de son ennemi de classe ? Ce serait simplement absurde !
La vérité, c’est que, de même qu’il y a deux classes dans la société, il y a aussi deux morales - celle des capitalistes et celle des prolétaires.
La morale naturelle ou zoologique, écrit Max Nordau, déclarerait que le repos est le mérite suprême, et ne donnerait à l’homme le travail comme désirable et glorieux qu’autant que ce travail est indispensable à son existence matérielle. Mais les exploiteurs n’y trouvent pas leur compte. Leur intérêt, en effet, réclame que la masse travaille plus qu’il n’est nécessaire pour elle, et produise plus que son propre usage ne l’exige. C’est qu’ils veulent précisément s’emparer du surplus de production ; à cet effet, ils ont supprimé la morale naturelle et en ont inventé une autre, qu’ils ont fait établir par leurs philosophes, vanter par leurs prédicateurs, chanter par leurs poètes : morale d’après laquelle l’oisiveté serait la source de tous les vices, et le travail une vertu, la plus belle de toutes les vertus...
Il est inutile d’observer que cette morale est à l’usage exclusif des prolétaires, les riches qui la prônent n’ayant garde de s’y soumettre : l’oisiveté n’est vice que chez les pauvres.
C’est au nom des prescriptions de cette morale spéciale que les ouvriers doivent trimer dur et sans trêve au profit de leurs patrons et que tout relâchement de leur part, dans l’effort de production, tout ce qui tend à réduire le bénéfice escompté par l’exploiteur, est qualifié d’action immorale.
Par contre, c’est toujours en excipant de cette morale de classe que sont glorifiés le dévouement aux intérêts patronaux, l’assiduité aux besognes les plus fastidieuses et les moins rémunératrices, les scrupules niais qui créent "l’honnête ouvrier", en un mot toutes les chaînes idéologiques et sentimentales qui rivent le salarié au carcan du capital, mieux et plus sûrement que des maillons de fer forgé.
Pour compléter l’oeuvre d’asservissement, il est fait appel à la vanité humaine : toutes les qualités du bon esclave sont exaltées, magnifiées et on a même imaginé de distribuer des récompenses - la médaille du travail ! - aux ouvriers-caniches qui se sont distingués par la souplesse de leur épine dorsale, leur esprit de résignation et leur fidélité au maître.
De cette morale scélérate la classe ouvrière est donc saturée jusqu’à profusion. Depuis sa naissance jusqu’à la mort, le prolétaire en est englué : il suce cette morale avec le lait plus ou moins falsifié du biberon qui, pour lui, remplace trop souvent le sein maternel ; plus tard, à la "laïque", on la lui inculque encore, en un dosage savant, et l’imprégnation se continue, par mille et mille procédés, jusqu’à ce que, couché dans la fosse commune, il dorme de son éternel sommeil.
L’intoxication résultante de cette morale est tellement profonde et tellement persistante que des hommes à l’esprit subtil, au raisonnement clair et aigu, en restent cependant contaminés. C’est le cas du citoyen Jaurès, qui, pour condamner le sabotage, a excipé de cette éthique, créée à l’usage des capitalistes. Dans une discussion ouverte au Parlement sur le Syndicalisme, le 11 mai 1907, il déclarait : "Ah ! s’il s’agit de la propagande systématique, méthodique du sabotage, au risque d’être taxé par vous d’un optimisme où il entrerait quelque complaisance pour nous-mêmes, je ne crains pas qu’elle aille bien loin. Elle répugne à toute la nature et à toutes les tendances de l’ouvrier..."
Lire la suite => http://www.cnt-f.org/spip.php?article715#morale
Il est compréhensible que, de la différentiation radicale dont nous venons de constater la persistance entre la classe ouvrière et la classe bourgeoise découle une moralité distincte. Il serait, en effet, pour le moins étrange, qu’il n’y ait rien de commun entre un prolétaire et un capitaliste, sauf la morale. Quoi ! Les faits et gestes d’un exploité devraient être appréciés et jugés avec le critérium de son ennemi de classe ? Ce serait simplement absurde !
La vérité, c’est que, de même qu’il y a deux classes dans la société, il y a aussi deux morales - celle des capitalistes et celle des prolétaires.
La morale naturelle ou zoologique, écrit Max Nordau, déclarerait que le repos est le mérite suprême, et ne donnerait à l’homme le travail comme désirable et glorieux qu’autant que ce travail est indispensable à son existence matérielle. Mais les exploiteurs n’y trouvent pas leur compte. Leur intérêt, en effet, réclame que la masse travaille plus qu’il n’est nécessaire pour elle, et produise plus que son propre usage ne l’exige. C’est qu’ils veulent précisément s’emparer du surplus de production ; à cet effet, ils ont supprimé la morale naturelle et en ont inventé une autre, qu’ils ont fait établir par leurs philosophes, vanter par leurs prédicateurs, chanter par leurs poètes : morale d’après laquelle l’oisiveté serait la source de tous les vices, et le travail une vertu, la plus belle de toutes les vertus...
Il est inutile d’observer que cette morale est à l’usage exclusif des prolétaires, les riches qui la prônent n’ayant garde de s’y soumettre : l’oisiveté n’est vice que chez les pauvres.
C’est au nom des prescriptions de cette morale spéciale que les ouvriers doivent trimer dur et sans trêve au profit de leurs patrons et que tout relâchement de leur part, dans l’effort de production, tout ce qui tend à réduire le bénéfice escompté par l’exploiteur, est qualifié d’action immorale.
Par contre, c’est toujours en excipant de cette morale de classe que sont glorifiés le dévouement aux intérêts patronaux, l’assiduité aux besognes les plus fastidieuses et les moins rémunératrices, les scrupules niais qui créent "l’honnête ouvrier", en un mot toutes les chaînes idéologiques et sentimentales qui rivent le salarié au carcan du capital, mieux et plus sûrement que des maillons de fer forgé.
Pour compléter l’oeuvre d’asservissement, il est fait appel à la vanité humaine : toutes les qualités du bon esclave sont exaltées, magnifiées et on a même imaginé de distribuer des récompenses - la médaille du travail ! - aux ouvriers-caniches qui se sont distingués par la souplesse de leur épine dorsale, leur esprit de résignation et leur fidélité au maître.
De cette morale scélérate la classe ouvrière est donc saturée jusqu’à profusion. Depuis sa naissance jusqu’à la mort, le prolétaire en est englué : il suce cette morale avec le lait plus ou moins falsifié du biberon qui, pour lui, remplace trop souvent le sein maternel ; plus tard, à la "laïque", on la lui inculque encore, en un dosage savant, et l’imprégnation se continue, par mille et mille procédés, jusqu’à ce que, couché dans la fosse commune, il dorme de son éternel sommeil.
L’intoxication résultante de cette morale est tellement profonde et tellement persistante que des hommes à l’esprit subtil, au raisonnement clair et aigu, en restent cependant contaminés. C’est le cas du citoyen Jaurès, qui, pour condamner le sabotage, a excipé de cette éthique, créée à l’usage des capitalistes. Dans une discussion ouverte au Parlement sur le Syndicalisme, le 11 mai 1907, il déclarait : "Ah ! s’il s’agit de la propagande systématique, méthodique du sabotage, au risque d’être taxé par vous d’un optimisme où il entrerait quelque complaisance pour nous-mêmes, je ne crains pas qu’elle aille bien loin. Elle répugne à toute la nature et à toutes les tendances de l’ouvrier..."
Lire la suite => http://www.cnt-f.org/spip.php?article715#morale
Re: Le travail est-il vraiment un droit ?
Contre le travail et ses apôtres
Extrait choisi
:
Extrait choisi

S’agit-il vraiment d’amour du travail ? Si on aime vraiment le travail, on peut tout au plus prendre en pitié ceux et celles qui chôment, du style : « Ah les pauvres, ils ne savent pas ce qu’est le plaisir du travail, les joies du salariat, le bonheur du réveil à six heures, les trains bondés. Ah c’est vraiment triste ! » Mais les chômeurs empêchent rarement (trop rarement) les travailleurs de travailler. Alors quoi ? Jalousie peut-être ? Et comme on ne peut jalouser quelqu’un qui gagne moins d’argent que soi dans ce monde, il ne reste que la jalousie du « temps libre ».
Re:
Cette "jalousie du temps libre" est paradoxale car, une fois son temps libéré, le salarié moyen est confronté à l'ennui et à la peur du vide.
Les rails que la vie professionnelle a tracés pour lui sont bien sécurisants...
Savoir occuper son temps libre sans jamais s'ennuyer est un art qui ne s'acquiert qu'avec des années de pratique.
Les rails que la vie professionnelle a tracés pour lui sont bien sécurisants...
Savoir occuper son temps libre sans jamais s'ennuyer est un art qui ne s'acquiert qu'avec des années de pratique.
Re: Le travail est-il vraiment un droit ?
On passe son temps à ne pas se retrouver en tête à tête trop longtemps avec soi-même. Les moyens utilisés: travail, tv... On se laisse confisquer une bonne partie de sa vie pour se fuir soi-même: un homme seul est en mauvaise compagnie si l'on en croit certainsLes rails que la vie professionnelle a tracés pour lui sont bien sécurisants...

Le travail, tel qu'il existe aujourd'hui, est une confiscation du peu de temps à passer sur terre que tout l'argent du monde ne pourra jamais vous rendre.

L'angoisse naît de la liberté
A ne pas confondre avec l'anxiété ou la peur (on a peur que de ce qui nous est extérieur : le monde et les autres), l'angoisse est toujours angoisse du néant, et aussi angoisse devant soi-même et sa propre liberté. Elle désigne l'expérience radicale de l'existence humaine.
Chez Kierkegaard, l’angoisse naît de la liberté : elle est la découverte d’une liberté qui, tout en n'étant rien, est investie d'un pouvoir infini. J'ai peur de ce que je peux faire, du pouvoir immense que me confère ma liberté : c'est de là que naît l'angoisse authentique.
Chez Kierkegaard, l’angoisse naît de la liberté : elle est la découverte d’une liberté qui, tout en n'étant rien, est investie d'un pouvoir infini. J'ai peur de ce que je peux faire, du pouvoir immense que me confère ma liberté : c'est de là que naît l'angoisse authentique.
Re: Le travail est-il vraiment un droit ?
Certes cela doit être vrai dans l'absolu.J'ai peur de ce que je peux faire, du pouvoir immense que me confère ma liberté : c'est de là que naît l'angoisse authentique.
Plus précisément, selon moi, cette angoisse de se retrouver livrer à soi-même nait du fait que la société est construite en sorte que l'individu soit à tout moment assujetti/contrôlé de la naissance à la mort par une ou plusieurs autorités: parents, enseignants,patrons, pôlice emploi (et je laisse de côté police, juges etc)
Cette angoisse se traduit par le besoin impérieux de se ruer dans la première cellule venue afin de refermer au plus vite le verrou derrière soi.
L'absence de contrôle, l'absence d'une autorité qui vous dise ce que vous avez à faire et qui vérifie que vous l'avez fait est une peur indicible pour la plupart des êtres humains.
Les idées reçues sur le travail
Article assez long qui devrait vous intéresser. (Médiapart, accès par abonnement)
Le livre qui dynamite les idées reçues sur le travail
le lundi, 23/11/2009 par Mathieu Magnaudeix - Mediapart.fr
Dans "La France du travail", passionnant ouvrage d'économie critique paru récemment aux éditions de l'Atelier, les chercheurs de l'IRES (Institut de recherches économiques et sociales, créé en 1982 pour nourrir la réflexion économique des syndicats) tentent une gageure : enfoncer un coin dans ces vraies-fausses idées reçues sur le travail, l'emploi et la précarité assenées tour à tour par plusieurs décennies de crise, la normalisation idéologique de la gauche dans les années 80-90 et, plus récemment, le slogan sarkozyste du “travailler plus pour gagner plus”.
Objectif collectif : «apporter des éclairages de longue durée sur les principaux sujets du débat social» en questionnant ces «fausses évidences asssenées quotidiennement». Tout y passe : pauvreté, protection sociale, restructurations. Les analyses les plus décoiffantes concernent l'analyse du marché du travail, l'emploi et le chômage. Les auteurs démolissent ces soi-disant évidences scientifiques qui se révèlent bien fragiles une fois confrontées à la réalité des chiffres : le lien mécanique entre la croissance et l'emploi, le bilan négatif des 35 heures ou la rigidité supposée du marché du travail, etc.
Entretien à trois voix avec les auteurs : Florence Lefresne, Pierre Concialdi et Michel Husson.
Idée reçue n°1 : «C'est la croissance qui crée l'emploi»
De la droite la plus libérale à la gauche de la gauche, en passant par toutes les chapelles du Parti socialiste et les centristes bon teint, voilà une certitude bien arrimée dans les esprits : pas d'emploi sans croissance, nous répète-t-on à longueur de journée. Un point de vue qu'ont aussi en partage syndicats et patronat. Pourtant, la crise nous amène à rompre avec cette «tradition keynésienne» bien ancrée, martèle Michel Husson :
«La crise conduit à réévaluer une certaine tradition “keynésienne” qui consiste à rechercher les moyens d'une croissance plus forte pour créer des emplois. Cette vision est partagée par la gauche et la droite, qui ne diffèrent (de moins en moins) que sur les politiques susceptibles de doper la croissance : relance budgétaire et salariale pour la gauche, politique d'offre (baisse du coût du travail, flexibilité, déréglementation, etc.) pour la droite.
Compter sur une croissance plus forte pour résorber le chômage est une illusion. Parce que les moteurs de la croissance sont durablement cassés par la crise, et que dans le meilleur des cas on devrait, selon le FMI, revenir à une croissance de 1,5% jusqu'en 2014. Parce que la crise actuelle a conduit à l'accumulation d'un nouveau stock de chômeurs et que la reprise sera une reprise sans emploi. Il faut donc raisonner autrement en se posant la question du contenu de la croissance, et surtout de la répartition d'une croissance durablement faible.»
D'autant que le lien entre croissance et emploi n'est pas du tout aussi clair. Michel Husson parle même d'une «illusion»...
«La croissance ne crée pas d'emplois à long terme. Certes, l'emploi fluctue avec la croissance et c'est bien pourquoi il plonge en ce moment. Mais ce n'est pas vrai si on gomme les fluctuations en raisonnant sur une période plus longue. Cette proposition iconoclaste peut être étayée à partir de quelques chiffres : durant les 15 années précédant la crise actuelle (1993-2008), l'emploi a augmenté en France de 15%, pour une croissance annuelle moyenne de 2,1%. Mais si l'on considère les 15 dernières années (1959-1974) des Trente Glorieuses, on constate que l'emploi avait moins progressé (9% )... pour une croissance du PIB pourtant très supérieure (5,8% par an au lieu de 2,1%). Bref, la capacité d'une économie de créer des emplois est largement indépendante de sa croissance.»
Déconnexion assez logique, soutient Husson, puisque plus l'économie croît, plus elle gagne en productivité. Ce qui, mécaniquement, annule les effets de la croissance sur les créations d'emploi.
«Le constat sur longue période est que les progrès de la productivité compensent bon an mal an l'effet de la croissance sur l'emploi. Il y a en effet un lien très fort entre les deux : la productivité soutient la croissance, et la croissance permet d'investir et d'introduire des méthodes de production plus efficaces. Si la compensation est exacte, le volume de travail (le nombre total d'heures travaillées) est constant.»
Mais alors, si la croissance n'est pas en cause, quel est le facteur décisif de la création d'emplois ? A rebours de l'air du temps, l'économiste met en avant le rôle décisif de... la réduction du temps de travail.
Idée reçue n°2 : «La réduction du temps de travail est néfaste pour l'emploi»
Depuis le début des années 2000, la réduction du temps de travail, vantée à la fin des années 90 comme une avancée décisive, est vouée aux gémonies, à droite mais aussi à gauche. Husson en ressuscite crânement les vertus.
«Si on regarde l'évolution de l'emploi dans le secteur privé depuis 30 ans (graphique ci-dessous), on constate qu'il a faiblement augmenté durant 20 ans, entre 1978 et 1997. Puis, l'emploi franchit une véritable marche d'escalier entre 1998 et 2002 qui équivaut à 1,8 million d'emplois. Depuis, la progression de l'emploi retrouve un rythme moins rapide, et la récession a déjà annulé toutes les créations d'emplois depuis 2002. Dans cette progression, le fait majeur est évidemment la réduction de la durée du travail.»
Selon l'économiste, on peut évaluer à 500.000 le nombre d'emplois créés par le passage aux 35 heures sous le gouvernement Jospin. Des emplois «pérennes», qui ont résisté au retournement conjoncturel du début du XXIe siècle :
«Sur l'ensemble du XXe siècle, on ne trouve aucune période aussi courte associée à une telle progression de l'emploi. Sur les 2,7 millions d'emplois créés dans le secteur privé depuis 1978, les deux tiers (64%) l'ont été sur la période 1997-2001.
Ces faits devraient faire réfléchir tous les économistes. Or ils ont plutôt tendance à le relativiser, avec deux arguments. D'abord, ils évoquent la croissance. Certes, elle a aidé, mais l'explication est un peu courte : à cette époque, beaucoup plus d'emplois n'ont été créés que durant la reprise de la fin des années 1980, reprise qui était d'ailleurs plus marquée. Autre argument : ces créations d'emplois seraient l'effet différé des baisses de cotisations sociales de la période précédente (1993-1997). Mais on ne comprend pas pourquoi il aurait fallu attendre si longtemps pour en voir les effets! Et puis, si les 35 heures ont été une catastrophe économique à cause du renchérissement du coût du travail (ce qui est par ailleurs factuellement faux), comment expliquer que cela n'ait pas pesé sur l'emploi ? L'estimation économétrique conduit à dire que la RTT a créé 500.000 emplois. Mais l'important est que ces emplois se sont révélés pérennes : ils ont résisté au retournement de conjoncture, contrairement aux cycles précédents. L'acquis de cette période représente alors environ 1,8 million d'emplois.»
La réduction du travail serait donc encore une idée neuve ? Oui, soutient Michel Husson :
«Si le discours sur le caractère néfaste de la RTT peut dominer, ce n'est donc pas en raison de son bilan-emploi, mais plutôt à cause des modalités pratiques du passage aux 35 heures : intensification du travail, annualisation, gel des salaires, non-création d'emplois compensatoires dans le secteur public.»
Idée reçue n°3 : «Le marché du travail est trop rigide»
C'est la rengaine du Medef, et une quasi-évidence pour beaucoup d'économistes et de commentateurs de l'actualité économique. Qui, d'ailleurs, ne la discutent même plus : le chômage résulterait d'un marché du travail trop rigide, la flexibilité des salaires serait insuffisante et le contrat de travail trop contraignant pour l'employeur. «Ce message des économistes néo-libéraux est porté par l'OCDE mais aussi par l'Union européenne», explique Florence Lefresne. Or le marché du travail est déjà très flexible, souligne Florence Lefresne. Elle a exhumé des statistiques de la caisse nationale des Urssaf (Acoss) un chiffre stupéfiant : en 2008, 60% des déclarations d'embauches étaient des CDD de moins d'un mois !
«Difficile de qualifier de rigide un marché du travail sur lequel trois quarts des embauches se font en CDD. Et quels CDD ! Sait-on qu'en 2008, 60% des déclarations d'embauches à l'Urssaf sont des CDD de moins d'un mois ? C'est à la mise en miettes du statut salarial que l'on assiste depuis 30 ans. Les choix de management ont abouti aux formes les plus régressives de flexibilité : pratiques croissantes d'externalisation, de subordination de la sous-traitance et de déréglementation-précarisation de l'emploi. L'idée maîtresse étant de toujours plus transférer le risque sur un tiers, l'entreprise sous-traitante ou le salarié précarisé... ou même le salarié devenu auto-entrepreneur, grâce au nouveau régime fiscal favorisant le dumping social dans l'artisanat.»
Loin d'opposer des détenteurs de CDI crispés sur leurs acquis (et de moins en moins nombreux) et les précaires exclus de l'emploi durable, Michel Husson évoque une «stratégie de grignotage», tendant vers la précarisation du plus grand nombre :
«L'argument cynique employé notamment au moment de la création du contrat première embauche (CPE) par ses promoteurs consistait à dire que la précarité découle de la crispation des insiders (le noyau dur du salariat en CDI) sur leurs acquis. Notre analyse est qu'il y a une stratégie de grignotage qui consiste à utiliser des populations-cible (jeunes, femmes, immigrés, voire seniors) qui sont les vecteurs de l'introduction de nouvelles normes – dégradées – d'emploi. Cette stratégie consiste à encercler le CDI de contrats précaires, puis à se retourner contre lui pour déboucher sur un contrat de travail unique moins protecteur. Mais, compte tenu des résistances sociales, on assiste au contraire à la multiplication des formes de contrat, comme par exemple le contrat à objet défini cher au Medef» (un CDD long pour les ingénieurs et les cadres, créé en 2008).
D'ailleurs, cette soi-disant nécessité impérieuse de rendre le marché du travail plus flexible n'a même jamais été scientifiquement démontrée, insiste Florence Lefresne.
«L'OCDE elle-même, dans ses Perspectives de l'emploi, en 2004, rappelait qu'aucune étude économétrique n'était en mesure d'établir de corrélation entre le degré de rigidité de la législation du marché du travail et le niveau de création d'emplois. La flexibilité ne crée donc pas l'emploi. On doit même s'interroger sur son inefficacité économique, en termes de déperditions de compétences, pour toutes ces catégories de précaires loin d'être dénués de qualifications réelles. C'est par exemple le cas des jeunes ou des femmes, qui sont souvent victimes du déclassement.»
Pour la chercheuse, la crise a également mis à bas un autre concept : la flexisécurité, «concept flou» importé des Pays-Bas et du Danemark, censé concilier flexibilité du marché du travail et protection des salariés. Depuis une dizaine d'années, ce concept est très à la mode dans les grandes institutions internationales, et fait l'objet d'une littérature abondante. En France, la flexisécurité a pourtant largement inspiré un accord entre partenaires sociaux signé en janvier 2008 portant "modernisation du marché du travail", avec la mise en place de la rupture conventionnelle, sorte de licenciement à l'amiable très en vogue. Mais Florence Lefresne estime la flexisécurité à la fois trop liée aux pays où elle a été théorisée... et déjà dépassée :
«Ce néologisme désigne la stratégie politique promue par la Commission européenne depuis 2006, visant à concilier flexibilité du marché du travail et sécurisation des trajectoires individuelles. Il prend appui sur l'expérience néerlandaise où les partenaires sociaux ont, à la fin des années 1990, signé un accord dans ce sens et surtout sur le modèle danois, largement médiatisé dans la dernière période. La souplesse du contrat de travail est mise en exergue mais on oublie trop souvent de dire que, dans ce petit pays dont l'appareil productif est composé d'un tissu de PME à forte valeur ajoutée, la mobilité élevée des salariés, est permise par des niveaux de formation et de protection sociale (dont de prélèvements obligatoires) parmi les plus élevés au monde.
De toutes façons, la vigueur de la récession a nettement plombé le débat sur la flexicurité. Les suppressions massives d'emploi semblent faire peu de cas de la prétendue rigidité du contrat de travail. L'ampleur du nombre de contrats flexibles joue même plutôt comme un accélérateur de chômage. Les cohortes de licenciement viennent nuancer l'idée d'un CDI intouchable. Et l'emploi public tant décrié et attaqué constitue aujourd'hui une digue sans laquelle la situation serait encore aggravée.»
Idée reçue n°4 : «Le coût du travail est trop élevé»
Combien de fois n'a-t-on pas entendu ce poncif dans la bouche d'à peu près tous les responsables politiques, du centre gauche à l'extrême droite ! Une affirmation là encore démentie par les chiffres, estime Pierre Concialdi.
«Si l'on considère les indicateurs les plus courants de coût de la main-d'œuvre, la France ne souffre pas d'un désavantage comparatif par rapport aux pays de niveau de développement comparable. La France se trouve en situation médiane en ce qui concerne le coût moyen de la main-d'œuvre. Pour la main-d'œuvre ouvrière, la France est même mieux placée que les autres pays, comme le montrent régulièrement les statistiques du Département du travail américain. Si l'on ajoute que la France a un niveau moyen de productivité supérieur à presque tous les autres pays, il est difficile de soutenir qu'il y a un problème de compétitivité-coût. Si la situation du commerce extérieur français est dégradée, ce n'est pas de côté-là qu'il faut chercher, mais plutôt dans les stratégies des entreprises.»
Selon Michel Husson, la pression mise sur le coût du travail a servi d'autres buts que l'impératif de compétitivité : elle a surtout permis d'augmenter les dividendes versés aux actionnaires.
«Si l'impératif de compétitivité fonctionnait réellement, la baisse du coût du travail aurait dû être répercutée dans les prix, afin de gagner des parts de marché. Mais dans le cas d'une répercussion parfaite, la part des salaires dans la valeur ajoutée aurait dû rester constante. Or elle a baissé. Cela veut dire qu'une bonne partie de la baisse du coût du travail n'a pas été consacrée à une baisse des prix mais à une augmentation des dividendes versés par les entreprises. Ceux-ci représentaient 4% de leur masse salariale au début des années 80 ; en 2008, on en était à 12%.»
Pierre Concialdi pousse le raisonnement jusqu'à envisager que le Smic, que les responsables politiques rechignent à augmenter par crainte de grever la compétitivité des entreprises, n'est pas si élevé qu'on le dit parfois:
«Les rapports qui se sont intéressés récemment à cette question n'ont considéré qu'un aspect de cette question, à savoir le rôle de "voiture balai" que joue le SMIC, en examinant la place du salaire minimum dans la hiérarchie des salaires. Or d'un point de vue économique, c'est surtout le rapport entre la productivité du travail et le salaire minimum qui est pertinent. Le principe qui fonde l'existence du SMIC – créé en 1970 – repose en effet sur l'idée que les salariés doivent bénéficier des fruits de la croissance, c'est-à-dire recevoir une part minimale de la valeur ajoutée créée. Or le rapport entre le salaire minimum et la productivité moyenne n'a jamais été aussi bas depuis 60 ans. Dans ces conditions, il est difficile de soutenir que le niveau du salaire minimum serait aujourd'hui trop élevé.»
Idée reçue n°5: La «sortie de crise» est à portée de main
Si la récession semble terminée, les conséquences sociales de la crise commencent à peine à se faire jour. Les trois chercheurs craignent qu'une fois la mer retirée, le paysage social apparaisse encore plus désolé.
Pierre Concialdi : «Avec la crise, le débat se focalise sur la montée du chômage. Mais le sous-emploi s'est aussi considérablement développé. Depuis un an, le chômage partiel a beaucoup augmenté pour atteindre des niveaux comparables à ceux observés en 1993, au creux de la récession. Et les autres formes de sous-emploi restent à des niveaux records.»
Florence Lefresne craint une «précarisation durable» des jeunes qui arrivent à intégrer le marché du travail malgré la crise. Quant aux autres, ils risquent tout simplement de rester «interdits de marché du travail pour longtemps».
«L'impact de la récession est particulièrement fort sur les jeunes dont le taux de chômage flirte avec les 25%. Cela s'explique par leur concentration sur les emplois temporaires (CDD, intérim) qui ont une forte dimension cyclique. On peut toujours attendre les effets de la reprise pour inverser la tendance, mais le stock accumulé de chômage ne se résorbera pas facilement et une bonne partie d'entre eux, notamment les moins qualifiés, risquent d'être interdits de marché du travail pour longtemps. Et pour ceux qui ont la chance d'accéder au marché du travail, les effets de précarisation semblent durables. Des travaux statistiques montrent en effet que chaque génération occupe finalement moins d'emplois stables que la précédente. Les jeunes ont d'ailleurs une conscience forte de cette précarisation. Ils l'ont exprimé clairement lors du rejet du CPE, au printemps 2006.»
Michel Husson craint qu'en sortie de crise, la recherche de rentabilité n'accélère la précarité de ceux qui ont un emploi. Ce qu'il résume d'une formule : la généralisation du «bricolage social».
«Dans la récession, bien des dispositifs qui ont permis d'amortir le choc sur l'emploi s'apparentent à une RTT de fait : chômage partiel, baisse des heures sup. Dans la période de sortie de crise, les entreprises vont chercher à rétablir leur rentabilité en ajustant à la baisse les effectifs ou en multipliant les contrats précaires. La question qui se pose maintenant est celle de la répartition du volume global de travail : après tout, le chômage est une forme-limite de réduction du temps de travail. Il faudrait une modification radicale du mode de partage du travail (moindre durée du travail, plus d'emplois) et de la répartition des revenus (moins de dividendes, plus de salaires). Si cette modification n'est pas amorcée, on va vers un bricolage social qui va durcir toutes les tendances déjà à l'œuvre, que l'on peut résumer par un fractionnement du salariat avec une multiplication des statuts précaires, sous la double pression de la quête de rentabilité des entreprises et du rééquilibrage des finances publiques.»
A en croire Pierre Concialdi, cette précarisation est déjà à l'œuvre à travers le Revenu de solidarité active (RSA). Pour le chercheur, ce dispositif qui remplace le RMI risque de rater son but proclamé d'endiguement de la précarité via l'incitation à reprendre un travail.
«Ce dispositif encourage encore davantage qu'auparavant les salariés à accepter ces emplois à temps partiel. Les premiers bilans – certes partiels – tirés de l'expérimentation du RSA confirment que ce risque existe bel et bien. Dans les zones tests où était expérimenté le RSA, les emplois retrouvés se concentrent davantage sur les temps partiels et ils sont moins rémunérateurs que les emplois retrouvés dans les zones témoins (où le RSA n'était pas expérimenté). Dans ces conditions, le risque existe que le RSA – comme les dispositifs analogues de soutien aux bas salaires du type de la PPE – ne soit pas une solution à la précarité mais, au contraire, un des éléments qui contribuent, sinon à son développement, du moins à son maintien.»
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[9] http://www.oecd.org/home/0,3305,fr_2649 ... _1,00.html
[10] http://www.acoss.urssaf.fr/
[11] http://www.mediapart.fr/node/67471
[12] http://www.travail-solidarite.gouv.fr/i ... sommaire_2
[13] http://www.oecd.org/document/24/0,3343, ... _1,00.html
[14] http://www.oecd.org/dataoecd/8/22/34847005.pdf
[15] http://www.mediapart.fr/journal/culture ... ent-social
[16] http://www.politiquessociales.net/Flexicurite,5039
[17] http://www.dol.gov/
[18] http://www.mediapart.fr/journal/france/ ... re-minimum
[19] http://www.mediapart.fr/journal/economi ... e-la-crise
[20] http://www.mediapart.fr/club/blog/serge ... e-assistee
[21] http://alternatives-economiques.fr/blog ... ns-le-rsa/
[22] http://www.sinehebdo.eu/
http://www.mediapart.fr/
Le livre qui dynamite les idées reçues sur le travail
le lundi, 23/11/2009 par Mathieu Magnaudeix - Mediapart.fr
Dans "La France du travail", passionnant ouvrage d'économie critique paru récemment aux éditions de l'Atelier, les chercheurs de l'IRES (Institut de recherches économiques et sociales, créé en 1982 pour nourrir la réflexion économique des syndicats) tentent une gageure : enfoncer un coin dans ces vraies-fausses idées reçues sur le travail, l'emploi et la précarité assenées tour à tour par plusieurs décennies de crise, la normalisation idéologique de la gauche dans les années 80-90 et, plus récemment, le slogan sarkozyste du “travailler plus pour gagner plus”.
Objectif collectif : «apporter des éclairages de longue durée sur les principaux sujets du débat social» en questionnant ces «fausses évidences asssenées quotidiennement». Tout y passe : pauvreté, protection sociale, restructurations. Les analyses les plus décoiffantes concernent l'analyse du marché du travail, l'emploi et le chômage. Les auteurs démolissent ces soi-disant évidences scientifiques qui se révèlent bien fragiles une fois confrontées à la réalité des chiffres : le lien mécanique entre la croissance et l'emploi, le bilan négatif des 35 heures ou la rigidité supposée du marché du travail, etc.
Entretien à trois voix avec les auteurs : Florence Lefresne, Pierre Concialdi et Michel Husson.
Idée reçue n°1 : «C'est la croissance qui crée l'emploi»
De la droite la plus libérale à la gauche de la gauche, en passant par toutes les chapelles du Parti socialiste et les centristes bon teint, voilà une certitude bien arrimée dans les esprits : pas d'emploi sans croissance, nous répète-t-on à longueur de journée. Un point de vue qu'ont aussi en partage syndicats et patronat. Pourtant, la crise nous amène à rompre avec cette «tradition keynésienne» bien ancrée, martèle Michel Husson :
«La crise conduit à réévaluer une certaine tradition “keynésienne” qui consiste à rechercher les moyens d'une croissance plus forte pour créer des emplois. Cette vision est partagée par la gauche et la droite, qui ne diffèrent (de moins en moins) que sur les politiques susceptibles de doper la croissance : relance budgétaire et salariale pour la gauche, politique d'offre (baisse du coût du travail, flexibilité, déréglementation, etc.) pour la droite.
Compter sur une croissance plus forte pour résorber le chômage est une illusion. Parce que les moteurs de la croissance sont durablement cassés par la crise, et que dans le meilleur des cas on devrait, selon le FMI, revenir à une croissance de 1,5% jusqu'en 2014. Parce que la crise actuelle a conduit à l'accumulation d'un nouveau stock de chômeurs et que la reprise sera une reprise sans emploi. Il faut donc raisonner autrement en se posant la question du contenu de la croissance, et surtout de la répartition d'une croissance durablement faible.»
D'autant que le lien entre croissance et emploi n'est pas du tout aussi clair. Michel Husson parle même d'une «illusion»...
«La croissance ne crée pas d'emplois à long terme. Certes, l'emploi fluctue avec la croissance et c'est bien pourquoi il plonge en ce moment. Mais ce n'est pas vrai si on gomme les fluctuations en raisonnant sur une période plus longue. Cette proposition iconoclaste peut être étayée à partir de quelques chiffres : durant les 15 années précédant la crise actuelle (1993-2008), l'emploi a augmenté en France de 15%, pour une croissance annuelle moyenne de 2,1%. Mais si l'on considère les 15 dernières années (1959-1974) des Trente Glorieuses, on constate que l'emploi avait moins progressé (9% )... pour une croissance du PIB pourtant très supérieure (5,8% par an au lieu de 2,1%). Bref, la capacité d'une économie de créer des emplois est largement indépendante de sa croissance.»
Déconnexion assez logique, soutient Husson, puisque plus l'économie croît, plus elle gagne en productivité. Ce qui, mécaniquement, annule les effets de la croissance sur les créations d'emploi.
«Le constat sur longue période est que les progrès de la productivité compensent bon an mal an l'effet de la croissance sur l'emploi. Il y a en effet un lien très fort entre les deux : la productivité soutient la croissance, et la croissance permet d'investir et d'introduire des méthodes de production plus efficaces. Si la compensation est exacte, le volume de travail (le nombre total d'heures travaillées) est constant.»
Mais alors, si la croissance n'est pas en cause, quel est le facteur décisif de la création d'emplois ? A rebours de l'air du temps, l'économiste met en avant le rôle décisif de... la réduction du temps de travail.
Idée reçue n°2 : «La réduction du temps de travail est néfaste pour l'emploi»
Depuis le début des années 2000, la réduction du temps de travail, vantée à la fin des années 90 comme une avancée décisive, est vouée aux gémonies, à droite mais aussi à gauche. Husson en ressuscite crânement les vertus.
«Si on regarde l'évolution de l'emploi dans le secteur privé depuis 30 ans (graphique ci-dessous), on constate qu'il a faiblement augmenté durant 20 ans, entre 1978 et 1997. Puis, l'emploi franchit une véritable marche d'escalier entre 1998 et 2002 qui équivaut à 1,8 million d'emplois. Depuis, la progression de l'emploi retrouve un rythme moins rapide, et la récession a déjà annulé toutes les créations d'emplois depuis 2002. Dans cette progression, le fait majeur est évidemment la réduction de la durée du travail.»
Selon l'économiste, on peut évaluer à 500.000 le nombre d'emplois créés par le passage aux 35 heures sous le gouvernement Jospin. Des emplois «pérennes», qui ont résisté au retournement conjoncturel du début du XXIe siècle :
«Sur l'ensemble du XXe siècle, on ne trouve aucune période aussi courte associée à une telle progression de l'emploi. Sur les 2,7 millions d'emplois créés dans le secteur privé depuis 1978, les deux tiers (64%) l'ont été sur la période 1997-2001.
Ces faits devraient faire réfléchir tous les économistes. Or ils ont plutôt tendance à le relativiser, avec deux arguments. D'abord, ils évoquent la croissance. Certes, elle a aidé, mais l'explication est un peu courte : à cette époque, beaucoup plus d'emplois n'ont été créés que durant la reprise de la fin des années 1980, reprise qui était d'ailleurs plus marquée. Autre argument : ces créations d'emplois seraient l'effet différé des baisses de cotisations sociales de la période précédente (1993-1997). Mais on ne comprend pas pourquoi il aurait fallu attendre si longtemps pour en voir les effets! Et puis, si les 35 heures ont été une catastrophe économique à cause du renchérissement du coût du travail (ce qui est par ailleurs factuellement faux), comment expliquer que cela n'ait pas pesé sur l'emploi ? L'estimation économétrique conduit à dire que la RTT a créé 500.000 emplois. Mais l'important est que ces emplois se sont révélés pérennes : ils ont résisté au retournement de conjoncture, contrairement aux cycles précédents. L'acquis de cette période représente alors environ 1,8 million d'emplois.»
La réduction du travail serait donc encore une idée neuve ? Oui, soutient Michel Husson :
«Si le discours sur le caractère néfaste de la RTT peut dominer, ce n'est donc pas en raison de son bilan-emploi, mais plutôt à cause des modalités pratiques du passage aux 35 heures : intensification du travail, annualisation, gel des salaires, non-création d'emplois compensatoires dans le secteur public.»
Idée reçue n°3 : «Le marché du travail est trop rigide»
C'est la rengaine du Medef, et une quasi-évidence pour beaucoup d'économistes et de commentateurs de l'actualité économique. Qui, d'ailleurs, ne la discutent même plus : le chômage résulterait d'un marché du travail trop rigide, la flexibilité des salaires serait insuffisante et le contrat de travail trop contraignant pour l'employeur. «Ce message des économistes néo-libéraux est porté par l'OCDE mais aussi par l'Union européenne», explique Florence Lefresne. Or le marché du travail est déjà très flexible, souligne Florence Lefresne. Elle a exhumé des statistiques de la caisse nationale des Urssaf (Acoss) un chiffre stupéfiant : en 2008, 60% des déclarations d'embauches étaient des CDD de moins d'un mois !
«Difficile de qualifier de rigide un marché du travail sur lequel trois quarts des embauches se font en CDD. Et quels CDD ! Sait-on qu'en 2008, 60% des déclarations d'embauches à l'Urssaf sont des CDD de moins d'un mois ? C'est à la mise en miettes du statut salarial que l'on assiste depuis 30 ans. Les choix de management ont abouti aux formes les plus régressives de flexibilité : pratiques croissantes d'externalisation, de subordination de la sous-traitance et de déréglementation-précarisation de l'emploi. L'idée maîtresse étant de toujours plus transférer le risque sur un tiers, l'entreprise sous-traitante ou le salarié précarisé... ou même le salarié devenu auto-entrepreneur, grâce au nouveau régime fiscal favorisant le dumping social dans l'artisanat.»
Loin d'opposer des détenteurs de CDI crispés sur leurs acquis (et de moins en moins nombreux) et les précaires exclus de l'emploi durable, Michel Husson évoque une «stratégie de grignotage», tendant vers la précarisation du plus grand nombre :
«L'argument cynique employé notamment au moment de la création du contrat première embauche (CPE) par ses promoteurs consistait à dire que la précarité découle de la crispation des insiders (le noyau dur du salariat en CDI) sur leurs acquis. Notre analyse est qu'il y a une stratégie de grignotage qui consiste à utiliser des populations-cible (jeunes, femmes, immigrés, voire seniors) qui sont les vecteurs de l'introduction de nouvelles normes – dégradées – d'emploi. Cette stratégie consiste à encercler le CDI de contrats précaires, puis à se retourner contre lui pour déboucher sur un contrat de travail unique moins protecteur. Mais, compte tenu des résistances sociales, on assiste au contraire à la multiplication des formes de contrat, comme par exemple le contrat à objet défini cher au Medef» (un CDD long pour les ingénieurs et les cadres, créé en 2008).
D'ailleurs, cette soi-disant nécessité impérieuse de rendre le marché du travail plus flexible n'a même jamais été scientifiquement démontrée, insiste Florence Lefresne.
«L'OCDE elle-même, dans ses Perspectives de l'emploi, en 2004, rappelait qu'aucune étude économétrique n'était en mesure d'établir de corrélation entre le degré de rigidité de la législation du marché du travail et le niveau de création d'emplois. La flexibilité ne crée donc pas l'emploi. On doit même s'interroger sur son inefficacité économique, en termes de déperditions de compétences, pour toutes ces catégories de précaires loin d'être dénués de qualifications réelles. C'est par exemple le cas des jeunes ou des femmes, qui sont souvent victimes du déclassement.»
Pour la chercheuse, la crise a également mis à bas un autre concept : la flexisécurité, «concept flou» importé des Pays-Bas et du Danemark, censé concilier flexibilité du marché du travail et protection des salariés. Depuis une dizaine d'années, ce concept est très à la mode dans les grandes institutions internationales, et fait l'objet d'une littérature abondante. En France, la flexisécurité a pourtant largement inspiré un accord entre partenaires sociaux signé en janvier 2008 portant "modernisation du marché du travail", avec la mise en place de la rupture conventionnelle, sorte de licenciement à l'amiable très en vogue. Mais Florence Lefresne estime la flexisécurité à la fois trop liée aux pays où elle a été théorisée... et déjà dépassée :
«Ce néologisme désigne la stratégie politique promue par la Commission européenne depuis 2006, visant à concilier flexibilité du marché du travail et sécurisation des trajectoires individuelles. Il prend appui sur l'expérience néerlandaise où les partenaires sociaux ont, à la fin des années 1990, signé un accord dans ce sens et surtout sur le modèle danois, largement médiatisé dans la dernière période. La souplesse du contrat de travail est mise en exergue mais on oublie trop souvent de dire que, dans ce petit pays dont l'appareil productif est composé d'un tissu de PME à forte valeur ajoutée, la mobilité élevée des salariés, est permise par des niveaux de formation et de protection sociale (dont de prélèvements obligatoires) parmi les plus élevés au monde.
De toutes façons, la vigueur de la récession a nettement plombé le débat sur la flexicurité. Les suppressions massives d'emploi semblent faire peu de cas de la prétendue rigidité du contrat de travail. L'ampleur du nombre de contrats flexibles joue même plutôt comme un accélérateur de chômage. Les cohortes de licenciement viennent nuancer l'idée d'un CDI intouchable. Et l'emploi public tant décrié et attaqué constitue aujourd'hui une digue sans laquelle la situation serait encore aggravée.»
Idée reçue n°4 : «Le coût du travail est trop élevé»
Combien de fois n'a-t-on pas entendu ce poncif dans la bouche d'à peu près tous les responsables politiques, du centre gauche à l'extrême droite ! Une affirmation là encore démentie par les chiffres, estime Pierre Concialdi.
«Si l'on considère les indicateurs les plus courants de coût de la main-d'œuvre, la France ne souffre pas d'un désavantage comparatif par rapport aux pays de niveau de développement comparable. La France se trouve en situation médiane en ce qui concerne le coût moyen de la main-d'œuvre. Pour la main-d'œuvre ouvrière, la France est même mieux placée que les autres pays, comme le montrent régulièrement les statistiques du Département du travail américain. Si l'on ajoute que la France a un niveau moyen de productivité supérieur à presque tous les autres pays, il est difficile de soutenir qu'il y a un problème de compétitivité-coût. Si la situation du commerce extérieur français est dégradée, ce n'est pas de côté-là qu'il faut chercher, mais plutôt dans les stratégies des entreprises.»
Selon Michel Husson, la pression mise sur le coût du travail a servi d'autres buts que l'impératif de compétitivité : elle a surtout permis d'augmenter les dividendes versés aux actionnaires.
«Si l'impératif de compétitivité fonctionnait réellement, la baisse du coût du travail aurait dû être répercutée dans les prix, afin de gagner des parts de marché. Mais dans le cas d'une répercussion parfaite, la part des salaires dans la valeur ajoutée aurait dû rester constante. Or elle a baissé. Cela veut dire qu'une bonne partie de la baisse du coût du travail n'a pas été consacrée à une baisse des prix mais à une augmentation des dividendes versés par les entreprises. Ceux-ci représentaient 4% de leur masse salariale au début des années 80 ; en 2008, on en était à 12%.»
Pierre Concialdi pousse le raisonnement jusqu'à envisager que le Smic, que les responsables politiques rechignent à augmenter par crainte de grever la compétitivité des entreprises, n'est pas si élevé qu'on le dit parfois:
«Les rapports qui se sont intéressés récemment à cette question n'ont considéré qu'un aspect de cette question, à savoir le rôle de "voiture balai" que joue le SMIC, en examinant la place du salaire minimum dans la hiérarchie des salaires. Or d'un point de vue économique, c'est surtout le rapport entre la productivité du travail et le salaire minimum qui est pertinent. Le principe qui fonde l'existence du SMIC – créé en 1970 – repose en effet sur l'idée que les salariés doivent bénéficier des fruits de la croissance, c'est-à-dire recevoir une part minimale de la valeur ajoutée créée. Or le rapport entre le salaire minimum et la productivité moyenne n'a jamais été aussi bas depuis 60 ans. Dans ces conditions, il est difficile de soutenir que le niveau du salaire minimum serait aujourd'hui trop élevé.»
Idée reçue n°5: La «sortie de crise» est à portée de main
Si la récession semble terminée, les conséquences sociales de la crise commencent à peine à se faire jour. Les trois chercheurs craignent qu'une fois la mer retirée, le paysage social apparaisse encore plus désolé.
Pierre Concialdi : «Avec la crise, le débat se focalise sur la montée du chômage. Mais le sous-emploi s'est aussi considérablement développé. Depuis un an, le chômage partiel a beaucoup augmenté pour atteindre des niveaux comparables à ceux observés en 1993, au creux de la récession. Et les autres formes de sous-emploi restent à des niveaux records.»
Florence Lefresne craint une «précarisation durable» des jeunes qui arrivent à intégrer le marché du travail malgré la crise. Quant aux autres, ils risquent tout simplement de rester «interdits de marché du travail pour longtemps».
«L'impact de la récession est particulièrement fort sur les jeunes dont le taux de chômage flirte avec les 25%. Cela s'explique par leur concentration sur les emplois temporaires (CDD, intérim) qui ont une forte dimension cyclique. On peut toujours attendre les effets de la reprise pour inverser la tendance, mais le stock accumulé de chômage ne se résorbera pas facilement et une bonne partie d'entre eux, notamment les moins qualifiés, risquent d'être interdits de marché du travail pour longtemps. Et pour ceux qui ont la chance d'accéder au marché du travail, les effets de précarisation semblent durables. Des travaux statistiques montrent en effet que chaque génération occupe finalement moins d'emplois stables que la précédente. Les jeunes ont d'ailleurs une conscience forte de cette précarisation. Ils l'ont exprimé clairement lors du rejet du CPE, au printemps 2006.»
Michel Husson craint qu'en sortie de crise, la recherche de rentabilité n'accélère la précarité de ceux qui ont un emploi. Ce qu'il résume d'une formule : la généralisation du «bricolage social».
«Dans la récession, bien des dispositifs qui ont permis d'amortir le choc sur l'emploi s'apparentent à une RTT de fait : chômage partiel, baisse des heures sup. Dans la période de sortie de crise, les entreprises vont chercher à rétablir leur rentabilité en ajustant à la baisse les effectifs ou en multipliant les contrats précaires. La question qui se pose maintenant est celle de la répartition du volume global de travail : après tout, le chômage est une forme-limite de réduction du temps de travail. Il faudrait une modification radicale du mode de partage du travail (moindre durée du travail, plus d'emplois) et de la répartition des revenus (moins de dividendes, plus de salaires). Si cette modification n'est pas amorcée, on va vers un bricolage social qui va durcir toutes les tendances déjà à l'œuvre, que l'on peut résumer par un fractionnement du salariat avec une multiplication des statuts précaires, sous la double pression de la quête de rentabilité des entreprises et du rééquilibrage des finances publiques.»
A en croire Pierre Concialdi, cette précarisation est déjà à l'œuvre à travers le Revenu de solidarité active (RSA). Pour le chercheur, ce dispositif qui remplace le RMI risque de rater son but proclamé d'endiguement de la précarité via l'incitation à reprendre un travail.
«Ce dispositif encourage encore davantage qu'auparavant les salariés à accepter ces emplois à temps partiel. Les premiers bilans – certes partiels – tirés de l'expérimentation du RSA confirment que ce risque existe bel et bien. Dans les zones tests où était expérimenté le RSA, les emplois retrouvés se concentrent davantage sur les temps partiels et ils sont moins rémunérateurs que les emplois retrouvés dans les zones témoins (où le RSA n'était pas expérimenté). Dans ces conditions, le risque existe que le RSA – comme les dispositifs analogues de soutien aux bas salaires du type de la PPE – ne soit pas une solution à la précarité mais, au contraire, un des éléments qui contribuent, sinon à son développement, du moins à son maintien.»
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[11] http://www.mediapart.fr/node/67471
[12] http://www.travail-solidarite.gouv.fr/i ... sommaire_2
[13] http://www.oecd.org/document/24/0,3343, ... _1,00.html
[14] http://www.oecd.org/dataoecd/8/22/34847005.pdf
[15] http://www.mediapart.fr/journal/culture ... ent-social
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Re: Qu'est-ce que le travail ?
en 2008, 60% des déclarations d'embauches étaient des CDD de moins d'un mois !
Divorce consommé entre salariés et employeurs
Un sondage, réalisé par TNS Sofres pour Altedia, montre qu'une cassure s'est produite entre les salariés français et leurs employeurs. Perte de confiance dans les dirigeants, mais aussi perte de confiance dans les syndicats. Le modèle managérial est en crise.
La figure du patron n'a jamais eu une cote d'enfer auprès des salariés français, mais ils n'en étaient pas moins attachés à leur propre entreprise ou administration. S'agit-il seulement d'un passage à vide lié à la brutalité de la crise ou d'une rupture durable ? En tout cas, un sondage réalisé par TNS Sofres auprès d'un échantillon représentatif de 1.005 salariés du privé, d'entreprises publiques et d'administrations, du 14 au 23 octobre, révèle que ce n'est plus le cas. «La rupture entre salarié et employeur est consommée», souligne Xavier Lacoste, directeur général d'Altedia, la société de conseil en ressources humaines pour laquelle a été réalisée cette enquête.
La présidente du Medef n'y croit pas. Laurence Parisot ne veut pas entendre parler de divorce entre les salariés et leurs employeurs, en tout cas dans le privé. Ce constat n'étonne en revanche pas le sociologue du travail Michel Lallement (lire les interviews pages 5 et 6).
Crise de confiance
Selon le sondage TNS Sofres Altedia, le phénomène est général : s'ils sont plus positifs sur leurs relations avec leur manager direct, seuls 42,7% de salariés du privé déclarent avoir «confiance dans les dirigeants» de leur entreprise. Pour l'Etat employeur, ce n'est pas mieux : ils ne sont même que 29,6% dans l'administration. Pis, seuls 39% des salariés interrogés jugent que, chez leur employeur, «les intérêts des dirigeants et des salariés vont dans le même sens» (40,8% dans le privé et 29,5% dans le public). Et seuls 38,2% des salariés (40,8% dans le privé, 29,5% dans le public) jugent les écarts de salaire entre leurs dirigeants et eux-mêmes justifiés. Quant aux cadres, ils ne raisonnent pas autrement.
La seule exception concerne les très petites entreprises, où 61% des salariés affirment que les intérêts de leurs dirigeants vont dans leur sens.
Le malaise ne se résume pas au stress
Alors que la question du stress occupe depuis quelques semaines le devant de la scène médiatique, l'enquête ne montre pas qu'il constitue une préoccupation majeure. Xavier Lacoste y voit le signe qu'«il serait imprudent de résumer le malaise actuel dans les entreprises à une simple question de stress et de risques psychosociaux». Pour lui, «il tient au moins autant à des incompréhensions sur les orientations stratégiques ou encore les politiques de rémunération».
Cette importance relative du stress signifie aussi que si les salariés sont mécontents (de leur salaire et du manque de reconnaissance) et inquiets (près d'un sur deux se sent menacé dans son emploi), ils «ne sont pas résignés», selon Xavier Lacoste. Ils apparaissent même dans le sondage plutôt revendicatifs. Dans le privé, ils sont ainsi 46% à évoquer la grève et 22% des actions violentes. Mais ce n'est pas pour autant une bonne nouvelle pour les syndicats, qui déçoivent une majorité de salariés (à peine plus de 45% leur font confiance et seulement 42% dans le privé). «Il y a une aspiration à tout régler au premier niveau avec son manager», souligne Xavier Lacoste, qui note un «désinvestissement du collectif» vers un «repli individualiste». Tout cela constitue autant d'ingrédients d'une crise managériale, dont il est sans doute un peu tôt pour savoir si elle est simplement conjoncturelle, mais qui semble en tout cas assez profonde.
Source : http://www.lesechos.fr/pme/conjoncture/ ... fiance.htm
Lire aussi dans l'encadré :
• Les cadres plus critiques vis-à-vis de leur direction
• Les fonctionnaires perdus face à la réforme de l'Etat
• Les petites entreprises moins touchées
• Un sentiment de reconnaissance corrélé aux opinions politiques
La figure du patron n'a jamais eu une cote d'enfer auprès des salariés français, mais ils n'en étaient pas moins attachés à leur propre entreprise ou administration. S'agit-il seulement d'un passage à vide lié à la brutalité de la crise ou d'une rupture durable ? En tout cas, un sondage réalisé par TNS Sofres auprès d'un échantillon représentatif de 1.005 salariés du privé, d'entreprises publiques et d'administrations, du 14 au 23 octobre, révèle que ce n'est plus le cas. «La rupture entre salarié et employeur est consommée», souligne Xavier Lacoste, directeur général d'Altedia, la société de conseil en ressources humaines pour laquelle a été réalisée cette enquête.
La présidente du Medef n'y croit pas. Laurence Parisot ne veut pas entendre parler de divorce entre les salariés et leurs employeurs, en tout cas dans le privé. Ce constat n'étonne en revanche pas le sociologue du travail Michel Lallement (lire les interviews pages 5 et 6).
Crise de confiance
Selon le sondage TNS Sofres Altedia, le phénomène est général : s'ils sont plus positifs sur leurs relations avec leur manager direct, seuls 42,7% de salariés du privé déclarent avoir «confiance dans les dirigeants» de leur entreprise. Pour l'Etat employeur, ce n'est pas mieux : ils ne sont même que 29,6% dans l'administration. Pis, seuls 39% des salariés interrogés jugent que, chez leur employeur, «les intérêts des dirigeants et des salariés vont dans le même sens» (40,8% dans le privé et 29,5% dans le public). Et seuls 38,2% des salariés (40,8% dans le privé, 29,5% dans le public) jugent les écarts de salaire entre leurs dirigeants et eux-mêmes justifiés. Quant aux cadres, ils ne raisonnent pas autrement.
La seule exception concerne les très petites entreprises, où 61% des salariés affirment que les intérêts de leurs dirigeants vont dans leur sens.
Le malaise ne se résume pas au stress
Alors que la question du stress occupe depuis quelques semaines le devant de la scène médiatique, l'enquête ne montre pas qu'il constitue une préoccupation majeure. Xavier Lacoste y voit le signe qu'«il serait imprudent de résumer le malaise actuel dans les entreprises à une simple question de stress et de risques psychosociaux». Pour lui, «il tient au moins autant à des incompréhensions sur les orientations stratégiques ou encore les politiques de rémunération».
Cette importance relative du stress signifie aussi que si les salariés sont mécontents (de leur salaire et du manque de reconnaissance) et inquiets (près d'un sur deux se sent menacé dans son emploi), ils «ne sont pas résignés», selon Xavier Lacoste. Ils apparaissent même dans le sondage plutôt revendicatifs. Dans le privé, ils sont ainsi 46% à évoquer la grève et 22% des actions violentes. Mais ce n'est pas pour autant une bonne nouvelle pour les syndicats, qui déçoivent une majorité de salariés (à peine plus de 45% leur font confiance et seulement 42% dans le privé). «Il y a une aspiration à tout régler au premier niveau avec son manager», souligne Xavier Lacoste, qui note un «désinvestissement du collectif» vers un «repli individualiste». Tout cela constitue autant d'ingrédients d'une crise managériale, dont il est sans doute un peu tôt pour savoir si elle est simplement conjoncturelle, mais qui semble en tout cas assez profonde.
Source : http://www.lesechos.fr/pme/conjoncture/ ... fiance.htm
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